Philippe Suinen : « Il y a une très grande proximité entre les Tchèques et les Belges francophones »
La 45e édition du Festival du film de Karlovy Vary s’est achevée samedi. C’est le film du réalisateur espagnol Agusti Vila, « La Mosquitera » (« The Mosquito Net »), qui a reçu le grand prix du festival. Tous les ans, à Karlovy Vary, c’est un pays qui est mis à l’honneur. Et cette année c’était le cinéma belge, wallon et flamand, trop souvent confondu avec le cinéma français, alors qu’il a sa propre spécificité, souvent plus déjanté, plus expérimental que de l’autre côté de la frontière. Pour en parler, ainsi que des relations bilatérales entre Tchèques et Belges, Philippe Suinen, président de Wallonie-Bruxelles International.
« Je m’occupe de Wallonie-Bruxelles International, qui est le ministère des Affaires étrangères pour les francophones de Belgique. La culture est une matière qui est régionalisée en Belgique, et donc nous assurons la promotion de nos réalisateurs, créateurs, à l’étranger, notamment dans les grandes manifestations internationales. Le Festival de Karlovy Vary en est une, avec cette précision que la Belgique est particulièrement mise à l’honneur cette année puisqu’il y a huit films belges. »
Est-ce un hasard du calendrier, au moment où la Belgique vient de prendre la présidence du Conseil de l’Union européenne ?
« C’est un hasard pour 50% et pas un hasard pour 50%. Je pense que ça tombe bien, d’autant plus que c’est notre ministre de la Culture, pour la communauté française de Wallonie-Bruxelles, qui va présider le Conseil des ministres de l’UE consacré à la culture et à l’audiovisuel. Il y aura beaucoup de dossiers intéressants, comme la poursuite du régime permettant aux Etats de soutenir la production et la diffusion de biens et services culturels, comme le soutien à l’industrie de la culture et le rôle de la culture en terme d’émancipation sociale et de lutte contre la pauvreté. »Pour en revenir à Karlovy Vary et à la présence belge au festival, est-ce que vous savez ce qui a motivé l’équipe du festival à faire ce ‘focus’ sur un cinéma qu’on a souvent trop tendance à confondre avec le cinéma français ?
« Les Français sont six fois plus nombreux que nous, donc ils ont donc six fois plus de moyens pour faire parler d’eux. Pourquoi nous avons attiré l’attention, je dirais : parce que les Belges sont assez fous ! On était ici en 1999, où une vingtaine de films belges ont été présentés, donc il faut laisser de temps à autre de la place à d’autres. C’était sur le thème du surréalisme, qui est la faculté des Belges à rire d’eux-mêmes et à respecter les autres. On est ici un peu dans le même cas de figure. Il y a une libération de la création en Belgique qui se fait depuis plusieurs années, parce qu’il n’y a pas de convenances, un distanciement, un décalage qui fait qu’on produit des choses très différentes des autres francophones. Il y a cette ‘belgian touch’ qui permet d’être connus. Ici, il y a quatre films flamands, quatre films wallons. La Belgique c’est aussi le pays de la diversité, c’est le carrefour de la latinité et de la germanité, ce qui est une formidable valeur ajoutée. »Quels sont les accords de coopération entre la République tchèque et la Belgique ?
« Ça se concrétise par une grande disponibilité, par le fait que, tous les trois ans, nous avons une réunion de commission mixte avec les autorités tchèques, et que la culture est vraiment une ligne transversale présente dans la préparation et la mise en œuvre du programme. Et puis il y a cette marque européenne qui facilite les choses car la République tchèque a eu elle-même la présidence du Conseil il y a un an. »Y-a-t il des projets bilatéraux particuliers à l’occasion de la présidence belge de l’Union européenne ?
« On va examiner tout cela pendant la deuxième partie, à l’automne, lors d’une commission mixte. Il y a la culture, l’enseignement, la promotion de la francophonie car nous avons des lecteurs et enseignants en français, notamment au Lycée de Písek. Il y a une exposition, notamment d’illustrateurs de Wallonie-Bruxelles, qui va être organisée à Lidice. Il y a l’exposition Décadence qui a été présentée à l’hôtel de ville de Bruxelles. Nous participons également à un festival de musique entre Prague et Olomouc. Et puis il y a encore la coopération scientifique : il y a un centre d’études tchèques qui existe à l’Université libre de Bruxelles. C’est très diversifié, nous sommes presque voisins, il y a donc une très grande proximité entre les Tchèques et les Belges francophones. »