23 août 1968 : coups de feu sur la Place Venceslas enregistrés par un journaliste français
Deux jours après l’invasion de la Tchécoslovaquie, le 23 août 1968, l’envoyé spécial de la radio française France Inter a réussi à se rendre jusqu’à Prague. Alain Fernbach a enregistré plusieurs bandes, mais elles ont toutes été confisquées lors d’un contrôle à un barrage de l’armée soviétique. Toutes sauf une, dont un extrait a été diffusé en France le 24 août :
Vers 5h du matin près du pont Charles, il y avait un garçon de 15 ans un transistor à la main qui distribuait des tracts en tchèque. Les Russes l’ont arrêté et lui ont demandé son transistor. L’enfant a refusé. Aussitôt il y a eu une fusillade, beaucoup de feu en l’air mais aussi un sur l’enfant, qui a été tué. Cette scène, j’ai pu la voir, et quand j’ai quitté Prague il y avait une grande manifestation pour cet enfant tué ce matin.
Mais le plus extraordinaire dans l’ambiance à Prague, c’est Radio Prague, qui fait un travail extraordinaire. 24h sur 24 on a des informations extrêmement précises. Les Russes essaient de trouver les émetteurs clandestins mais n’y arrivent pas. Encore ce matin, on entendait sur Radio Prague que se dirigeait sur Prague un train soviétique avec du matériel très perfectionné pour détecter les émetteurs clandestins. Radio Prague lançait des appels en demandant d’arrêter absolument ce train, car sinon ils pourront avec ce matériel trouver nos émetteurs et nous ne pourrons plus émettre. Une heure après ces appels, on apprenait que ce train n’avait pas été saboté, mais était arrêté car les Tchèques avaient coupé le courant électrique sur la ligne de chemin de fer.Tout le monde à Prague est uni, on sent qu’ils vont résister jusqu’au bout, ils veulent résister jusqu’au bout. Ils ont extrêmement confiance, car il y a beaucoup d’étrangers à Prague, et ils pensent que leur résistance va impressionner le monde entier, que les pays occidentaux seront bientôt derrière eux. Et puis surtout il y a ces négociations à Moscou. Dubček est aussi à Moscou, les Tchèques le savent officiellement depuis ce matin par Radio Prague. Ils sont tous persuadés que d’ici à deux ou trois jours les Russes vont partir. »