Décès de Ladislav Sitenský, photographe de pilotes de guerre en France et en Grande-Bretagne
Le parcours du classique de la photographie tchèque du XXe siècle, Ladislav Sitenský, s’est achevé samedi, le 14 novembre, à l’âge de 90 ans. Photographe des nuages, des montagnes et de la neige – ses sujets préférés, Ladislav Sitenský s’est rendu célèbre en photographiant les pilotes de guerre tchécoslovaques en France et en Grande-Bretagne.
« Il était un autodidacte qui déjà, avant la guerre, avait fait de superbes clichés saisissant les motifs urbains, la vie de tous les jours des Praguois, qu’il allait publier plus tard dans le recueil ‘La Prague de ma jeunesse’ »
Lorsque la guerre éclate, Ladislav Sitenský se trouve à Paris où il est parti faire des études d’architecture. Engagé d’abord dans l’armée tchécoslovaque étrangère en France, il servira au sein du célèbre 312e escadron de chasse tchécoslovaque de la RAF. Il souhaite ardemment devenir pilote, mais il est nommé photographe officiel de l’aviation tchécoslovaque en Grande-Bretagne, rappelle l’historien Jiří Rajlich :
« Le général Karel Janoušek, inspecteur de l’aviation tchécoslovaque en Grande-Bretagne, l’admirait avant tout pour ses qualités de photographe, étant bien conscient que cette épopée de l’aviation tchécoslovaque méritait une documentation complète. »
Sur ses photos de guerre prises avec douceur, Ladislav Sitenský a conservé pour l’avenir des témoignages originaux précieux, les visages de pilotes, leurs exploits, ainsi que l’opération de la brigade tchécoslovaque près de Dunkerque pour un documentaire de Jiří Weiss. La guerre terminée, il décline l’offre de devenir le photographe du magazine Sunday Times, pour rejoindre le plus rapidement son pays natal. Son retour est triomphal, à bord d’un avion Dakota emprunté au roi du Royaume-Uni, Georges VI.
Dans les années 1950, Ladislav Sitenský échappe comme par miracle aux persécutions communistes dont les pilotes deviennent les premières victimes. L’étiquette de photographe de guerre sur le front occidental le limite pourtant. Il gagne sa vie comme photographe de portraits, de paysages, d’architecture, et de sport. En 1977, Ladislav Sitenský signe la Charte 77, et c’est ainsi que les milieux officiels ne lui rendent qu’après 1989 les hommages qui lui étaient dus.
Auteur de près de 500 000 photographies, le colonel Sitenský était titulaire de la Croix de guerre et de plus d’une dizaine de décorations britanniques, françaises et tchécoslovaques. Ses photos ont été présentées dans plus d’une vingtaine d’expositions et il est aussi auteur de plus de deux dizaines de publications. Il a arrêté de photographier après la mort de son épouse française Paulette qui a partagé avec lui la vie en Tchécoslovaquie socialiste et dont il nous avait parlé dans l’un de ses entretiens accordés à Radio Prague :
« Je l’ai connue à Paris, en 1937, où je faisais des photos pour un journal à l’Exposition mondiale. On avait une seule voiture pour les noces à Lille : une jeep, c’est tout. On avait les mêmes goûts, on aimait voyager, nous avons visité 40 pays différents, sauf que, pour ma femme, sous le communisme, c’était difficile, les contacts avec des Français lui ont énormément manqué. »
Un astéroïde découvert en 1986 par un astronome tchèque a été baptisé Sitenský à la mémoire du photographe des nuages et des chevaliers du ciel disparu samedi dernier.