Josef Suk, héritier des glorieuses traditions de la musique tchèque

Josef Suk

Quand vous naissez dans une famille qui a déjà donné au monde deux grands artistes, il est difficile de ne pas décevoir les attentes que votre naissance provoque indépendamment de votre volonté. Et quand vous êtes arrière-petit-fils et petit-fils de deux compositeurs géniaux, il n’est pas facile de ne pas développer un complexe d’infériorité. Le violoniste Josef Suk a vaillamment supporté le poids de cet illustre passé familial en devenant l’interprète privilégié de la musique de son arrière-grand-père Antonín Dvořák et de son grand-père Josef Suk. Les noms de ces deux hommes ont toujours été pour lui, comme il l’affirme, sources de force et d’inspiration.

Ces jours-ci, le violoniste fête son 80e anniversaire et peut jeter un regard fier sur son itinéraire artistique et sur l’ensemble de son œuvre, qui perdure encore grâce au disque. C’est un bilan qui éveille respect et admiration. Il a donné dans le monde entier tant de concerts qu’il n’est même plus capable de dire quel a été leur nombre. En fait il y en a eu des milliers. Il n’oublie jamais de rendre hommage au grand virtuose tchèque Jaroslav Kocián, son professeur de violon, et se souvient surtout de ses premières prestations avec l’Orchestre philharmonique tchèque au festival Printemps de Prague et de ses concerts de Carnegie Hall sous la direction de Georg Szell. Il a officiellement mis fin à sa carrière professionnelle en 2000, mais le violon reste un élément indispensable à sa vie et une source de force intérieure:

«C’est en évitant de faire du sport que je me maintiens en bonne condition physique. Probablement je dois ma forme à la musique bien que je ne joue que rarement en public. Par contre je travaille le violon plusieurs heures par jours pour ma joie personnelle et pour me maintenir en condition.»

L’ampleur du ton et la saveur sensuelle du timbre du violon de Josef Suk ont fait merveille dans le répertoire tchèque mais aussi dans les compositions classiques, romantiques et modernes. D’aucuns lui reprochaient parfois d’utiliser un style trop romantique dans le répertoire baroque, notamment dans les oeuvres de Bach, d’autres appréciaient par contre la beauté sonore et la musicalité de ces prestations. Impossible d’énumérer ici toutes les décorations qui lui ont été attribuées à lui et à ses enregistrements. Outre plusieurs hautes décorations tchèques et tchécoslovaques, il est également chevalier de l’ordre de Légion d’honneur et lauréat de plusieurs Grands Prix du Disque de l’Académie Charles Cros. Pendant sept ans, il a aussi enseigné au conservatoire de Vienne mais il ne considère pas la pédagogie comme sa véritable vocation. Il ne cesse pourtant de s’intéresser aux jeunes musiciens et d’encourager les jeunes talents:

«Il faut surtout qu’ils soient patients, et qu’ils travaillent plus encore qu’ils ne travaillent. J’ai l’impression que la discipline que j’ai appris avec Jaroslav Kocián n’existe plus parmi les jeunes. Ils veulent gagner de l’argent le plus tôt possible, ils ne vont même pas très souvent au concert, ils n’écoutent pas assez de musique. Ils sont trop recroquevillés sur eux-mêmes et ils se croient tous champions du monde. Je pense donc qu’un peu d’humilité leur ferait du bien. Mais quant à moi je me sens toujours très bien parmi les jeunes.»

Et ce n’est pas un vain mot puisque, actuellement, le violoniste collabore avec l’Orchestre de chambre tchèque à une série de concerts intitulée «Josef Suk présente de nouveaux talents».