220 ans se sont écoulés, le 11 mai dernier, depuis la naissance de Jan Hugo Voříšek, compositeur qui figure parmi les musiciens tchèques les plus doués et les plus prometteurs du début du XIXe siècle. Le sort ne lui a pas accordé une longue vie, mais il laisse pourtant une trace non négligeable dans l’histoire de la musique tchèque.
Jan Hugo Voříšek
C’est sans doute la Symphonie en Ré majeur de 1823 qui est la composition la plus connue et la plus jouée encore aujourd’hui de Jan Hugo Voříšek. Le musicologue Jaroslav Holeček constate : « C’est une oeuvre mûre portant la griffe beethovenienne mais tout à fait indépendante par son invention, formellement exacte, au son équilibré et riche par son contenu. » Fait étonnant, elle resta longtemps inconnue (la partition ne fut éditée qu’en 1957) et aujourd’hui elle s’est intégrée dans la mosaïque de la production symphonique du premier tiers du XIXe siècle et est toujours accueillie très favorablement quand elle est jouée à l’étranger.
Jan Václav Voříšek, qui prendra plus tard le nom artistique de Jan Hugo Voříšek, est né en 1791 dans la ville de Vamberk en Bohême de l’est, d’un père maître d’école. C’est celui-ci qui lui donne ses premières leçons de piano, de violon et de chant. Il étudie ensuite à Prague où il devient l’élève de professeurs renommés tel le philosophe Bernard Bolzano. A partir de 1804, il suit les leçons du célèbre compositeur tchèque Jan Václav Tomášek, homme qui découvre son talent exceptionnel. Le jeune Jan Hugo décide de poursuivre ensuite ses études musicales à Vienne où il s’installe dès 1813. Dans la capitale autrichienne il fréquente des personnalités importantes de la vie musicale dont Johann Nepomuk Hummel, il fait la connaissance de Ludwig van Beethoven et devient ami de Franz Schubert. Il s’impose peu à peu comme un excellent improvisateur, un brillant pianiste et un compositeur de talent. Sa carrière ne sera pas longue. Atteint de tuberculose, il meurt en 1825 à l’âge de 34 ans.
C’est le cycle de douze Rhapsodies qui ouvre, après une série de compositions de jeunesse, la création de Jan Hugo Voříšek pour piano. L’artiste met plusieurs années à composer ce cycle qui est publié en 1818 et montre le talent du jeune auteur. Il dédie le cycle à son professeur pragois Vaclav Jan Tomášek et ce n’est pas un simple geste de politesse. C’est un hommage que le disciple rend à son maître, le disciple qui développe et fait fructifier la leçon qui lui a été donnée. Jan Hugo Voříšek écrira également d’autres œuvres pour piano. Sa création pour cet instrument atteint probablement son apogée dans la Sonate en si bé mol mineur, une oeuvre ambitieuse qui doit s’intituler d’abord Sonata quasi una fantasia et par laquelle le jeune auteur rivalise avec Beethoven. Nous lui devons aussi la Fantaisie opus 12, composition qui marie plusieurs inspirations dont la tradition baroque d’improvisation. L’auditeur attentif y décèle cependant aussi une profusion d’idées musicales qui reflètent entre autres, l’atmosphère et le charme des salons musicaux viennois de l’époque.
La musicologue Olga Zuckerová rappelle que Jan Hugo Voříšek peut être considéré comme le père de l’impromptu, petite forme musicale, qui allait devenir célèbre grâce à Schubert et Chopin :
« Voříšek a introduit le titre ‘impromptu’ dans le domaine de la composition pour piano en 1817, année d’édition de sa composition du même nom (si bé mol majeur) sous forme de supplément au journal Allgemeine musikalische Zeitung. Quant à l’atmosphère, cette petite pièce s’apparente au Feuillet de l’album des souvenirs, composé en 1817 et en 1822 pour Marie Eskeles, fille d’un banquier viennois, admiratrice de Beethoven. Les Impromptus op. 7, publiés en 1821, diffèrent des Rhapsodies par leur caractère sonore plus intime, par ailleurs déjà plus ‘national’ avec ses imitations de chalumeaux, de cornemuses etc. (…). Le dernier impromptu, en si majeur, ferait songer par ses sixtes au chant sur « l’amour fidèle » de l’opéra La Fiancée vendue de Smetana. »
Les 220 ans qui nous séparent de la naissance de Jan Hugo Voříšek, n’ont pas été suffisants pour nous faire oublier l’œuvre de ce musicien précoce et original. Aujourd’hui il est considéré comme l’un des premiers romantiques et le prédécesseur direct de Franz Schubert.