Courrier des auditeurs
Cette fois encore, nous allons revenir aux réponses que vous nous avez envoyées dans le cadre du concours annuel de Radio Prague. Rappelons que c’est Mme Claire Le Bris-Cep, une Française aux racines tchèques puisque son nom de jeune fille était Klára Čepová, qui est la grande lauréate, cette année, toutes rédactions de Radio Prague confondues. Nous aurons donc le plaisir de la recevoir prochainement à Prague. La semaine dernière, nous avions également cité les réponses originales de Sylvain Adeline et Anthony Loser, deux jeunes auditeurs de France. Mais leurs réponses à la question : « Quelle date, quelle époque ou quel événement de l’histoire tchèque vous a le plus impressionné ? » ne sont pas le seules à avoir été retenues parmi celles que nous avons considérées comme étant les dix meilleures, du moins pour ce qui est des réponses en français.
Commençons donc avec la réponse de Philippe Obre, qui habite à Grand-Bassam, en Côte d’Ivoire, et qui nous a écrit :
« A dire vrai, le rang et la position de la République tchèque sur l’échiquier international ne lui donnent pas assez de chance pour que son histoire soit vulgarisée. Africain et noir de couleur, il serait bien prétentieux de ma part de dire que je peux restituer voire parler d’un chapitre de l’histoire tchèque. Mais sachant lire et ayant une bonne ouïe, je pourrais m’aventurer voire me hasarder à parler de la révolution de velours qui est si proche. Mais je préfère parler du Printemps de Prague. Alors que j’avais à peine onze ans, et que mon principal souci alors était d’avoir ma pitance, dans une partie du monde et plus précisément en Europe communiste, la machine soviétique annihilait la contestation légitime d’un peuple qui n’aspirait qu’à plus de liberté. En novembre 1983, alors que le maire d’Abidjan proposait au gouvernement l’érection de Yamoussoukro en capitale de la Côte d’Ivoire, je m’offrais un trésor. En effet, l’auteur tchèque Karel Kaplan titrait un livre comme ceci « Dans les archives du comité central, 30 ans de secrets du bloc soviétique ». A la lecture passionnée de ce bouquin, je découvrais les horreurs du Printemps de Prague, la chute de Novotný, d’Alexandre Dubček, etc. L’univers de goulags. Eh oui, l’Africain que je suis ne vois que la guerre, certes, mais la répression de Prague est beaucoup plus grave car les gens éliminent volontairement leurs compatriotes pour asseoir une autorité qui n’a pas de raison d’exister. Toute révolte est humaine, toute rébellion a une justification, mais une répression disproportionnée est indélébile. Le communisme dans cette partie de l’Europe ne pouvait que s’essouffler. Ceci explique bien cela pour ceux qui ont encore du mal à comprendre le phénomène du bouclier antimissile ou de l’empressement des satellites de Moscou à adhérer en se bousculant à la porte de l’OTAN et de l’Union européenne. Le temps s’est écoulé, les responsables de cette époque, s’ils sont encore là, sont certainement affaiblis par l’âge, mais le Printemps de Prague est toujours gravé dans la conscience collective et restera certainement un chapitre émotionnel de votre histoire. »
Ainsi donc pour la réponse de l’un de nos auditeurs ivoiriens, Philippe Obre, et son témoignage sur le Printemps de Prague vu depuis l’Afrique. Et pour le remercier, voici donc un extrait d’une de plus belles chansons de cette période, interprétée par Marta Kubišová et intitulée « Modlitba pro Martu », « Prière pour Marta ».
Poursuivons maintenant avec une réponse du Canada, elle est signée Mme Jeanne Couture, elle aussi d’origine tchèque comme elle nous le raconte :
« Je m’appelle Jeanne Gergel Couture (Jana Gergelová était mon nom de jeune fille). J’ai quitté la Tchécoslovaquie en 1969 avec mes parents et mon frère, et nous habitons Montréal, Québec depuis ce temps. Il y a deux événements que j’ai retenus. Le premier, en 1968, j’habitais la ville de Poruba et j’avais 11 ans. La rencontre avec les chars d’assaut russes et les soldats. Moi et mon frère avons trouvé ça plutôt cool, mais on voyait bien que les gens (les adultes), eux, n’étaient pas contents de les voir et leur criaient de s’en aller.L’autre événement était mon retour dans le pays après une absence de plus de 35 ans. Ce que j’ai ressenti en mettant les pieds sur le sol tchèque et entendu la radio tchèque et les gens qui parlaient tchèque, il n’y pas de mots pour décrire ça. Je ne m’y attendais pas du tout, surtout que j’étais la seule qui comprenait. Ni mon mari ni nos amis ne parlent la langue. Et voilà. »
Et voilà… c’est un court message rempli d’émotion que nous a donc adressé Jeanne Couture depuis le Canada. Et on peut effectivement imaginer ce qu’elle a pu ressentir après une si longue absence dans son pays d’origine. Ce n’est parfois pas simple à vivre et pour de nombreux Tchèques, ce retour a d’ailleurs aussi parfois été source de certaines déceptions.
Et là aussi, c’est avec une autre chanson magnifique de l’époque, datée précisément de 1968, que nous voulons la remercier. Elle est intitulée « Sluneční hrob » et chantée par Vladimír Mišík et le groupe Blue Effect.