Disparition du metteur en scène de théâtre Otomar Krejča

Otomar Krejča, photo: CTK

Vendredi dernier est décédé à l’âge de 87 ans, le metteur en scène de théâtre Otomar Krejča. Fondateur du théâtre Divadlo za branou (Théâtre derrière la porte, ndlr), il fut empêché dans ses activités pendant les années de normalisation avant de retrouver sa place après 1989.

Otomar Krejča,  photo: CTK
C’est une grande figure du théâtre qui vient en effet de disparaître. Après avoir été membre de deux scènes praguoises, il entre au prestigieux Théâtre national en 1951, où il sera à la fois comédien, directeur artistique et metteur en scène. Mais c’est 1966 qui est l’une des grandes dates de la carrière d’Otomar Krejča. Cette année-là, il fonde le célèbre théâtre Divadlo za branou. Karel Kraus, directeur littéraire et co-fondateur du Divadlo za branou, s’était souvenu en 2005 de la création du théâtre, pour Radio Prague :

« Avant de fonder ce Théâtre derrière la porte, nous avons travaillé dans des grands théâtres, surtout au Théâtre national. Ces grands théâtres ressemblaient plutôt à des 'usines', à des ateliers de production... Leur fonctionnement a été bureaucratique. Il a été très difficile, pour nous, d'y mettre en place nos propres projets. Donc après avoir fait cette expérience, nous avons décidé de fonder un théâtre qui répondrait à nos goûts et intentions, à notre vision du théâtre. »

En plein dégel culturel et politique des années 1960, le Divadlo za branou se distingue par ses mises en scène qui restent des références dans l’histoire du théâtre tchèque. De Tchekhov, à Sophocle, en passant par Alfred de Musset ou Josef Topol, le Divadlo za branou est le lieu d’un bouillonnement intellectuel et créatif sans précédent.

Mais en 1972, la normalisation frappe. Le théâtre est fermé, sonnant le glas d’une époque déjà close par l’invasion soviétique en 1968. Le spécialiste du théâtre Vladimír Just se souvient :

« Cette interdiction brutale, cette liquidation du théâtre était quelque chose d’incroyable. A l’époque, le Divadlo za branou était le plus célèbre théâtre tchèque dans le monde, et cette interdiction s’est faite en dépit des protestations de Friedrich Dürrenmatt, Arthur Miller ou Ingmar Bergman. Ce théâtre n’était pas politique, il ne faisait que parler de manière vraie de l’homme, des relations, de la société. »

Mais « parler vrai » sous le communisme et sous la normalisation, c’était évidemment et obligatoirement un crime de lèse-majesté. Otomar Krejča va devoir alors se reconvertir. C’est de l’étranger que viendra le salut. Vladimír Just :

« Paradoxalement, ça a permis à Otomar Krejča de mieux se faire connaître dans le monde. Il a monté des mises en scènes à Vienne, en Avignon, en Belgique etc. C’était vraiment un metteur en scène européen connu dans le monde. »

Otomar Krejča,  photo: CTK
Après la Révolution de Velours, Otomar Krejča sera réhabilité. Le théâtre Divadlo za branou rouvrira ses portes au public avant de disparaître en 1994. Otomar Krejča réintègre le Théâtre national pour deux ans, met en scène Faust, mais, comme le déplorent nombre de ses admirateurs, ne bénéficiera guère du soutien qu’il aurait mérité, en dépit des reconnaissances formelles sous forme de distinctions et autres médailles.