21 août 1968 : un journaliste français avec son micro à la frontière entre l'Autriche et la Tchécoslovaquie
Radio Prague vous propose aujourd'hui le reportage réalisé à l’époque par l’envoyé spécial de France Inter et diffusé le 22 août 1968. Alain Fernbach est arrivé le 21 août 1968 à Vienne et s’est rendu dans la nuit à la frontière entre l’Autriche et la Tchécolovaquie.
- Merci, mais il y a beaucoup de mots que je ne connais pas...
- Je suis là avec une voiture immatriculée en Autriche, et vous ne voulez pas me laisser passer, pourquoi ?
- Parce que c’est fermé. On ne peut pas rentrer en Tchécoslovaquie. Nous pouvons seulement laisser sortir les étrangers vers l’Autriche. Seuls les citoyens tchécoslovaques peuvent rentrer.
- Qui vous a donné cet ordre ?
- C’est un ordre du gouvernement tchécoslovaque
- Que s’est-il passé exactement depuis hier ?
- Les armées soviétique, allemande, polonaise, bulgare et hongroise sont entrées dans notre pays parce qu’ils ne sont pas contents avec la politique de Dubček. Nous croyons que c’est une chose qui concerne seulement notre pays, nous voulons la liberté.- Vous êtes policier à la douane, vous êtes armé, vous ne pouvez rien faire contre les troupes russes ?
- C’est impossible, je ne suis pas fou (rires)...
- Qu’est-ce qu’il va se passer maintenant ?
- Vous le voyez, c’est calme. Mais à la douane de Dolni dvoriste, il y a déjà trois chars soviétiques qui sont entrés et ils veulent prendre le contrôle de la frontière. Mais les douaniers tchèques leur ont dit qu’ils pouvaient assurer tout seuls le service à la frontière...
- Mais là nous sommes en territoire tchécoslovaque, vous parlez très librement des événements avec un journaliste français. Vous dîtes que vous êtes contre les Soviétiques, est-ce que vous n’avez pas l’impression de prendre en ce moment un risque ?
- Non, arrêtez ça ! (rires)
Devant nous allait se dérouler la prise du poste frontière par les soldats soviétiques. Une colonne de chars se dirigeaient vers nous. Juste le temps de repasser en Autriche, il était 2h du matin. Une demi-heure plus tard je pouvais passer la frontière à pied en traversant une forêt. Après 3km de marche j’arrivai dans un petit village tchèque, Krabonoš. Là, tout était calme, de la lumière dans une seule maison. Une dizaine de personnes écoutait la radio, où le chef des troupes d’occupation demandait aux Tchèques de rester chez eux jusqu’à 5h du matin. Ils n’ont pas voulu que je les enregistre mais tous montraient beaucoup d’optimisme. En effet, ils savaient que beaucoup de pays étaient avec eux, ils venaient de capter sur un poste autrichien la réunion du conseil de sécurité de l’ONU. Pour eux il n’y a pas de problème, les Russes partiront, Dubček gagnera car il leur apporte la liberté. Ici la frontière austro-tchécoslovaque, à vous Paris. »