Tomas G. Masaryk, l’Européen

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A l’occasion du récent 70e anniversaire de la disparition du premier président tchécoslovaque, Tomas G. Masaryk, l’Institut d’études slaves à Paris a fait publier les actes d’un colloque sous la direction de Marie-Elizabeth Ducreux, d’Antoine Marès et d’Alain Soubigou. Radio Prague s’est entretenue avec ce dernier de la volonté des auteurs de faire apparaître Masaryk comme un homme politique européen :

« L’idée, c’était de couvrir l’ensemble du spectre de la vie et de l’œuvre de Masaryk, mais en tenant compte de l’ouverture des archives depuis une quinzaine d’années, pour faire la différence avec un colloque qui s’était tenu en 1980 à Paris, mais qui ne pouvait pas s’appuyer sur les archives. Par rapport à ce type de problématiques que l’on pouvait avoir dans les années 1980, plus sociales ou sociologiques, le colloque que nous avons réuni au Sénat, à Paris, en 2002, a insisté sur des problématiques plus neuves. A cause du renouvellement propre au travail des archives et aussi parce qu’un nouveau regard est possible, aujourd’hui, sur Masaryk, non pas critique mais plus distancié. »

Quelles sont les choses que vous avez découvertes à cette occasion ? Vous avez déjà travaillé sur la biographie de Masaryk. Que découvre-t-on aujourd’hui qu’on ne savait pas ?

« Il semble qu’il y ait un beau terrain de travail pour approfondir les relations entre Masaryk et Benes. On sait que Masaryk était plutôt anglophile ou américanophile, Benes plutôt francophile. L’articulation des ces deux perspectives qui ont des incidences tout à fait nettes sur la gestion de la diplomatie tchécoslovaque entre les deux guerres, c’est quelque chose qui mériterait d’être encore travaillé. »

Il y a en effet un article dans ce recueil sur Masaryk et les milieux francophiles dans les pays tchèques, c’est à cela que vous faites référence ?

« Oui, par exemple, c’est une contribution de mon collègue Stéphane Reznikow. Il y a d’autres domaines aussi sur la pensée philosophique de Masaryk que l’on a réduite souvent à une sorte d’humanitarisme un peu béat. L’articulation entre l’idéologie et la pratique chez Masaryk est quelque chose qui mériterait d’être travaillé. Autre chantier qui paraît très prometteur, ce sont les relations de Masaryk avec l’Europe. En 1918, il avait publié un très bel ouvrage appelé « La nouvelle Europe ». Il y a là tout un très beau chantier sur la notion de fédération, de confédération, et Masaryk avait quelques idées tout à fait intéressantes sur le sujet. Comme on est dans une perspective d’interrogation sur l’avenir de l’Europe, il y aurait peut-être là matière à réflexion. »

Quelles étaient ses réflexions sur l’Europe ?

« Sur le christianisme, il est très modéré, il a une pensée que l’on qualifierait de laïque dans les termes français. En revanche, au plan international et dans la construction de la nouvelle Europe, il a avancé une idée neuve dans l’entre-deux-guerres qui mériterait d’être encore thématisée, c’est l’idée de l’égale dignité des nations, grandes ou petites. Par rapport au jeu habituel des grandes puissances au XIXe siècle, Masaryk introduit cette nouvelle idée que ce n’est pas parce qu’on est un petit pays que l’on a moins d’importance. La construction européenne depuis 1957 vise, je crois, à actualiser cette idée masarykienne. »