Jana Šustová, une rédactrice aventurière de la Radio tchèque

Jana Šustová

Le 3 décembre dernier, la rédactrice du site Internet de la Radio tchèque consacré aux Roms et à la religion, Jana Šustová, collaboratrice régulière de l’émission O Roma vakeren (Les Roms parlent) diffusée sur Radiožurnál et les stations radiophoniques régionales de la Radio tchèque, s’est vu remettre par des personnalités importantes roms le Prix du Musée de la culture rom à Brno. Un prix décerné par la directrice du musée Jana Horváthová.

« Depuis longtemps notre musée s’adresse aux chefs d’entreprises et à différentes personnalités pour leur demander de soutenir le Musée de la culture rom mais avec peu de succès. Ce sont plutôt les intellectuels qui réagissent à notre invitation. Mais ces derniers ne peuvent que contribuer de façon symbolique. Nous avons été très surpris qu’une rédactrice de la Radio tchèque, bien qu’elle doive tenir serrés les cordons de sa bourse, soit devenue notre plus grand mécène. »

Le prix du Musée de la culture rom a été décerné à Jana Šustová pour son soutien continuel au musée et son assistance à la création du fonds de collection pour la propagation de la culture rom en général.

Jana avec ses parents Zdenka et Jiří en 1979
Jana Šustová, née le 22 octobre 1972, est la fille du célèbre compositeur de musique de cinéma Jiří Šust, qui a créé près de mille morceaux pour des courts métrages et plus de quatre-vingt morceaux pour des longs métrages, parmi lesquels La chevelure sacrifiée (Postřižiny) et Trains étroitement surveillés (Ostře sledované vlaky) de Jiří Menzel, ce dernier film primé par un Oscar dans la catégorie des films étrangers, et les Petites Marguerites (Sedmikrásky) de Věra Chytilová.

Jana Šustová
Jana parle allemand, russe, français, anglais, roumain, polonais, joue de la flûte traversière, de la guitare et du piano. Elle se déplace souvent à l’étranger non seulement dans le cadre de ses missions mais aussi en privé. Parmi les dizaines de pays qu’elle a visités figurent la Turquie, la Syrie, la Tunisie, la France, entre autres le monastère dominicain de Chalais où elle a également joué de la flûte, ou la Roumanie, où elle a visité plusieurs monastères, dont le plus important est celui de Govora, qui l’a prise au cœur. Parfois ses voyages peuvent se transformer en de vraies aventures. Par exemple, au cours d’un de ses voyages en Ukraine, elle a découvert dans les montagnes le cadavre d’un jeune homme, plutôt négative comme impression. Mais elle a aussi des impressions positives, comme sa rencontre avec l’explorateur français Sylvain Tesson, qu’elle a connu en Russie lors de sa visite du lac Baïkal et qui suivait la trace des réfugiés des goulags.

Jana Šustová en Ukraine
Jana Šustová a du un peu lutté pour faire des études à la Faculté des lettres dans le domaine qu’elle désirait vraiment :

« Mon père souhaitait que je devienne compositrice et que je reprenne ses importantes archives de musique. Dès l’âge de cinq ans j’ai suivi des leçons de piano dans une prestigieuse école de musique, mais je n’arrivais pas à être à la hauteur des conditions de l’école et je n’ai même pas reçu de certificat. Je n’aimais pas du tout y aller. »

Le monastère de Chalais en France,  photo: Jana Šustová
Jana a donc déçu le rêve de son père mais n’était pas au bout de ses peines. Ce fut le tour de sa mère qui souhaitait que sa fille fasse des études d’économie. Suivant le désir de sa mère, Jana a donc fait des études à l’école secondaire d’économie :

« Je détestais cette école mais j’ai commencé de mon propre gré à jouer de la guitare. Lorsque j’ai atteint mes dix-huit ans mes parents ne pouvaient plus influencer mes décisions sur ce que je voulais étudier et ainsi j’ai enfin pu étudier à la Faculté des lettres de l’Université Charles à Prague, département travail social. J’ai également suivi des cours de flûte traversière à l’école de musique. Paradoxalement je n’avais aucun problème. Les difficultés que j’avais dans mon enfance pour étudier le piano émanaient probablement des revendications et de la pression que mon père exerçait sur moi. »

Le monastère de Govora en Roumanie,  photo: Jana Šustová
Jana a fait ensuite des études de travail social, puis pendant un an de théologie à Nuremberg. Au cours de son cursus, elle a étudié l’influence du judaïsme, du christianisme et de l’islam sur le développement des soins sociaux. Une partie de sa thèse de diplôme a été publiée dans le manuel de travail social. Ses études terminées, elle trouve du travail comme rédactrice au magazine mensuel La politique sociale. Le travail est assez intéressant mais, au bout de deux ans, Jana sent qu’elle aimerait changer et faire autre chose. Pendant un an elle a couru en vain d’un concours à l’autre. Finalement elle a répondu avec succès à une annonce de la Radio tchèque proposant un poste de rédactrice pour le site Internet de la rédaction russe et allemande de Radio Prague. Pourtant Jana n’avait jamais pensé à travailler à la radio, estimant qu’elle ne savait pas bien s’exprimer. Mais il ne faut jamais dire « Fontaine je ne boirai pas de ton eau. »

Jana Šustová dans la commune tzigane de Rudňany en Slovaquie
Pendant l’été 2000, Jana a accepté le poste de rédactrice sur le site Internet rom, en dépit du fait qu’elle n’avait aucune notion professionnelle à ce sujet, sauf les conférences sur les minorités ethniques qu’elle avait suivies dans le cadre de ses études. Jana Šustová :

« Finalement les Roms m’ont beaucoup apporté et enrichi ma vie. Grâce à ma collègue de la rédaction rom Anna Poláková, j’ai appris à faire des interviews, malgré le trac de m’exprimer en studio. Mais j’estime que le plus précieux, ce sont les nombreuses rencontres avec des Roms extraordinaires et leurs amis. En France, c’était par exemple la plasticienne Tania Magy qui a fondé Caravanne musée d’art, le sculpteur et écrivain Gérard Gartner et Mona Metbach. »

Jana Šustová a publié, entre autres, La religion et la solidarité sociale et Le développement du travail social dans le monde occidental (coauteur Oldřich Matoušek), publié dans le livre Les bases du travail social et ses photo ont été publiées dans Prague sous l’eau paru en 2003 également en allemand et en anglais.

L’épigraphe de Jana est : « L’amour de Dieu, des proches et de la nature est la chose la plus importante car se sont les sources dont émane le bien. »