Les 30 ans de la révolution de Velours – Emission spéciale
Il y a trente ans, le vendredi 17 novembre 1989, se tenait à Prague la première des manifestations d’une révolution qui allait aboutir, quelques semaines plus tard, à la chute du régime communiste dans ce qui était alors encore la Tchécoslovaquie. Quarante-et-un ans après le Coup de Prague, Tchèques et Slovaques retrouvaient liberté et démocratie. Depuis, le 17 novembre est un jour de fête nationale en République tchèque, célébré précisément au nom de cette lutte. A cette occasion, nous vous proposons une émission spéciale en compagnie de l’écrivain et journaliste Jaroslav Formánek et du sénateur Pavel Fischer.
Tout au long de ces dernières semaines, nous vous avons proposé, sur Radio Prague International, reportages, interviews et autres témoignages rappelant cette suite d’événements qui ont chamboulé une situation géopolitique restée longtemps figée en Europe. Trente ans plus tard, cette révolution dite de Velours reste considérée par une grande majorité de Tchèques comme l’événement le plus positif de l’histoire d leur pays. Depuis, la République tchèque a adhéré à l’OTAN et à l’UE, tandis que le niveau de vie continue de s’améliorer. Mais puisque chaque anniversaire est l’occasion d’un bilan, diverses questions méritent d’être posées sur l’évolution du pays depuis 1989. Deux invités répondront à nos questions :
Ecrivain, journaliste et traducteur, Jaroslav Formánek a émigré clandestinement en France en avril 1989, quelques mois donc avant la révolution. En 2007, Jaroslav Formánek est revenu dans son pays d’origine. Il travaille actuellement pour Investigace.cz, un site de journalisme d’investigation, et pour l’Institut pour l’étude des régimes totalitaires.
Sénateur, sans étiquette, candidat à la dernière élection présidentielle en 2017, Pavel Fischer était encore étudiant en 1989. Il est aussi un ancien proche collaborateur de Václav Havel et ancien ambassadeur tchèque en France entre 2003 et 2010.
Considérez-vous ce 17 novembre comme un jour de fête ? Comment allez-vous passer ce 30e anniversaire et plus spécialement ce dimanche 17 novembre?
Jaroslav Formánek : « Le 17 novembre est effectivement un jour de fête important pour la République tchèque. Ça l’est aussi pour moi. Il ne faut pas oublier que l’on commémore en même temps le 17 novembre 1939, lorsque le premier système totalitaire dans l’ancienne Tchécoslovaquie s’est mis à agir brutalement contre les étudiants à Prague. Suite à cela, les nazis ont fermé les universités en Tchéquie, donc pendant six ans, c’était vraiment un système totalitaire absolu. En même temps, on commémore la chute du régime communiste, deuxième système totalitaire. Donc, pour moi, ce jour est un peu symbolique : un système totalitaire commence, un autre se termine. »Pavel Fischer : « Je suis heureux que soit fait ce lien entre 1939 et 1989. Il est important de rappeler que ce sont les étudiants qui étaient à l’avant-garde, comme s’ils avaient pressenti que quelque chose allait bouger. Pour ma part, je vais passer ce dimanche 17 novembre avec mes enfants, qui sont aujourd’hui étudiants et me confrontent à leur réalité. Ils veulent aller dans les rues de Prague, participer à la manifestation samedi (la discussion a été enregistrée mardi dernier), et puisque je suis confiant quant au fait que les jeunes ont du ‘pif’, je vais m’efforcer de les écouter et de les accompagner un peu. »
Et vous, Jaroslav Formánek, comment allez-vous passer ce dimanche ?
JF : « Je vis à la campagne, à environ 80 kilomètres de Prague, entre Poděbrady et Jičín. Il y a beaucoup de forêts autour du village où je suis installé. S’il fait beau, j’irai donc m’y promener et je commémorerai cet anniversaire de la sorte. »
Que faisiez-vous, Pavel Fischer, le 17 novembre 1989 ? Vous venez d’évoquer vos enfants, nous avons évoqué aussi 1939, 1989 et l’importance du rôle des étudiants lors de ces deux années…
PF : « Oui, j’étais en train de prolonger mes études à Prague à l’époque, et je participais toutes les manifestations illégales qui avaient lieu à l’époque, un peu comme Jaroslav Formánek. La manifestation du 17 novembre n’était pas la seule, d’autres manifestations avaient déjà jalonné, en quelque sorte, l’année 1988, et 1989 ensuite. Le jour même, j’étais en voyage, mais lors de la manifestation précédente, le 28 octobre, j’étais dans les rues. C’était la fête de la République (anniversaire de la fondation de l’Etat tchécoslovaque, en 1918), nous avions été battus et arrosés par les flics ! Donc oui, j’étais dans le mouvement, mais pour ce qui est 17 novembre plus précisément, je n’étais pas sur la ligne de front, si l’on peut dire les choses ainsi. »Jaroslav Formánek, vous avez vécu de votre côté quelque chose de tout à fait différent puisqu’en novembre 1989 vous étiez en France, et ce depuis quelques mois déjà…
JF : « Oui, je me rappelle très bien ce jour-là : c’était un vendredi. J’étais avec mes amis tchèques à Paris, pas loin de la rédaction de Témoignage, une revue qui était rédigée par des exilés tchécoslovaques. On discutait beaucoup de la situation en Europe centrale parce que le changement avait été amorcé au printemps en Pologne, puis en Hongrie et en Allemagne de l’Est ; et chez nous il ne s’était toujours rien passé. Nous avons fini la soirée, je suis rentré chez moi, et le lendemain matin mon voisin français est venu chez moi frapper à la porte, il m’a réveillé en me disant : ‘écoute la radio, ça commence chez vous !’. Je n’y croyais pas, j’étais vraiment sceptique. Je pensais que la situation ne changerait pas avant deux ou trois en Tchécoslovaquie, mais en écoutant la radio, j’ai appris qu’il s’était passé quelque chose d’important à Prague ce vendredi 17 novembre. »
Les jeunes savent très bien tout le mal que le communisme a fait dans notre pays
On parle souvent de la manière d’expliquer aux jeunes générations ce qu’il s’est passé en 1989. Vous avez abordé ce thème en début d’émission, Pavel Ficher, en évoquant vos enfants. Vous qui avez tous les deux vécu en France, comment expliqueriez-vous ces grands changements aux Français et plus généralement aux étrangers ?
PF : « Il suffit d’imaginer un régime qui était déjà sclérosé, mais qui tenait beaucoup à contrôler ; contrôler tout le monde, tous les mouvements. La moindre chose nécessitait une autorisation : le nombre de tampons était inimaginable à l’époque. Si on ne suivait pas les consignes, on se retrouvait dans l’illégalité, on transgressait les règles et on devenait de fait vulnérable parce que la police imaginait des choses, parfois fabriquées. Il fallait travailler, et si on n’avait pas de travail, c’était souvent pour des raisons politiques. Chacun avait l’obligation de travailler, donc vous pouviez être poursuivi pour votre position illégale sur le marché du travail. »
« Le régime créait donc des situations complétement absurdes, c’est-à-dire qu’à la fin du XXe siècle, dans le pays de Kafka, un régime s’efforçait de tout contrôler : la jeunesse, les anciens, le calendrier, l’espace public et les informations. C’est par là que débuterait mon récit si mes enfants me posaient des questions. L’autre jour, ma tâche a été facilitée puisqu’un des photographes de l’époque a fiché ses photos de reportage prises pendant les manifestations… »
Il s’agit de l’exposition de Jan Šibík, qui s’est tenue récemment à Prague…
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PF : « C’est cela ! Et il s’est trouvé que j’apparaissais sur une des photos, ce qui m’a permis de montrer à mes enfants ce à quoi ressemblaient les rues de Prague, qui étaient désertes parce que les forces de l’ordre les avaient complètement quadrillées, tandis que nous prenions la fuite. C’est difficile à transmettre, mais je pense que, dans nos familles et parmi nos amis, nous avons beaucoup d’ambassadeurs pour leur expliquer que vivre en liberté, c’est une chance. »
Vos enfants et les amis de vos enfants sont-ils demandeurs de ces témoignages ?
PF : « Oui, même si je crois que ce n’est pas une obsession pour eux de comprendre toutes les nuances et tous les détails, ils savent très bien le mal que les communistes et le parti communiste en particulier ont fait dans notre pays, sans oublier leurs collaborateurs. Ce qui est troublant, c’est que dans notre paysage politique actuel nous avons un gouvernement avec à sa tête un Premier ministre qui figure sur la liste des anciens collaborateurs de la StB, qui était l’équivalent tchécoslovaque de la Stasi, et qui s’appuie sur une majorité entre autres composée de membres du parti communiste. Nous sommes donc dans une situation qui, au vu des évènements de 1989, nous met dans l’obligation de nous expliquer, nous autres, Tchèques. »
Environ un Tchèque sur trois dans la population actuelle est né après 1989. Pour beaucoup de ces jeunes, âgés donc de moins de 30 ans, cette révolution apparaît peut-être déjà comme de l’histoire ancienne. Est-ce là, selon vous, une évolution naturelle ou s’agit-il davantage d’une mauvaise transmission de l’histoire, dans les écoles ou les familles ?
JF : « Je crois que c’est un peu les deux. Je m’en réfère à mon expérience puisque je suis né quinze ans après la fin de la Deuxième Guerre mondiale. C’était pour moi de l’histoire si lointaine que je comprends que 1989 semble aussi éloigné pour les Tchèques nés après le changement de système. »
« En ce qui concerne l’éducation dans les écoles, je ne peux pas vous répondre parce que, même si je connais le système éducatif tchèque, dès que je parle avec des amis qui ont encore leurs enfants à l’école, ils ne sont absolument pas satisfaits de ce système. Ils sont mécontents du fait que l’enseignement de l’histoire contemporaine tchécoslovaque s’arrête à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Notre histoire récente n’est pas expliquée aux enfants, ce qui nous renvoie à la question que vous avez posée : est-ce normal ou non ? »
Pavel Fischer, partagez-vous ce sentiment, à savoir que dans les écoles l’accent n’est pas suffisamment mis dans les écoles sur cette seconde moitié du XXe siècle et sur ce qu’il s’est passé en 1989 ? On l’a pourtant dit en début d’émission, cette révolution reste perçue pa une grande majorité de Tchèques comme un évènement positif : il n’y en a quand même pas eu énormément dans l’histoire de la Tchécoslovaquie au XXe siècle !
PF : « Regardons la situation en ex-Allemagne de l’Ouest : après la Deuxième Guerre mondiale, il y a eu des efforts considérables qui ont été entrepris dans l’enseignement d’une certaine culture civique, citoyenne. Ces efforts durent jusqu’à aujourd’hui et portent leurs fruits : cette partie de l’Allemagne est différente de celle qui a été façonnée à l’idéologie communiste totalitaire, l’Allemagne de l’Est. »« Je pense que nous avons besoin de revisiter les institutions qui travaillent sur notre espace public pour tirer des leçons, car on ne peut pas laisser l’évolution au libre marché des idées - et surtout pas des fausses idées –, et ce d’autant moins aujourd’hui alors que nous savons que nous sommes la cible d’une attaque organisée de fausses informations presque produites à la chaîne. »
« Je crois donc que nous avons besoin d’un civisme, d’une citoyenneté, d’un réveil, et aussi d’une culture qui serait accompagnée institutionnellement dans notre pays ; c’est à dire beaucoup plus qu’une simple éducation a l’école primaire par exemple. Il faut travailler sur ces questions-là la vie durant, et c’est peut-être là l’un des défis de la République tchèque aujourd’hui : revisiter l’espace public. Y a-t-il suffisamment de programmes et d’institutions qui s’occupent du réveil citoyen pour que les gens ne se laissent pas acheter ou prendre dans des rouages les menant dans une sorte de dépendance sans issue ? La liberté, c’est quelque chose qui s’acquiert, se conquiert, encore aujourd’hui. »
« En 1989, on n’a pas complétement rompu avec l'ancien régime »
Ceci dit, cette liberté n’est-elle pas considérée comme un acquis, une certitude pour beaucoup de Tchèques aujourd’hui ?
PF : « Oui, mais regardons ce qui se passe dans le monde. Le monde en ligne produit de telles dépendances, des nouvelles logiques qui n’existaient pas autrefois. Nous avons peut-être davantage besoin actuellement de cet essor citoyen proprement dit. »
Jaroslav Formánek, vous avez vécu les années de transformation en Tchécoslovaquie de l’extérieur, puisque vous avez choisi de rester en France après votre émigration en 1989. Quel regard portiez-vous dans les années 90 et au début des années 2000 sur ce processus de transformation tchécoslovaque ?
JF : « Pour moi, c’était un grand espoir. Je pensais qu’avec le changement de système, le gouvernement démocratique allait tout de suite régner, ce qui ne s’est pas vraiment produit. En effet, quelques semaines après le 17 novembre, le nouveau gouvernement comptait deux membres du parti communiste : le premier ministre tchécoslovaque Marián Čalfa, un ancien communiste, et le ministre de la défense Miroslav Vacek, un général communiste. Dès que j’ai vu ça, depuis la France, j’ai trouvé cela étrange : on n’avait pas complètement rompu avec le communisme. Si on condamne ces régimes comme criminels et illégaux, on ne peut pas continuer à ouvrir les bras à ses partisans, aux membres du parti. C’est pourquoi, dès le début, je me suis méfié de ces transformations sociales et politiques. »« Pour ce qui est de l’économie, selon Václav Klaus, responsable de la transformation dans ce domaine, tout le monde en Tchécoslovaquie disposait des mêmes chances. Mais c’était faux ! Il y avait des gens favorisés par leurs fonctions, par leur attachement à l’histoire, au passé et au système communiste. Ces gens étaient toujours présents dans les secteurs financier et bancaire. C’est à partir du moment où les gens défavorisés ou ‘ordinaires’ ont commencé à sentir que les gens issus de l’ancien système profitaient du nouveau que sont apparues les difficultés qui nous suivent jusqu’à présent. »
Pavel Fischer, êtes-vous d’accord avec cette analyse ? La conséquence de tout cela, au bout du compte, n’est-elle pas que nous sommes aujourd’hui en présence d’un premier ministre, Andrej Babiš, ancien collaborateur de la StB, et d’un parti communiste qui est le seul en Europe centrale à ne pas s’être réformé après 1989 et qui est de facto au pouvoir puisque le gouvernement qui a été mis sur pied par Andrej Babiš ne pourrait pas fonctionner sans le soutien des communistes ?
PF : « Il y a effectivement une partie des acteurs de la nomenklatura de l’époque qui étaient engagés dans l’économie grise. Ils se sont vite transformés en capitalistes, puis en nouveaux riches plus tard. C’est donc effectivement un changement qui a été vécu comme injuste parce qu’on a tout simplement légalisé les profits illégaux de ces gens en outrepassant le cadre légal. »« Mais le problème est plus large : comment faire la justice au lendemain d’un régime totalitaire sans recourir à la violence publique ? Il y a eu plusieurs générations de communistes : ceux qui sont restés ‘durs’ jusqu’au dernier moment, ceux qui ont rompu avec l’idéologie communiste en 1968 lorsque les chars du Pacte de Varsovie ont ébranlé les espoirs du printemps de Prague. Donc comment être juste sans être ni trop tendre, ni trop violent ? »
« Le résultat, nous le voyons aujourd’hui, et je suis heureux que certaines institutions gardent cela en mémoire et veillent à ce que l’on ne perde pas les traces, les archives des agissements passés. Les communistes, en particulier, n’ont pas fait leur deuil du passé: ils y sont restés attachés par le cordon ombilical jusqu’aux années 50-60, des années meurtrières aussi dans notre pays. C’est ça qui est troublant. Ils n’ont même pas cherché à changer d’appellation, pas plus qu’ils n’ont fait le deuil des injustices commises sur la population. C’est sur ce point qu’il faut être intransigeant et faire en sorte de les éloigner du jeu parlementaire. C’est exactement la règle que le président Miloš Zeman et son premier ministre Andrej Babiš ont transgressée : ils ont été élus avec les voix des communistes et de leurs électeurs. »
Les questions que vous avez évoquées au début de votre réponse, à savoir s’il fallait poursuivre, punir, condamner toutes les personnes qui avaient participé à l’ancien régime, étaient-ce des questions que se posait aussi Václav Havel ? On évoque Václav Havel parce qu’il incarne forcément les changements de 1989, notamment à l‘étranger. Pavel Fischer, vous en avez été un proche collaborateur pendant huit ans quand il était président. Etait-il donc lui aussi préoccupé par ces questions et que reste-t-il, aujourd’hui, selon vous, de son action et de ses mandats successifs de président ?
PF : « ‘Comment gérer, prendre en compte la justice et la responsabilité individuelle de chacun ?’ : cette interrogation était pesante, parce que Václav Havel n’était pas dupe. Il savait que ces questions l’accompagneraient jusqu’à la fin de ses mandats. Néanmoins, voilà l’explication qu’il donnait volontiers a ceux qui le défiaient là-dessus. »« Imaginez une société ébranlée par quarante années de communisme. Vous n’aviez à l’époque ni élites, ni spécialistes qui disposaient de l’expérience suffisante pour gérer un ministère, écrire des lois, enseigner, etc. La société était coupée, ébranlée, et toutes les élites possibles étaient en prison dans les années 1950 et 1960. Il ne faut donc pas non plus prétendre qu’il y avait à l’époque une équipe B en réserve prête pour le combat. C’est faux. Il fallait faire des compromis et choisir des gens. C’est ainsi qu’a été nommé le premier ministre de l’époque, effectivement un ancien membre du parti communiste. Peut-être avait-il même encore sa carte de membre dans la poche. »
« Nous pouvons faire ensemble quelque chose de positif »
On va faire un bond dans le temps jusqu’en 2019. Selon une enquête de l’organisation Paměť národa (Mémoire de la nation), environ une personne sur trois considère que l’on vivait mieux avant. ‘Avant’, en tchèque, se traduit par ‘avant 1989’. Que vous inspire ce chiffre ?
JF : « D’abord, on ne sait pas vraiment si les résultats de l’enquête sont exacts. Mais cela traduit quand quelque chose : une nostalgie de l’ancien système chez certains Tchèques. D’un côté, je les comprends parce qu’il s’agit souvent de personnes âgées qui ont vécu sous ce système quand ils étaient jeunes. La jeunesse, c’est quelque chose de merveilleux dans la vie de chacun : on se souvient toujours de ‘comme c’était bien’ quand on était plus jeune. Mais il faut dire aussi, d’après ce que j’ai pu constater, que ce sont les certitudes qui rendent ces gens nostalgiques. Ils disent toujours qu’ils ont perdu leurs certitudes. »
« Qu’est-ce que ces certitudes ? C’est la certitude d’avoir un travail. Mais comme le disait Pavel Fischer, ce chômage qui n’existait pas en Tchécoslovaquie socialiste était artificiel puisque tout le monde était obligé de travailler. C’est encore la certitude de bénéficier de soins médicaux ou hospitaliers gratuits. C’était effectivement le cas, mais pour quel niveau de soins ? On ne pas comparer les hôpitaux tchèques d’aujourd’hui avec ceux d’avant. Je crois donc que tout se mélange un peu dans les têtes, ce sont des gens qui ne savent pas ce qu’est la liberté. Ce qu’ils recherchent toujours, c’est la certitude. Et l’ancien système leur apportait ces certitudes. »PF : « Il y a aussi de bonnes nouvelles, qu’il faut partager, et l’une d’elles est à mon avis tout à fait intéressante dans ce contexte de 1989 que nous évoquons aujourd’hui. C’est justement l’initiative Paměť národa, qui propose de déchiffrer les témoignages d’acteurs directs de l’époque, en les captant sur audio ou sur texte pour les transmettre ensuite. Et tout de suite, on a constaté que nous avions nos héros de l’époque, des gens dignes qui se sont dressés contre le régime. Il y a eu un vrai sursaut de courage à l’époque, ainsi que des collabos purs et durs, des bourreaux, et aussi des flics qui transgressaient complètement la loi. »
« Je crois que cette nouvelle inspection de notre propre histoire nous est salutaire, parce qu’elle va à l’encontre de la nostalgie que nous avons évoquée. Elle permet de déchiffrer les frontières entre le bien et le mal, ce qui passe également par l’action de chacun de nous. Et dans ce réveil citoyen dont nous sommes témoins en novembre 2019 aussi, je vois les signes de quelque chose de positif que nous pouvons faire ensemble, et ce aussi rapidement que possible, parce que les témoins disparaissent petit à petit. »