Des projets pour faire vivre Terezín et valoriser son passé de citadelle
Direction aujourd’hui la ville de Terezín, à une soixantaine de kilomètres au nord-est de Prague. Les conseillers municipaux mettent actuellement en œuvre des projets qui pourraient être attrayants pour les touristes et redonner vie à la ville au triste passé militaire et aujourd’hui laissée à l’abandon : moins de 2000 habitants résident dans l’ancienne citadelle de Terezín, édifiée en 1780 par l’empereur Joseph II et transformée en ghetto juif et camp de concentration pendant la Deuxième Guerre mondiale.
L’image de Terezín, aujourd’hui, c’est beaucoup de maisons désertes et de magasins fermés, ce sont de larges rues et de spacieuses places dépeuplées. Un calme irréel règne dans cette ville, où les quelques 250 000 touristes annuels ne passent plus que quelques heures. Comme si le lourd passé et le poids de la mort étaient toujours présents dans ses murs : dès 1940, après avoir déplacé la population locale, les nazis ont transformé la grande forteresse de Terezín en ghetto juif, alors que la petite forteresse était devenue une prison redoutée de la Gestapo et un camp de transit vers Auschwitz. Des 155 000 Juifs d’Europe passés par Terezín entre 1941 et 1945, 117 000 n’ont pas survécu à la guerre.
Après l’échec du projet d’une université européenne qui aurait eu son siège à Terezín, on attend l’aboutissement du projet d’installation à Terezín de l’Institut européen de la Shoah. Le projet s’inscrit dans le cadre de la déclaration de Terezín adoptée en juin 2009 par les représentants de l’Union européenne.
En attendant, la mairie cherche à se détacher de son passé. Elle voudrait faire de Terezín une cité vivante, moderne et active où il fait bon vivre et séjourner. Le 26 mars dernier, la ville et le Mémorial de Terezín ont signé avec la ville de Litoměřice toute proche un mémorandum de coopération dans le domaine du tourisme. Le nouveau produit touristique commun consistera, entre autres, dans l’édification d’un nouveau port à Terezín qui deviendra ainsi une ville portuaire sur la rivière Ohře. La ville sera reliée par bateau non seulement à Litoměřice, mais aussi aux châteaux voisins, aux pistes cyclables et à des fermes proposant des programmes d’agrotourisme et des randonnées à cheval à travers la belle nature du Massif central de la Bohême. Pour Jan Munk, directeur du Mémorial de Terezín, le devoir de mémoire doit aussi avoir sa place dans cette coopération :
« Etant donné que le Mémorial de Terezín est une institution qui a un contact étroit et quotidien avec le tourisme, je souhaite que l’on n’oublie pas qu’en dépit de la crise financière, il n’y a pas que l’argent. Le tourisme, c’est avant tout la connaissance, l’étude des informations, le travail sur la préservation de la mémoire historique… » Une autre initiative en cours essaie de valoriser le passé de Terezín en tant qu’ancienne forteresse militaire. Le conseiller Miloslav Kubíček commande le 42e régiment d’infanterie qui regroupe des amateurs d’histoire militaire. Vêtu d’un uniforme de l’époque de Joseph II, il nous a accueillis dans l’un des retranchements, soit un ouvrage de fortification en briques rouges ayant servi à la défense des positions, pour nous faire visiter un labyrinthe de couloirs à l’intérieur des remparts et nous raconter la fondation de Terezín :« La ville de Terezín a été fondée le 10 octobre 1780 par l’empereur Joseph II. Les fortifications ont été conçues dans la tradition de Vauban, ingénieur, architecte militaire et urbaniste français qui a doté la France d’un système de citadelles. Pourquoi une citadelle à Terezín ? En 1740, l’impératrice Marie-Thérèse, en l’honneur de laquelle la ville est baptisée Theresienstadt, arrive sur le trône d’Autriche-Hongrie. C’est le début de guerres avec le roi de Prusse Frédéric II qui décide de profiter de l’apparente faiblesse autrichienne pour raviver de vieilles revendications patrimoniales. Sa première entreprise est la conquête de la Silésie. La Guerre de Sept ans va dévoiler l’absence totale de protection pour faire face à la Prusse dans le nord du territoire. »L’espace entre les confluents des rivières Ohře et Elbe, qui est une plaine vide, permettant de mettre en œuvre toute une stratégie de défense, s’est avéré idéal pour l’édification d’une forteresse militaire. Sa construction, commencée en 1780, a duré dix ans. Elle se compose de trois parties :
« La forteresse principale, qui est aujourd’hui la ville même, ensuite les deux retranchements – haut et bas : on utilise la terminologie empruntée au vocabulaire français, signe aussi de la participation d’ingénieurs et d’architectes français aux projets d’édification de Terezín. Ensuite, c’est la petite forteresse, autrefois un élément de fortification, aujourd’hui le lieu où se trouve le Mémorial de Terezín. Tous les éléments du génie militaire des fortifications bastionnées et remparées selon la tradition d’étoile de Vauban ont été utilisés lors de la construction de la forteresse de Terezín : sur le plan, on voit les huit bastions en forme de pentagone qui constituent le système de défense intérieur. Ensuite il y a des redoutes qui se composent d’abris à munitions et de canons. De l’extérieur, les murailles des bastions sont précédées de fossés et de tranchées reliées entre elles par des tranchées de communication et qui pouvaient être remplies d’eau en cas de danger. Puis il y a le système de défense extérieur qui se compose d’une bande de voies périphériques couvertes autour de la forteresse. »
La forteresse couvre une surface totale de 220 hectares. La construction des fortifications a été achevée en dix ans. Plus tard, on y a ajouté des bâtiments de casernes et d’écuries. L’église de style classique date de 1810. En 1782, Terezín a reçu le titre de forteresse royale. Sa valeur réside dans le fait que plus de 90% des constructions ont été préservés dans leur état d’origine. La forteresse de Terezín n’a jamais servi à son usage primitif. L’ère des forteresses a pris fin avec les guerres napoléoniennes et la nouvelle stratégie militaire qui n’utilisait plus de remparts stationnaires. Terezín est devenue une ville de garnison capable d’accueillir jusqu’à 11 000 soldats. A partir de la seconde moitié du XIXe siècle, elle a servi de prison. En 1914, Gavrilo Princip, l’auteur de l’attentat contre l’archiduc François-Ferdinand, y fut emprisonné.Terezín a conservé une garnison jusqu’en 1996, date à laquelle l’armée a quitté la ville, causant un impact négatif sur l’économie locale. Terezín a aussi considérablement souffert des inondations de 2002. Les moyens financiers manquent pour entretenir l’ancienne forteresse. Un espoir serait l’inscription de Terezín sur la liste du patrimoine culturel mondial de l’UNESCO, souligne Miloslav Kubíček :
« Depuis la deuxième année consécutive, Terezín est candidate à une inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO. En 2008, douze ouvrages de Vauban ont été classés au patrimoine mondial, et dans ce contexte, l’UNESCO a recommandé à Terezín de présenter sa nomination. Nous sommes en train de terminer le projet de management et d’ici la fin de l’année, la candidature sera envoyée à Paris. L’évaluation pourrait se dérouler entre 2011 et 2013, date à laquelle le processus pourrait aboutir à l’inscription de Terezín à la liste du patrimoine de l’UNESCO. »