Revue de presse : les législatives françaises et britanniques vues de Prague
L’écho des élections législatives en France et en Grande-Bretagne dans les médias tchèques. Les liens politiques internationaux de l’ancien Premier ministre tchèque Andrej Babiš, hier et aujourd’hui. La bière sera-t-elle en Tchéquie comme ailleurs une boisson de luxe ? C’est le menu de cette revue de presse.
« L’extrême droite est une nouvelle fois hors-jeu et c’est la gauche qui décidera du sort futur de la France », titrait au lendemain du deuxième tour des législatives anticipées dans ce pays le site de l’hebdomadaire Respekt, selon lequel plusieurs choses sont déjà claires dont celle qui est peut-être la plus importante :
« Après la dissolution inattendue du Parlement par Emmanuel Macron suite à sa défaite aux élections européennes, le président français a atteint au moins l’un de ses objectifs : battre le Rassemblement national et montrer au peuple français et au monde que l’extrême droite ne peut pas l’emporter dans son pays. Et d’amener de nouveau Marine Le Pen, après les échecs de ses deux candidatures présidentielles, à reconnaître sa défaite. »
D’après ce qu’a noté un article publié sur le site aktualne.cz, « la bonne nouvelle pour la Tchéquie et le reste de l’Europe, c’est que les socialistes modérés ont presque fait jeu égal avec l’extrême gauche de Mélenchon. Cela signifie que La France insoumise ne peut pas dicter ses conditions, bien que son leader ait aspiré au poste de Premier ministre. »
Le journal Mladá fronta Dnes a de son côté observé :
« Emmanuel Macron a gagné la bataille contre l’extrême droite, mais les résultats des élections montrent que la France n’échappera pas à une crise politique. La figure la plus en vue de la gauche victorieuse, Jean-Luc Mélenchon, ne va probablement pas goûter à la fonction de Premier ministre. Une large coalition reposant sur une coopération fragile entre des partis aux opinions très différentes et souvent hostiles se présente comme la seule voie possible. »
Le site Seznam Zprávy souligne que le programme du Nouveau front populaire, vainqueur des élections, contient le soutien à l’Ukraine, y compris le déploiement de casques bleus destinés à protéger ses centrales nucléaires, mais qu’il ne s’entend pas avec le camp du président Macron en matière d’économie.
Les conservateurs tchèques face aux résultats des élections britanniques
Ce sont aussi les élections législatives en Grande-Bretagne qui ont été très suivies par les médias locaux. L’éditorialiste du site Novinky.cz, par exemple, a observé :
« L’ampleur de la défaite des conservateurs n’est pas seulement le résultat de la lassitude du gouvernement d’un même parti et de la mauvaise situation économique dans le pays. Les électeurs ont tout simplement compté leurs erreurs. Les élections britanniques sont aussi un avertissement pour les partis tchèques pour qu’ils ne cherchent pas uniquement à se maintenir ou à revenir au pouvoir. »
Respekt signale que « les travaillistes qui ont remporté les élections législatives britanniques de manière époustouflante ont réussi à vaincre le populisme. » Selon Seznam Zprávy, la débâcle électorale des conservateurs est le fruit des mensonges liés au Brexit qui ont été révélés au fil du temps. Le journal Forum24 retient les réactions d’une partie de la scène politique tchèque qui se considère comme conservatrice et qui a du mal à accepter cette défaite:
« Si aujourd’hui les ‘conservateurs’ tchèques ne semblent pas voir quelle a été l’erreur fondamentale des conservateurs britanniques et s’ils leur font la leçon en leur disant qu’ils étaient trop verts et pas assez conservateurs, c’est ridicule. Ces derniers étaient avant tout incompétents, chaotiques et irresponsables. Il se peut que les conservateurs locaux et les partisans de la ‘droite authentique’ se mettent dans le même pétrin ».
Fini les photos d’Andrej Babiš avec Emmanuel Macron
« Andrej Babiš, chef du mouvement ANO et ancien Premier ministre, s’est trouvé de nouveaux copains, fini les photos avec Macron ». Voilà le titre d’un article publié sur le site Seznam Zpravy en lien avec l’apparition d’un nouveau groupe au Parlement européen, les Patriotes pour l’Europe, qui compte désormais 84 eurodéputés et qui, selon son auteur, est un club nationaliste par excellence. « Dans le manifeste lancé par Viktor Orban, Herbet Kickl et Andrej Babiš à Vienne fin juin, le mot ‘nations’ apparaît 13 fois, une forte concentration pour la région », souligne-t-il avant de poursuivre :
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« Et Macron, que Babiš a de tous les hauts dirigeants occidentaux le plus souvent rencontré et avec lequel il a été photographié le plus, n’est plus un ami. Babiš en a de nouveaux : Marine Le Pen et Jordan Bardella, qui présidera les Patriotes, car le Rassemblement national avec 30 députés est de loin la plus importante formation du groupe. Les eurodéputés d’ANO n’en représentent qu’un douzième. »
« Qu’est-ce que cela va signifier pour la Tchéquie à part le fait qu’il n’y aura pas d’antenne du Centre Pompidou à Prague ou que Babiš ne recontrera plus Macron dans le cadre de sa campagne pour l’élection présidentielle ? » Une question à laquelle l’éditorialiste du site répond :
« Andrej Babiš a rejeté ses ‘mimétismes macroniens’. Son amitié politique avec le président français aurait pu faire de temps en temps croire qu’il était toujours le même politicien qu’en 2011, lorsqu’il a fondé le mouvement ANO. Mais ce n’est pas le cas. Babiš est un caméléon politique, dont les dernières couleurs vives sont celles du tricolore national. »
« Ce que le mouvement ANO de Babiš a fait n’est pas un signe de patriotisme. Il s’agit ni plus ni moins que d’un nationalisme carnavalesque de premier plan », note pour sa part l’auteur d’une note publiée dans le quotidien économique Hospodářské noviny. Selon lui, cette démarche va à l’encontre des intérêts du pays et de l’Europe :
« L’histoire nous enseigne que le patriotisme fortement affiché peut se transformer facilement en nationalisme intolérant. L’émiettement de l’intégration européenne par de prétendus patriotes peut être perçu comme une tentative de détruire l’espace commun qui tient à distance les passions nationales. Nul n’est besoin d’ajouter qu’il s’agit en fait d’une voie menant vers la destruction totale de ce que nous appelons aujourd’hui la civilisation. »
Jusqu’à quand la bière en Tchéquie demeurera la moins chère au monde ?
« La bière devient une boisson de luxe en Europe », indique le chroniqueur du site info.cz. Un constat qui soulève la question de savoir dans quelle mesure cette évolution touchera également la Tchéquie et jusqu’à quand la bière y demeurera la moins chère au monde :
« Dans un restaurant ou dans un pub tchèque, la pinte de bière coûte en moyenne 54 couronnes, l’équivalent de 2,15 euros environ, nettement moins comparé à ce que cette boisson coûte dans les autres pays européens. Selon les experts, cette situation serait due à la forte consommation de la bière, la Tchéquie étant le pays où l’on en boit le plus, ainsi qu’à la sensibilité accrue de la population à l’égard de l’augmentation de son prix. La bière y est effectivement considérée non seulement comme une boisson alcoolisée ‘nationale’, mais aussi comme un moyen incontournable permettant de tisser des liens et de bavarder ».
Cependant, comme le rapporte le chroniqueur, le prix de la bière a augmenté de manière significative également en Tchéquie et il est peu probable que la situation s’améliore à l’avenir. Cette évolution touchera également les différences entre le prix de la bière achetée dans un supermarché et celui de la même boisson dans un bistrot qui ne sont pas encore aussi importantes qu’à ’Ouest. « Cette prévision a de quoi inquiéter les buveurs de bière tchèques, qui sont habitués à consommer jusqu’à cinq à huit bières par jour dans un pub », écrit-il. Et de conclure qu’à l’instar d’autres pays, la bière cessera probablement d’être une boisson populaire et abordable même en Tchéquie.