Le 28 octobre, un des préludes à la chute du régime communiste
Peu de fêtes ont subi autant de péripéties que le 28 octobre, date de la création de l’Etat tchécoslovaque indépendant dont nous fêtons ce mercredi le 91e anniversaire. Cette fête a été interdite de célébration par les nazis, puis par les communistes qui l’ont rebaptisé Journée de nationalisation en signe de contestation du caractère démocratique de la première République de Tomáš Garrigue Masaryk. Un 28 octobre qui restera dans l’histoire est celui de 1988 : en dépit des interdictions, une commémoration massive est alors organisée dans le centre de Prague, devenant un des préludes à la chute du régime communiste, dont 20 ans se seront écoulés, le 17 novembre prochain.
« Un jour férié donne toujours l’occasion de faire une promenade tranquille, de visiter le théâtre, l’exposition, ou tout simplement de sa balader dans les rues…Voilà l’image de la ville que nos caméra ont capté cet après-midi sur la place Venceslas. Or, le déroulement solennel de ce jour férié a été perturbé en fin d’après-midi par quelques 2000 personnes. »
« Parmi elles, il y avait des éléments criminels. Les organisateurs de la manifestation ont également abusé de la jeunesse présente. Puisque les appels à stopper cette action non autorisée n’ont pas été pas respectés, les organes de la Sécurité publique ont procédé à sa liquidation radicale. L’action des ennemis internes du socialisme et des éléments déclassés a été longuement préparée à l’avance, avec le soutien des centres antisocialistes et de ceux de l’émigration à l’étranger, et elle a été propagée par des radios occidentales dont Voix d’Amérique et Europe libre. » Dans le courant de l’année 1988, des événements jusqu’alors impensables se produisent dans une Tchécoslovaquie enfermée et isolée du reste du monde : Le 25 mars, à Bratislava, une marche dite des bougies pour les libertés religieuses et civiques. Le 10 décembre, un rassemblement, le premier officiellement autorisé par le régime, a lieu à l’occasion du 40e anniversaire de la Déclaration des droits de l’homme. Le régime autorise sa tenue hors du centre-ville, sur la place Škroup, dans le quartier de Žižkov. La veille, le président de la République française, François Mitterrand, invitait pour un petit-déjeuner historique une dizaine de dissidents tchécoslovaques dont Václav Havel au palais Buquoy, siège de l’ambassade de France à Prague. Vont suivre, dans l’ordre chronologique, la semaine dite de Palach, du 15 au 20 janvier 1989, qualifiée de la plus importante crise du régime normalisateur. Pour la première fois, la police recourt à la méthode de « déportation » de détenus loin derrière les frontières de la capitale. En juin 1989, le manifeste « Quelques phrases » est signé par plus de 30 000 personnes. Le 28 octobre 1989, des canons à eux et des grenades lacrymogènes sont à nouveau déployés dans le centre de Prague contre près de 3000 manifestants dont environ un dixième seront arrêtés, y compris une vingtaine de ressortissants étrangers. La fête de la création de la Tchécoslovaquie, le 28 octobre, est à l’origine de la commémoration organisée le 17 novembre 1989 à Albertov, en hommage à Jan Opletal, étudiant en médecine mortellement blessé par les nazis lors d’une commémoration du 28 octobre en 1939, justement. Leur action exprimant le mécontentement avec le régime est brutalement réprimée par les policiers et marquera la fin du communisme en Tchécoslovaquie. Nous l’avons dit au début, la fête du 28 octobre a subi de maintes péripéties reflétant l’évolution politique du pays dès sa naissance, en 1918. Ainsi, depuis 1994, le 28 octobre fête la création d’un Etat qui n’existe plus depuis le divorce à l’amiable des Tchèques et des Slovaques, en 1993. La République tchèque a gardé cette date comme fête nationale, en mémoire et par respect vis-à-vis du fondateur de la première République tchécoslovaque libre et démocratique, Tomáš Garrigue Masaryk. Les archives radiophoniques nous permettent d’écouter sa voix, lorsqu’il parle de la démocratie en tant que principe fondamental :« La démocratie n’est pas qu’une forme de l’Etat, elle est aussi une méthode pour l’ensemble de la vie publique et privée. C’est une conception de vie. Le principe de la démocratie, c’est l’entente des hommes, l’amour, l’humanité. Pour qu’elle soit menée avec succès, la politique intérieure et extérieure suppose un consentement des citoyens sur les opinions essentielles, sur les orientations principales des actes politiques. L’Etat, ce n’est pas qu’un mécanisme. La politique n’est pas qu’une technique d’administration et de diplomatie habile. L’Etat est une union de citoyens sur les bases intellectuelles, rationnelles et morales. L’Etat a un sens plus profond que cela puisse paraître, à l’extérieur, dans le mélange de ses différentes activités politiques. L’Etat a un sens spirituel, un sens moral. »