Festival Printemps de Prague : l’art de la reine du bel canto
Applaudissements sans fin, cris, trépignement, c’est ainsi que la salle de Rudolfinum de Prague, débout et au bord du délire, a réagi au récital de la soprano Edita Gruberova. La reine du bel canto accompagnée de l’Orchestre de la Radiodiffusion tchèque placé sous la direction de son mari Friedrich Haider, a présenté, ce dimanche, à Prague un programme composé de grands airs d’opéra de Mozart, de Donizetti et de Bellini. Comme il fallait s’y attendre, son concert a été un des sommets du festival Printemps de Prague.
« Vous savez, j’ai écouté pendant toute ma vie la voix de ma voix, à la différence de certains de mes collègues qui se laissent séduire par les propositions auxquelles ils ne savent pas résister ou par le désir de leur cœur. Evidemment moi aussi j’avais des ‘fantaisies’ et envie de chanter certains répertoires, mais finalement j’ai toujours respecté les règles de ma voix. C’est ça mon secret, qui d’ailleurs n’en en est pas un : ne pas dépasser les limites, rester dans mon domaine. »
Et la cantatrice de critiquer les carrières trop rapides de certaines vedettes de l’opéra qui parfois chantent, dès le début, un répertoire qui nécessite un mûrissement de la voix. Souvent les carrières météoriques de ces jeunes idoles de la scène finissent avant de commencer vraiment. Edita Gruberova se félicite d’avoir su résister à ces tentations et aux pressions des chefs d’orchestre, des directeurs de théâtre et de la publicité. A l’âge où les carrières d’autres sopranos sont finies depuis longtemps, les cordes vocales d’Edita Gruberova sont toujours en pleine forme. C’est ce qu’a constaté aussi le public du concert de ce dimanche. Le rédacteur de la station Vltava Jindřich Bálek, qui était dans la salle, résume :
«Nous avons été témoins de cette faculté incroyable de maîtriser la voix dans les nuances de dynamique et d’intonation inouïes. C’était une incessante suite de détails admirables. (…) Sa façon de chanter est tout a fait fascinante. On ne sait pas d’où viennent ces tons. D’un côté, c’est une alchimie spéciale de la voix, d’un autre côté c’est une méthode très réfléchie. Mais ce n’est jamais une perfection froide. Son chant est toujours vivant et exprime par chaque fioriture un trait psychologique.»
C’est donc grâce à la « prima donna assoluta » Edita Gruberova que nous pouvons éprouver aujourd’hui la frénésie que provoquait l’art des grandes cantatrices du XIXe siècle pour lesquelles Donizetti, Bellini et Rossini écrivaient leurs opéras et qui étaient vénérées comme des déesses. Grâce à la dernière diva Edita Gruberova, l’art de Giuditta Pasta, de Maria Malibran, des sœurs Grisi et d’autres voix légendaires n’est pas perdu.