Le raifort de Malín
Se retrouver à Malín, c’est arrêter le temps. Dans cette petite ville pittoresque située en Bohême centrale à proximité de Kutná Hora, on peut admirer l’église Saint-Jean-et-Saint-Paul construite en style roman, l’église Saint-Etienne datant du XIIe siècle, le clocher du XVIe siècle se trouvant à l’entrée du cimetière et l’ossuaire, petit mais intéressant.
L’histoire de Malín remonte au Xe siècle. A l’époque ce n’était qu’un hameau situé au carrefour des routes liant la Bohême à la Moravie. Malín était la propriété de la famille des princes Slavník /Slavníkovci/ qui ont également fondé en ces lieux un hôtel de la monnaie où ils faisaient frapper des pièces en argent. Le hameau était donc assez important mais après le massacre de la famille princière des Slavník, ce fut le déclin de Malín. Ce n’est que vers la fin de la deuxième moitié du XIIe siècle que le hameau est devenu la propriété du couvent des Cisterciens se trouvant à Sedlec et a retrouvé de son importance.
Au XVIIe siècle, les armoiries de Malín étaient composées d’une bêche et d’une racine de raifort. La raison en est simple, car jusqu’à la moitié du XXe siècle, la ville était renommée dans toute l’Europe pour son excellent raifort. La culture du raifort à Malín remonte au XIIe siècle. Au cours des guerres hussites et de la guerre de Trente ans, les plants de raifort furent dévastés, mais rétablis par la suite et l’exploitation du raifort put continuer. En 1891, la municipalité de Malín fonda l’Association des cultivateurs de raifort de Malín. L’objectif de l’association était de trancher les litiges entre cultivateurs et vendeurs, ainsi que de contrôler la qualité du raifort et ainsi lutter contre la concurrence déloyale. A l’époque de l’essor de l’exploitation du raifort on disait : « C’est bon comme le raifort de Malín ».
C’est au cours de la première moitié du XXe siècle que commença le déclin de l’exploitation du raifort de Malín. Le goût des gens changea et ils commencèrent à lui préférer la moutarde, beaucoup plus douce que le raifort. Pourtant le raifort de Malín était reconnu pour son odeur agréable, son goût doux et fort en même temps.
Il y a quelques jours, j’ai rencontré une charmante dame âgée, comptable de métier, qui vient de la région de Malín et qui se souvenait très bien du fameux raifort. Elle me disait : « Ah, oui ce raifort, qu’il était fort et quel délice ! On le préparait avec de la pomme râpée pour adoucir son goût extrêmement fort. Le raifort râpé avec la pomme s’appelle – ‘vejmrda’. »
Encore de nos jours on peut admirer à Malín les portes médiévales par lesquelles passaient dans le temps les chars chargés de raifort, récolté pour être livré à travers le pays et à l’étranger. Les plants de raifort n’existent plus mais les habitants de Malín cultivent toujours le raifort dans leurs jardins. Le goût du raifort lui est donné par le terroir. Donc si on plante le raifort ailleurs, il ne sera pas aussi bon que celui qui pousse à Malín.
La petite ville de Malín est un endroit tout à fait charmant qui vaut vraiment la peine d’être visité, ne serait-ce que pour faire escale sur le chemin de Kutná Hora, ville au riche passé historique. Malín est entre autre la ville natale de l’historien et écrivain Josef Lacina, né en août 1850. Il est l’auteur de nouvelles, comédies, poèmes et de récits historiques. Il a également écrit des romans publiés sous le pseudonyme de Kolda Malínský. L’écrivain est décédé à l’âge de cinquante-huit ans.
Le raifort est un légume très apprécié en Bohême. Il se mange cru, finement râpé avec de la viande fumée ou une saucisse. Mais tout comme le cornichon ou la moutarde on peut tout à fait l’associer à d’autres plats. Et voici une recette du « vejmrda » :
2 kg de pommes, raifort frais, 100ml de vinaigre de pomme, 400g de sucre semoule, 1 citron.
Eplucher le raifort et les pommes (enlever les trognons).
Râper finement les pommes et le raifort, puis bien mélanger.
Verser du jus de citron sur les pommes pour les empêcher de brunir.
Faire bouillir le vinaigre dans une casserole et le sucre avec de l’eau dans une autre casserole.
Verser le vinaigre chaud dans le raifort et les pommes râpées et ajouter l’eau avec le sucre.
Bien mélanger et mettre au frigo.
Pour la « vejmrda » on ajoute encore un peu de bouillon de bœuf.