Réforme des retraites : le projet de TVA unique à 20% menace le monde de l’édition
Jeudi dernier, les ministres tchèques en charge de l’économie se sont mis d’accord sur les grandes lignes de la réforme des retraites. Le projet sera soumis au gouvernement mercredi prochain. D’après le Premier ministre Petr Nečas, la version définitive sera prête début mars. Le projet fera ensuit l’objet d’une discussion entre la coalition gouvernementale et l’opposition. En attendant, le projet provoque des remous dans le monde de l'édition, surtout chez les petits éditeurs, en raison d'une de ses mesures phare qui vise à couvrir le déficit des retraites : une augmentation drastique de la TVA.
Dans le cadre de ce projet de réforme des retraites, les ministres ont également prévu un taux de TVA unique, fixé à 20%, une mesure qui permettrait à l’Etat d’économiser entre 57 et 58 milliards de couronnes par an, somme destinée à couvrir le déficit des retraites. Ce taux de TVA unique touchera également les produits taxés jusqu’à présent à 10%. Seuls certains produits alimentaires de base, comme le pain, le lait, les légumes ou le poisson, seront exemptés de cette augmentation de la TVA.
Parmi les secteurs directement concernés par ce changement, le secteur de l’édition et le monde du livre. Et en particulier les petits éditeurs, dont l’inquiétude est grande, comme Tereza Horváthová, des éditions Baobab :
« Le taux de TVA va donc passer à 20% pour tout, et également pour les livres. Ce qui pour un petit éditeur comme nous, mais aussi pour les autres, car ils sont nombreux, revient à liquider la profession. Je ne suis pas experte des taux, mais je peux expliquer la situation : quand on fait un livre, on le donne au distributeur, qui nous demande près de 50% du prix. Mais il ne prend aucun risque, seul le petit éditeur prend des risques en publiant un livre. Et avec l’augmentation du taux de la TVA, ça veut dire que les livres vont devenir très chers. On devra payer par exemple beaucoup plus cher les imprimeries. Dans l’état actuel, un professeur gagne par exemple 20 000 couronnes brut par mois, je ne pense pas qu’il pourra s’acheter des livres qui coûtent 500 couronnes. Peut-être un livre, mais pas plus. »D’une certaine façon, la critique des éditeurs ne concerne donc pas uniquement leur secteur, mais aussi les conséquences de ce projet sur la société en général, par les retombées que cela peut avoir sur l’éducation par exemple...
« Bien sûr. Parce que les petits éditeurs ont aussi un public bien particulier. Je pense évidemment que tout cela ne concerne pas uniquement la petite édition, mais le monde de l’édition en général, et les grands éditeurs aussi. Mais je ne peux parler que pour moi. Les gens qui achètent aux petits éditeurs recherchent des choses spéciales. Les petits éditeurs ne publient pas de milliers d’exemplaires d’un livre, ils n’en font par exemple que 2 000, 3 000 exemplaires. C’est donc pour un public plus spécialisé : des professeurs, les gens de la culture... Toutes ces personnes ne sont pas toujours très bien payées non plus et ne pourront plus s’acheter de livres. Mais je ne pense pas qu’aux livres, tous les secteurs de la culture sont concernés : pensons au théâtre par exemple. La culture est quelque chose que l’Etat doit soutenir et garantir. »Est-ce qu’il existe des modèles en Europe dont vous estimez que la République tchèque devrait s’inspirer ?
« Je sais qu’en Grande Bretagne il n’y a pas de TVA sur les livres. Ensuite les taux sont très bas dans d’autres pays sauf en Bulgarie et au Danemark. Sauf qu’au Danemark, l’Etat soutient énormément le secteur : par exemple, les bibliothèques doivent acheter les livres qui sont publiés ce qui aide beaucoup les éditeurs. Donc je pense qu’il faudrait vraiment repenser entièrement cette politique du livre, de soutenir ceux qui font la vraie culture du livre. »
Est-ce qu’il y a des possibilités de discussion avec le ministère de l’Economie ou de la Culture ?« Trois éditeurs ont rédigé une lettre ouverte qui évoque cette situation. Ils l’ont envoyée un peu partout. Ils ont un peu négocié : j’ai entendu dire que le ministre de la Culture, Jiří Besser, avait dit qu’il allait faire de son mieux. Mais je ne l’ai jamais lu officiellement. On va donc voir. Pour l’heure, c’est selon moi le moment de crier : les éditeurs doivent maintenant vraiment montrer ce qu’ils veulent. »