Kundera récompensé par le Prix national de la littérature tchèque
Jeudi soir, le plus connu et le plus lu des écrivains tchèques, Milan Kundera, a reçu le Prix national de la littérature tchèque. Milan Kundera vit en France depuis la fin des années 1970 et depuis plusieurs années, écrit en français. Il est récompensé pour la première publication de son roman L'insoutenable légèreté de l'être dans sa langue maternelle, plus de vingt ans après sa première parution en français.
On sait que Kundera est de manière générale assez avare de ses apparitions, que ce soit en France ou en République tchèque. Malheureusement, Milan Kundera n'est pas venu chercher son prix en personne, il s'est excusé pour cause de problèmes de santé. Et il est vrai que Kundera est assez âgé, près de 80 ans bientôt. On comprend donc que cela soit plus dur pour lui. Par contre, il était tout de même présent, en quelque sorte, lors de la cérémonie qui s'est déroulée dans le Musée tchèque de la musique. A noter entre parenthèses, que c'est une jolie coïncidence quand on sait combien Kundera a écrit et réfléchi sur le thème de la musique. En fait, Kundera a fait parvenir un enregistrement où il a exprimé son émotion à ses amis et a rendu un bel hommage à Zdena Salivarova-Skvorecka :
« Je veux finir en me souvenant de celle qui a permis la première publication tchèque du livre que vous récompensez aujourd'hui, je veux parler de Zdena Skvorecka. Au Canada, elle a dirigé avec un incroyable dévouement une pauvre petite maison d'édition où, pendant vingt ans, ont été publiés des auteurs tchèques interdits. Elle aussi faisait partie de ceux qui se sont rendus compte de la plus grande malédiction de l'histoire de la littérature tchèque : la désintégration systématique de sa mémoire continue. Elle est devenue l'ange de la continuité de la littérature tchèque. Sans elle, tout aurait été différent. Que le prix que vous me remettez lui rende également hommage. »
Kundera a souvent été sujet aux critiques dans son pays d'origine, certains lui reprochant de ne publier ses ouvrages en tchèque qu'au compte-goutte. Il y a un an une traduction non-autorisée de son roman L'identité était sortie sur Internet. Le résultat du travail d'un lecteur qui déplorait que Kundera ne s'occupe pas de ses traductions en tchèque, et qu'il faille comprendre le français pour le lire. Kundera, lui, explique toujours qu'il préfère se consacrer à la création qu'à la traduction. Et comme il tient à garder le contrôle de ses textes, en effet, des lecteurs sont frustrés. En même temps, on peut leur objecter que c'est le droit suprême de l'auteur de décider de la destinée de ses textes. En tout cas, tout cela en dit long sur le rapport passionnel des lecteurs de Kundera avec ses romans, mais aussi de Kundera lui-même avec ses origines.
Alors Kundera est-il un écrivain tchèque ? On s'accorde en général pour dire que oui, d'ailleurs lui-même fait très souvent référence à l'Europe centrale. Ne serait-ce que dans son discours de jeudi, il évoque la spécificité de l'humour tchèque. Il reste néanmoins un sacré paradoxe. Encore récemment en France, dans une librairie, j'ai trouvé Kundera au rayon Europe centrale. Ça a une certaine logique, vu qu'il a écrit dans les deux langues, mais on se demande finalement pourquoi ne pas le mettre au rayon français...