Les salles de cinéma tchèques sont centenaires
Les salles de cinéma tchèques fêtent leurs cent ans. Tchèques, pas slovaques ni allemandes, car les organisateurs ont délibérément choisi ce qu'ils considèrent comme la date-clé de naissance de la première salle de cinéma en Bohême.
Jan Jira de la société de promotion des films d'arts et d'essai, Cinemart, est un vrai passionné de la bobine et des salles obscures :
« Le tout premier film projeté en pays tchèques, c'est une autre histoire, c'est l'histoire du début de la cinématographie tchèque. Il se trouve que je le sais, c'était le 16 juin 1898, dans le Palais des Foires, à l'exposition des architectes. Par contre, la première salle de cinéma tchèque date de 15 septembre 1907. Elle a été ouverte par Dismas Slambor, nom d'artiste Viktor Ponrepo, dans la rue Karlova à Prague, au premier étage de la maison U modre stiky. La salle a encore un peu joué après la guerre avant de fermer. »
Viktor Ponrepo, escamoteur et artiste, sillonnait auparavant la Bohême avec son théâtre de magie, avant de découvrir à la fin du 19ème siècle, un autre phénomène « magique », le cinématographe. Il fait alors une demande de licence et en 1906, il loue une maison où, pendant six mois, il exploite un embryon de salle de cinéma avant de lancer définitivement la toute première salle à proprement parler, ce fameux 15 septembre 1907.Cent ans plus tard, à la même date, les amoureux du cinéma, essentiellement des exploitants de petites salles de cinéma mais aussi des metteurs en scène et des comédiens se réuniront dans une autre salle culte, Lucerna, le plus ancien cinéma tchèque encore en activité, pour fêter cet anniversaire.
Du 13 au 16 septembre, la salle de cinéma Evald, qui, hasard du calendrier, fête, elle, ses dix ans, présentera quelques oeuvres du réalisateur Evald Schorm dont elle porte le nom. Autre cinéma participant, le Svetozor qui, le 22 septembre, propose plusieurs films qui ont marqué le cinéma tchèque, comme Marketa Lazarova de Frantisek Vlacil, d'après le roman de Vladislav Vancura, ou Au feu les pompiers, de Milos Forman...Pour Jan Jira, cet anniversaire est aussi une façon de rappeler qu'aller voir un film, et pas dans un multiplexe, est aussi un art de vivre et une certaine façon de considérer l'art :
« Autrefois, si je voulais voir un film, il fallait que j'aille au cinéma le jour même où le film était joué, parce sinon je savais que je ne pourrais pas le voir. En plus, les films intéressants venus de l'Ouest ne passaient pas à la télévision, ou alors tard, au bout de cinq-six ans. Aujourd'hui, la manière d'avoir accès aux films est démultipliée : Internet, la télé bien sûr, les DVD... Il faut voir cela de manière psychologique. Vous êtes à la maison, après le travail, ils jouent un film que vous aimeriez voir mais vous vous dites : je n'ai plus envie de ressortir, dans la pluie, de toutes façons ça sortira en DVD, donc j'attendrai. C'est comme ça que les cinémas perdent des spectateurs. Par contre si on compte combien de personnes voient des films, et combien de personnes en voyaient autrefois, alors en combinant tous les modes de diffusion, le total est clairement plus important. »
Jan Jira reste optimiste face à l'avenir. Pour lui, finalement, les salles de cinéma ont survécu à la télévision, aux cassettes vidéo, aux DVD, alors, avec la numérisation à venir, il n'y a pas de raison qu'elles ne survivent pas à une nouvelle révolution.