Catherine Cusset a présenté à Prague son roman « Un brillant avenir », sorti en tchèque

Catherine Cusset est une romancière française installée à New York. Elle est auteur d’une dizaine de romans, dont « Le problème avec Jane », « Confessions d’une radine» ou « Un brillant avenir », son plus grand succès, publié en 2008 chez Gallimard et primé du Goncourt des lycéens. « Un brillant avenir », où l’auteur jongle avec le temps et les lieux, raconte le destin d’Elena, une scientifique roumaine, qui fuit, avec son mari juif, la Roumanie antisémite, pour s’installer en Israël et ensuite aux Etats-Unis. Sa vie est bouleversée par l’arrivée, dans la famille, de la fiancée française de son fils unique. La relation délicate entre la belle-mère et la belle-fille est un des « grands » sujets abordés dans ce remarquable roman qui vient de sortir en tchèque sous le titre « Skvělá budoucnost ». Catherine Cusset, venue présenter cette semaine son roman à Prague et à Brno, nous a parlé de sa propre relation avec sa belle-mère roumaine qui l’a inspirée.

Catherine Cusset
« Moi, Française qui a épousé un Roumain, je me suis heurtée tout de suite à l’hostilité de cette femme qui ne voulait pas que j’épouse son fils. Cela m’a paru fou ! Son fils et moi, nous étions amoureux l’un de l’autre, j’étais une jeune fille très bien, je vous jure ! (rires) J’avais fait de très bonnes études, je venais d’une bonne famille, j’allais vivre avec eux aux Etats-Unis, enfin, il n’y avait aucun problème…Donc qu’est-ce qu’elle avait cette femme ? Pourquoi elle ne m’aimait pas ? Parce que j’étais Française ? Mais pourquoi ?! Je ne l’ai pas compris pendant vingt ans. Quand j’ai écrit le livre, je ne le comprenais pas encore. J’ai voulu écrire sur une histoire d’amour entre un homme et une femme, dans laquelle il y avait un personnage hostile, celui de la belle-mère. En écrivant, j’ai commencé à m’intéresser à elle. J’ai pensé : ‘Tiens, mais avant d’être une belle-mère, elle a été une femme mariée, elle a été une mère, une jeune fille, une petite-fille… J’ai commencé à entrer dans la tête de ce personnage, à aller en Roumanie dans les années 40,50, et j’ai commencé à comprendre qui était cette femme et pourquoi elle ne pouvait pas accepter cette belle-fille française. Cette fille qui peut tout dire, qui n’a pas le même sens du danger, qui n’a pas la même expérience, l’expérience de la perte. »

Et votre belle-mère ? Quelle a été sa réaction à votre livre ?

«Cette histoire d’émigration est vraie, mais il s’agit d’un roman. Je peux la raconter en cinq lignes, en trois pages, en cinq pages… Dans le roman, elle remplit 150 pages. J’ai donc construit un personnage, celui de cette petite fille extrêmement sensible, blessée, qui devient cette jeune fille déterminée, courageuse, qui prend son destin en main et qui devient cette mère terrorisée de perdre son fils. Quand je disais à mes amis que j’écrivais un livre sur ma belle-mère, ils me disaient : ‘Mais tu es complètement folle, elle est vivante !’ D’ailleurs, mon mari n’était pas d’accord non plus. Alors je l’ai écrit en ayant très peur. Mais en même temps, c’est un beau portrait. Après la sortie du roman, tous les journalistes français l’ont appelée ‘mère courage’. Quand elle l’a lu, elle a été très émue, elle a pleuré… Elle m’a dit qu’elle ne savait plus si elle était elle-même ou si elle était Elena. Evidemment, si vous décrivez la vie de quelqu’un, même si vous inventez… En plus, elle y a retrouvé la Roumanie qu’elle avait quittée et que j’ai réussi, je pense, à ressusciter sur le papier. Oui, elle a été profondément bouleversée. »

Catherine Cusset sera l’invitée d’une de nos prochaines rubriques culturelles.