Les grands thèmes de la grève générale du 27 novembre 1989

Dans la suite des événements qui ont abouti en novembre 1989 à la chute du régime communiste en Tchécoslovaquie, deux dates revêtent une importance particulière – le 17 novembre, jour de l’intervention brutale de la police contre la manifestation des étudiants, et la grève générale qui s’est tenue le 27 novembre, il y a donc tout juste 20 ans.

Ouverture d’un débat démocratique à tous les niveaux, démission des dirigeants politiques responsables de la crise dans la société et des brutalités policières du 17 novembre, libération des prisonniers politiques et liberté de la presse – telles étaient les revendications de ceux qui ont participé à la grève générale du 27 novembre 1989.

Une partie des revendications des grévistes, et notamment la démission des dirigeants communistes avec leur chef Miloš Jakeš, avaient déjà été accomplies le 25 novembre, mais pratiquement tous les comités de grève dans les entreprises se sont pourtant prononcés pour cette grève générale. On discutait néanmoins de la forme que cette protestation massive devait prendre pour ne pas nuire à l’économie, à la santé et à l’approvisionnement de la population. Cependant, selon Jiří Suk, de l’Institut de l’histoire contemporaine, le régime totalitaire n’avait pas encore rendu les armes :

Jiří Suk
«Depuis le matin, la police politique STB cherchait encore à renverser les tendances dans l’opinion et à discréditer les leaders du Forum civique et Václav Havel. Ces membres lançaient des voitures des tracs diffamatoires cousus de mensonges. Il est évident que la police secrète travaillait encore intensivement et que ses objectifs n’avaient pas changé. Elle s’apprêtait toujours à discréditer le mouvement civique.»

Pourtant, de midi à 14 heures le 27 novembre, la grève a été largement suivie. Le Forum civique, mouvement spontané qui réunissait tous les éléments de la société désirant le changement, a appelé les gens à apporter le plus grand nombre possible de drapeaux tchécoslovaques et ces drapeaux flottant au-dessus des grévistes donnaient un caractère quasi officiel aux foules qui avaient envahi les rues. Jiří Suk évoque les aspects principaux de ce large mouvement populaire:

«Selon un sondage d’opinion de cette époque, la moitié des citoyens de Tchécoslovaquie et la majorité des usines étaient entrées en grève. Evidemment, nous n’aurons jamais le chiffre exact mais les photos et les documents filmés de ses événements démontrent que la grève a été vraiment massive et que des habitants de toutes les villes d’une certaine importance et même dans beaucoup de petites villes y ont participé. C’était un triomphe incontestable qui a confirmé l’orientation adoptée et réalisée par le Forum civique.»

1989
Rien que sur la place Venceslas, dans le centre de Prague, quelque 250 000 personnes s’étaient rassemblées. Des manifestations et des meetings ont été organisés dans tout le pays. Les prétendus dommages économiques, avec lesquels les milieux officiels avaient cherché à décourager les grévistes, ont été finalement négligeables. D’après Jiří Suk, la grève attirait également l’attention des habitants sur deux grands thèmes politiques :

«La grève a été aussi un tournant parce que le Forum civique a lancé deux slogans principaux qui planaient sur les foules – les élections libres et la fin du gouvernement d’un seul parti. Cela signifiait que ce plébiscite spontané a définitivement déchu le Parti communiste du droit de gouverner la société tchécoslovaque.»

Dès le 27 novembre 1989, il n’était plus possible de prétendre que les événements de cette période n’étaient que l’action des étudiants et des intellectuels isolés de la classe ouvrière. Désormais il était évident que le changement était souhaité par presque toute la population.