Petra Kvitová, pas encore n° 1 mondiale, mais reine de la saison 2011
Près de quatre mois après sa victoire à Wimbledon, Petra Kvitová a remporté le Masters, dimanche, à Istanbul. En battant en finale la Biélorusse Victoria Azarenka, la Tchèque a confirmé, si besoin encore en était, que son succès en juillet sur le gazon londonien, le premier dans un tournoi du Grand Chelem, était tout sauf le fruit du hasard. De victoire en victoire, le parcours de la grande gauchère de 21 ans ressemble toujours un peu plus à celui d’une certaine Martina Navratilová, dont Petra Kvitová pourrait bien être la digne héritière.
Cinq victoires, donc, en l’espace de six jours contre cinq des huit meilleures mondiales : qui dit mieux ? Depuis la Russe Maria Sharapova en 2004, aucune autre joueuse n’était parvenue à remporter le Masters dès sa première participation. En plus de gonfler son compte bancaire de 1 750 000 dollars, cette victoire permet également à Petra Kvitová de terminer la saison à la deuxième place mondiale. La Tchèque, qui avait entamé l’exercice 2011 à la 34e place, a ainsi réalisé une des plus belles (sinon la plus belle) progressions de l’année. A seulement 21 ans, et après avoir gagné son premier titre du Grand Chelem à Wimbledon en juillet dernier (comme Navratilová, qui avait remporté son premier Grand Chelem à Wimbledon et son premier Masters à sa première participation en 1978, l’année de ses… 21 ans), Petra Kvitová semble plus que jamais avoir l’avenir devant elle.
Mais avant de penser à l’avenir et à la préparation, déjà, d’une saison 2012 au cours de laquelle elle aura un nouveau statut à défendre, son entraîneur David Kotyza, souvent mis en avant dans la réussite de sa protégée, est d’abord revenu sur la saison écoulée. Et selon David Kotyza, Petra Kvitová doit sa progression en 2011 à une régularité plus importante dans son niveau de jeu et ses performances :« Sa vie a un pas mal changé, surtout après sa victoire à Wimbledon. Depuis, elle n’est plus seulement une joueuse prometteuse qui joue bien au tennis, mais qui passe parfois au travers. Cela lui arrive encore, mais elle a eu dans l’ensemble nettement moins de hauts et de bas cette saison. Sa personnalité évolue naturellement, malgré son jeune âge. Même s’il a fallu qu’elle fasse des efforts pour cela et que ça n’a pas toujours été simple, elle est devenue plus mûre. Elle reste la fille très sympathique qu’elle a toujours été, mais elle a gagné le respect des autres, et c’est surtout une super joueuse. »
Super joueuse, Petra Kvitová l’a donc été souvent cette saison, marquée par six titres, mais aussi tout au long de cette semaine de Masters et d’une finale enthousiasmante. Contre Victoria Azarenka, dans un duel qui pourrait prochainement devenir un classique si la Biélorusse poursuit elle aussi sa progression, la gauchère tchèque a une nouvelle fois démontré qu’elle savait répondre présent dans les moments importants (une seule finale perdue cette saison). Plus puissante que son adversaire, Petra Kvitová a fini par avoir raison de la vaillance de son adversaire dans le troisième set, comme elle s’en félicitait à la sortie du court :« Je savais que ce serait très difficile contre Victoria. Notre dernier match avait déjà été au bout des trois sets. Elle aussi a fait de gros progrès. Nos matchs sont toujours très serrés et ce sont des détails qui font la différence. Aujourd’hui elle a très bien retourné, mon service n’a donc pas eu l’importance qu’il a généralement pour moi. Il y a eu beaucoup d’échanges, toutes les balles ont été très disputées et elle ne m’a donné aucun point. »
Malgré cette victoire au Masters, Petra Kvitová, qui sera probablement prochainement élue Joueuse de l’année par la WTA (la fédération internationale de tennis féminin), n’est pas encore la meilleure joueuse mondiale. Il lui aura manqué 115 points, soit presque rien, pour détrôner la numéro un, Caroline Wozniacki. Mais pour beaucoup d’observateurs, et pas seulement tchèques, cela n’est plus qu’une question de temps. Entraîneur de l’équipe tchécoslovaque vainqueur de la Fed Cup en 1983, Jan Kukal fait partie de ceux qui prédisent un avenir radieux à Petra Kvitová :
« J’ai une mauvaise nouvelle pour ses adversaires et, inversement, une excellente nouvelle pour le tennis tchèque : Petra Kvitová a encore une marge de progression très importante. Elle est combative, travailleuse, à l’écoute des conseils qui lui sont donnés : mentalement, c’est une championne. Mais en même temps elle reste une fille tout à fait normale, qui s’entend parfaitement avec son entourage. Elle possède un excellent service. Sur ce point précis, si elle continue comme elle le fait, seule Serena Williams pourra la concurrencer. Et ses progrès depuis Wimbledon sont déjà évidents. Elle est bien meilleure à la volée et monte beaucoup au filet, ce qu’aucune autre joueuse de l’élite ne fait aujourd’hui. Pourtant, elle peut là aussi encore faire beaucoup de progrès. Mais cette réussite, Petra la doit aussi à son entraîneur et à l’ensemble de son entourage, notamment au centre d’entraînement de Prostějov. »Petite ville morave de 45 000 habitants située dans l’est de la République tchèque, Prostějov est aujourd’hui bien connue pour être devenue « l’usine à champions tchèques » de ces dernières années. C’est également à Prostějov que Tomáš Berdych, qui participera probablement au Masters masculin à Londres fin novembre, a ainsi été formé, pour ne citer que lui. Mais selon Jan Kukal, à la différence justement de Berdych chez les hommes, Petra Kvitová profite du tassement de l’élite mondiale féminine depuis quelques saisons déjà :
« C’est vrai qu’il n’y a pas de réelle n° 1 mondiale actuellement. Le tennis féminin n’est plus dominé par les sœurs Williams, Kim Clijsters ou Justine Hénin comme il l’était à une certaine époque. Il n’y a pas de joueuse qui domine véritablement les autres sur la durée. Pour Tomáš Berdych, par exemple, chez les hommes, c’est plus compliqué, car il y a quatre joueurs, Djokovic, Nadal, Federer et Murray, qui sont au moins un cran au-dessus de tous les autres. La concurrence est plus forte chez les hommes. Beaucoup d’observateurs critiquent le niveau de jeu pratiqué par les femmes, même au Masters. C’est pourquoi l’éclosion de Kvitová, avec le jeu offensif qu’elle pratique, est une bonne chose non seulement pour le tennis tchèque, mais aussi pour le tennis féminin dans son ensemble. »En attendant, le tennis féminin tchèque se prépare, lui, encore à l’autre grand rendez-vous de cette fin de saison : la finale de Fed Cup contre la Russie, à Moscou, samedi et dimanche prochains. Une épreuve que les Tchèques n’ont plus gagnée depuis 1988… Mais avec Petra Kvitová dans l’équipe, tout semble aujourd’hui possible.