La liberté et ses adversaires, 20 ans après 1989
La Faculté des lettres de l’Université Charles, un des foyers de la révolution de Velours il y a 20 ans, a accueilli, samedi, une conférence internationale sur le thème « La liberté et ses adversaires. »
« Depuis 20 ans, mon exclamation spontanée devenue un credo : « La vérité et l’amour doivent triompher du mensonge et de la haine » fait l’objet de mépris et de moquerie. Je dois dire que je trouve un certain plaisir dans le fait que ce credo irrite toujours et encore, et sans cesse, quelqu’un, depuis tout ce temps-là… »
Plus loin dans son intervention, Václav Havel a parlé du phénomène de psychose après la prison, en le comparant à l’état de la société aujourd’hui, et en estimant que la difficulté de la liberté du choix explique un soutien relativement élevé des communistes. Václav Havel a aussi tenu à mettre en garde contre les nouvelles formes de régime totalitaire, en parlant d’une grande entité bureaucratique dans notre voisinage où naît une forme sophistiquée de manipulation générale et dangereuse, en dépit des attributs extérieurs de la démocratie qu’elle porte :« Ce thème montre que l’ère des dictatures et des régimes totalitaires n’est pas terminée, mais que de nouvelles formes beaucoup plus sophistiquées de domination de la société sont en train de naître, ce qui exige toute notre vigilance, prudence et prévoyance, et si je devais employer une nouvelle devise, ce serait cet avertissement connu de Fučík: ‘Soyez vigilants’. »
André Glucksmann est le philosophe français qui, déjà dans les années 1960, disait attention au marxisme en tant que plate-forme des diverses formes de totalitarisme :« Je voudrais dire deux choses très simples : d’une part, c’est une révolution formidable qui s’est passée en un demi-siècle en Europe. Songez que sans armées, sans idéologies fanatiques religieuses ou profanes, un bon tiers de l’Europe s’est libérée. C’était, comme on dit, un miracle. »
Et c’est de l’originalité de la révolution de Velours dont André Glucksmann a notamment parlé :
« C’est que ce n’est pas seulement une révolution pour la liberté, c’est une révolution pour la vérité. Il s’agissait d’échapper au plus grand mensonge de l’histoire du XXe siècle, celui qui a prêché la paix et qui a fait la guerre. Le mensonge qui a prêché la fraternité et qui a créé l’oppression la plus radicale, le mensonge qui voulait la justice et qui a créé le goulag. Alors, à mon avis, la révolution dissidente, son principal mérite et sa principale nouveauté, c’est d’avoir lié liberté et vérité. C’est tout, mais c’est une tâche qui se continue, puisque nous sommes en proie à un nihilisme passif qui fait que nous avons regardé mourir 200 000 Tchétchènes sur une population d’un million, donc nous sommes dans cette situation où le rapport entre la liberté et la vérité, ce n’est pas une question du passé, c’est une question de notre avenir. »
Aux étudiants venus exprimer, vingt ans après avoir précipité la chute du régime, leurs préoccupations vis-à-vis de la société actuelle, la corruption, les menaces pour la liberté des médias publics, l’extrémisme et l’état de justice, Madeleine Albright a adressé le message suivant:« Il ne faudrait pas le dire comme cela que tout dépend de vous, les jeunes, mais c’est effectivement de vous que tout dépendra. »