Caya Makhélé : « Au théâtre, écriture et oralité sont au rendez-vous »

Caya Makhélé

Récemment, le Théâtre Na Vinohradech, à Prague, présentait une lecture scénique de cinq dramaturges français, dont celle de la pièce Sortilèges, de Caya Makhélé. Auteur franco-congolais, il était à Prague pour présenter son texte qu’il a écrit dans la capitale tchèque à la faveur du programme Ecritures du Monde. Sortilèges est un drame familial autour de l’exil inspiré de l’histoire de Rusalka, l’Ondine, de Dvořák.

Caya Makhélé
Pensez-vous que l’exil est une thématique particulièrement actuelle ? Quand on regarde autour de nous les phénomènes de migration, quand on pense à ces gens qui se sentent déracinés dans leur propre pays…

« Effectivement, l’exil est sans doute le traumatisme du monde dans lequel nous vivons, mais c’est peut-être aussi une grande chance. Parce que les peuples quelles que soient les époques se sont toujours déplacés, qui se sont intégrés, qui ont recréé des cellules familiales, des manières d’être. Paradoxalement, il me semble qu’aujourd’hui, maintenant que nous sommes au faîte de la technologie, nous sommes aussi redevenus très casaniers. Et nous refusons la présence des autres. Nous devenons ainsi exilés dans notre propre territoire. Les tendances, les personnalités, les sous-cultures se mettent en place et s’excluent les unes les autres. C’est en cela que le thème de l’exil m’intéresse. L’exil en soi est un déchirement, mais le rejet est un déchirement encore plus important. »

Vous revenez très bientôt, en janvier. Dans quel cadre ?

« En janvier je reviens présenter Sortilèges mais cette fois-ci, elle est mise en espace à Zlín, en Moravie. Cela donner certainement une autre lecture. Ce qui me plaît dans la démarche, c’est que la traductrice et la jeune femme qui met en scène à Prague, sont deux femmes, et à Zlín ce sera pareil : c’est aussi une metteuse en scène. Je pense que ce personnage d’Ondine s’est trouvé des sœurs de culture. »

Dernière question par rapport à la langue, chose très importante lorsque l’on écrit : voir sa propre pièce dans une autre langue de la sienne, que l’on ne connaît pas, cela doit être assez étrange… Comment vivez-vous ces moments de redécouverte de votre propre travail ?

« C’est un moment exaltant. Il me faut un effort considérable pour saisir quelques expressions langagières et les traduire, moi qui ne sais pas parler tchèque. Mais d’un autre côté, je ne fais aucun effort de compréhension du déroulement de la pièce. J’ai réalisé que les Tchèques riaient tous au même moment que les autres publics, et que la pièce fonctionnait de la même manière. En tant qu’auteur ce qui m’intéresse, ce n’est pas qu’on puisse traduire mot à mot mon texte et le représenter tel qu’il a été écrit. Ce qui m’intéresse le plus, c’est qu’un metteur en scène se saisisse du texte et en fasse une partie de lui-même, quitte à peut-être bousculer un peu le texte, pour le rendre audible à ceux à qui il le présente. Je ne veux pas que mes textes soient figés. Je suis issu d’une double culture : du point de vue de l’Afrique, je suis issu d’une culture de l’oralité, du point de vue de la France, je suis un homme des mots écrits. Je pense le théâtre marie bien ces deux aspects : les mots sont écrits mais pour être dits. L’écriture et l’oralité sont au rendez-vous. »