Disparition de « Monsieur budget »
La classe politique tchèque est unanime : pendant vingt ans, il a été inimaginable d’établir le budget de l’Etat sans Eduard Janota. Choqués et pris au dépourvu, les mondes politique, économique et financier ont réagi, ce week-end, à l’annonce du décès inattendu de l’un des économistes tchèques les plus en vue. Eduard Janota est mort subitement, vendredi dernier, d’une crise cardiaque au cours d’une partie de tennis. Il avait 59 ans.
Pour Jindřich Šídlo, commentateur du quotidien économique Hospodářské noviny, Eduard Janota, bien que resté méconnu du grand public pendant de nombreuses années, était « un des Tchèques les plus influents ». En effet, diplômé de l’université économique de Prague, Eduard Janota a entamé sa carrière professionnelle au ministère des Finances en 1978, au département du budget de l’Etat. Ce département, il allait lui-même le diriger à partir de 1992, en devenant l’adjoint chargé du budget de tous les ministres des Finances qui se sont succédés. « Il savait conserver ses distances par rapport à la politique », remarque, toujours dans Hospodářské noviny, le journaliste Petr Vašek, et rappelle que « tous les ministres, qu’ils représentaient la gauche ou la droite, le considéraient comme un spécialiste irremplaçable. »
Fonctionnaire loyal, Eduard Janota n’hésitait pourtant pas à polémiquer publiquement avec ses supérieurs : son conflit, en 2006, avec le ministre ODS des Finances Vlastimil Tlustý à propos d’une fausse estimation, par le ministre, de l’ampleur du déficit public, a eu pour conséquence la révocation d’Eduard Janota. Quelques mois plus tard, l’économiste retrouvait son poste, appelé par le nouveau ministre Miroslav Kalousek déjà cité.
Entre mai 2009 et juillet 2010, Eduard Janota a exercé lui-même la fonction de ministre des Finances au sein du gouvernement intérimaire de Jan Fischer. Cet engagement, accepté en pleine crise de l’économie tchèque, a représenté le sommet de sa carrière. Désormais, tous les Tchèques se souviendront du fameux « Janotův balíček » - le « paquet de Janota » : il s’agissait d’un ensemble de mesures d’austérité portant sur la fiscalité, les prestations sociales et l’assurance maladie, ainsi que sur l’augmentation de la TVA et des taxes sur l’essence, le tabac et l’alcool. Ces mesures restrictives ont permis de réduire de plus de 2 milliards d’euros l’énorme déficit du budget de l’Etat pour l’année 2010. Comme le remarque le journaliste Petr Vašek, « la République tchèque est ainsi restée un pays fiable aux yeux des investisseurs étrangers ».Après avoir quitté le ministère des Finances, en juillet 2010, Eduard Janota s’est retiré de la vie politique. Il a refusé de présenter sa candidature au Sénat et s’est consacré davantage à ses hobbys, notamment au sport, tout en restant membre du conseil économique du gouvernement et vice-président du conseil de surveillance de la société énergétique ČEZ. Suite à sa disparition, la presse a également évoqué un trait important de son caractère, plutôt rare dans le paysage politique tchèque : son incorruptibilité.