La Cagole, bière marseillaise, fruit d’une coopération franco-tchèque
La France est généralement plus connue pour son vin que pour ses bières. C’est encore plus le cas pour la Provence. Pourtant, depuis quatre ans, on voit apparaître sur les comptoirs de quelques bars provençaux et dans certaines épiceries fines une bière marseillaise, la Cagole, fabriquée…en République tchèque. C’est une surprenante coopération que nous raconte Yves Darnaud, le patron de cette sympathique brasserie marseillaise.
« Bonjour, bienvenue sur le site de la Cagole ! Eh bien, comme tu le vois, en haut, t’as les rubriques. Eh bien, là où tu veux aller, tu cliques ! Je te fais de gros bisous, bonne visite ! »
C’est une vraie cagole qui accueille les internautes sur le site de la bière marseillaise du même nom, puisque c’est ce personnage haut en couleurs, typiquement marseillais, qui a été choisi comme symbole de la marque. Yves Darnaud nous présente sa bière :
« L’idée de départ est venue du fait qu’on s’est rendu compte que beaucoup de régions françaises avaient leur propre bière régionale et on s’est demandé pourquoi les Marseillais n’auraient pas une bière avec le bon accent de Marseille. Alors, on s’est mis en quête de fabriquer une bière marseillaise avec une petite spécificité qui était au départ de la faire avec du miel d’acacias. »
Le mot cagole est profondément lié à l’histoire de Marseille. Pour Yves Darnaud, ce nom est un hommage aux ouvrières du début du XXe siècle, issues pour la plupart de l’immigration italienne, qui travaillaient dans les usines de conditionnement de dattes. Elles portaient des tabliers que l’on appelait en provençal des cagoulo, qui ont donné à ces femmes le nom de cagoles. Yves Darnaud :
« C’est un mot qui est resté gravé et qui est très fort dans notre culture marseillaise parce que tout le monde se souvient de ces femmes, elles sont restées marquées dans le passé. »
- Aujourd’hui, ça a pas pris une connotation un peu différente, n’est-ce pas ?
« C’est un peu péjoratif. On dit des cagoles que ce sont des filles vulgaires et provocantes. C’est un peu vrai mais c’est toujours très tendre. La signification de cagole, ce sont des filles qui sont tout simplement de bonnes vivantes, qui sont un peu exubérantes. »
La Cagole, comme l’indique son nom, est donc la bière marseillaise. Pourtant, une partie de sa production est réalisée en République tchèque. Yves Darnaud en parle sans détours et se félicite de cette coopération :
« On a pratiquement 80 % de la production qui est faite en République tchèque. Au départ, on a eu de gros besoins au niveau de la production parce que le produit qu’on a mis sur le marché a plu et, très vite, on s’est retrouvé face à de gros besoins de production. On s’est rendu compte que la bière qu’on brassait, qui était une ancienne bière de tradition marseillaise, était une pils. Et que c’était les Tchèques qui avaient inventé la pils. Donc, on est allé faire un tour du côté de Prague et on s’est tout de suite rendu compte que c’était le pays de la pils, où la bière est encore fabriquée en basse fermentation, de manière artisanale mais en grandes quantités. Donc, c’était vraiment le pays qui convenait pour continuer à faire le produit qu’on avait fait au départ en tant qu’artisans à Marseille. »
« On demande donc à notre brasseur de faire une recette qui est plutôt faite pour le Sud, donc qui est très peu amère, qui est légère et qui plaît énormément chez nous grâce à ça. C’est un produit qui est vraiment adapté à notre région, et je tire un grand coup de chapeau à la brasserie qui nous fait notre produit, car ils ont vraiment su s’adapter à notre demande. »
Pour la petite histoire, la brasserie en question se situe à Nymburk, petite ville de Bohême où vécut Bohumil Hrabal, qui l’inspira pour son roman Postřižiny, où la bière joue un rôle particulièrement important.La production de La Cagole s’élève aujourd’hui à 2 millions de bouteilles de 33 cl par an. Quand on demande à Yves Darnaud s’il voit un avenir pour La Cagole en République tchèque, il reste sceptique. Mais La Cagole a cependant d’autres ambitions.
- Vu que vous produisez en République tchèque, n’avez-vous pas envie de commercialiser directement dans le pays ?
« Je ne crois pas parce que, malheureusement, la bière que l’on fait faire à notre convenance, avec notre recette pour le Sud, ne conviendrait absolument pas au marché tchèque. On a une bière qui est très peu amère et selon le brasseur qui nous la fait là-bas, ce n’est pas une bière qui leur plait. On ne s’est pas encore bien penché sur la possibilité de commercialiser La Cagole à Prague. Mais on a quelques pistes qui sont intéressantes sur de la bière blanche parce que je sais que ça plait beaucoup en République tchèque, notamment aux jeunes filles, d’après ce qu’on nous dit, et on a une petite idée avec notre brasseur d’exporter éventuellement de la bière blanche pour la commercialiser là-bas. Mais c’est encore vraiment à l’état de projet. »