Jean-Daniel Magnin : « Chaque écrivain doit réinventer le théâtre à sa façon »
Une soirée théâtrale s’est tenue à l’Institut français de Prague lundi. Dans son cadre, la metteuse en scène Lucie Málková a présenté un collage de textes dramatiques de deux dramaturges contemporains, le Français Samuel Gallet et le Tchèque Roman Sikora. Ces textes souvent violents et corrosifs qui ont été lus par de jeunes comédiens, ont provoqué un vif débat à l’issue du spectacle, débat animé par la réalisatrice et traductrice Katia Hala. Parmi les intervenants figurait entre autres Jean-Daniel Magnin, dramaturge et directeur littéraire du Théâtre du Rond-Point des Champs-Élysées à Paris. Radio Prague a profité de l’occasion pour lui poser quelques questions. Voici un extrait de cet entretien :
« J’ai plusieurs pièces qui ont été publiées pour la plupart chez un éditeur qui s’appelle ‘Actes Sud’ en France, mais j’ai publié aussi d’autres pièces chez d’autres éditeurs. Mes pièces ont été jouées entre autres au Théâtre de la Bastille, une pièce qui s’appelle ‘La Tranche ou le Retour de l’enfant prodigue’. La pièce a été montée par Philippe Adrien au Théâtre de la Bastille et aussi au Festival d’Avignon. C’était en 1993. Une autre pièce s’appelle ‘Opéra savon’. Elle a été montée par Sandrine Anglade en 2000 à la Comédie française. Je suis aussi auteur d’une pièce montée au Québec, à Genève et au théâtre du Rond-Point et dont la meilleure production a été présentée ici en janvier 2010 par Lucie Málková au studio Saint Germain. La pièce s’appelle Leviathan Coccyx, en tchèque Leviathan Kostrič. Voilà, mes pièces ont été traduites plutôt dans les pays de l’Est. »
Vous venez d’assister à la lecture de pièces de deux auteurs contemporains français et tchèque, des pièces de Samuel Gallet et de Roman Sikora. Quelle a été votre impression ? Qu’en pensez-vous ?
« Je pense qu’on est tous européens et même mondialisés. D’abord, le public est assez universel. On sait bien qu’une pièce forte, qui a une portée universelle mais peut être une chose drôle et légère, va fonctionner devant toutes sortes de public, à la campagne, à la ville, à l’étranger, dans d’autres continents. Le public a donc une universalité. En plus, on est dans une époque après le postmodernisme. J’ai l’impression que chaque écrivain doit réinventer le théâtre à sa façon. En France, il y a mille formes de théâtre selon les pièces qui sont écrites, chaque fois c’est une autre forme de théâtre et cela doit être pareil en République tchèque. »
Les pièces de Samuel Gallet et de Roman Sikora présentées ce soir, c’était aussi une comparaison entre les théâtres contemporains français et tchèque…
« Les pièces de ce soir avaient un point commun pour moi, plutôt que dans leur aspect formel, dans le fait qu’elles parlent des problèmes politiques qui soudain ont lieu chez nous. Evidemment, à vous qui avez traversé l’histoire de manière brûlante depuis la guerre jusqu’à aujourd’hui, cela semble normal. Mais en France, on ne parlait plus du tout de la politique, le théâtre était abstrait. La crise financière, le problèmes des banlieues, le problème de l’immigration, la violence sont des sujets qui deviennent moins familiaux mais plus politiques. Ce n’est pas le retour du théâtre tract, mais une dimension politique qui commence à occuper nos vies. Et c’est un grand bien. C’est la fonction du théâtre que les gens se reparlent surtout dans des sociétés très atomisées à l’occidentale, ce qui doit aussi faire ravage chez vous. Il ne faut pas oublier qu’il y a une partie de la population où l’on vit seul, sans famille en prenant des médicaments, on est gavé d’ordinateur et de télévision. Je fais un tableau très noir mais c’est une réalité. Et se parler, parler à son voisin, c’est un acte presque politique qui se fait très peu. Je pense que les gens vont au théâtre parce qu’ils en ont besoin. Et si le théâtre se met à parler de ce qu’on vit, c’est une bonne chose. On en a besoin. »(Vous pouvez entendre l’intégralité cet entretien, ce samedi, dans le cadre de l’émission Rencontres littéraires.)