Foot : Entretien avec le conseiller des joueurs français du Sparta et Slavia Prague
Depuis les arrivées de Noël-Alexandre Mendy et de Jean-Arnaud Loseille au Marila Pribram à l'été 2004, le championnat de République tchèque de football prend chaque année un accent toujours un peu plus français. Cette saison, pas moins de sept joueurs français figurent, en effet, dans l'un des effectifs des seize clubs de première division. Outre Mendy, qui est le plus ancien de ces expatriés et qui porte désormais le maillot de Mlada Boleslav, Ludovic Sylvestre, sacré champion de République tchèque avec le Sparta Prague la saison dernière, et Mickaël Tavares et Tijani Belaid, qui se sont récemment qualifiés pour la Ligue des champions avec le Slavia Prague, sont assurément ceux qui font le plus parler d'eux. A l'issue du match retour du troisième tour préliminaire de la Ligue des champions, qui s'est soldé sur la qualification du Slavia aux dépens de l'Ajax Amsterdam, nous avons rencontré Omar Akkal, conseiller à l'origine de la venue de Sylvestre, Tavares et Belaid en République tchèque. Il nous a donc expliqué les raisons de ces orientations de carrière a priori étonnantes :
« Cela s'est fait par amitié avec Ivan Hasek, ancien entraîneur de Strasbourg, où j'étais moi-même recruteur. Cela s'est donc fait naturellement. Le championnat tchèque représente une opportunité pour les joueurs qui ne jouent pas beaucoup en France. Cela permet donc de les lancer et ensuite éventuellement de pouvoir rebondir de manière positive ailleurs. »
-Le championnat tchèque est donc une étape et doit servir de tremplin.
« Tout à fait. Il faut y passer un, deux voire trois ans pour pouvoir repartir sur des championnats comme l'Allemagne, puisque le championnat tchèque est très suivi notamment par les observateurs allemands. C'est donc une opportunité. »
-Ceci dit, c'est quand même un pari risqué parce qu'il n'est pas toujours facile de sortir du championnat tchèque...
« Non, je reste très positif. Un joueur a ici l'opportunité de jouer et ainsi, il a toutes les chances d'être remarqué. Je sais que même certains clubs français viennent aussi en République tchèque pour observer certaines équipes. »
-Conseillez-vous à d'autres joueurs français d'aller en République tchèque ?
« Le but n'est pas non plus d'amener trop de joueurs ici. Ca se fait de manière précise, selon les cas. Sinon, quand un joueur est bon en France, il peut y rester et ensuite peut-être aller dans un grand club étranger. La République tchèque, c'est vraiment pour un joueur qui coince à un moment donné. C'est un pays qui lui redonne une chance de faire une carrière de footballeur. »
-Comment expliquez-vous qu'un joueur comme Mickaël Tavares, qui n'était pas titulaire à Tours en Ligue 2, parvienne à s'imposer dans un club comme le Slavia Prague ? Parce que le Slavia, ce n'est certes pas le top niveau européen, mais le club vient quand même d'éliminer l'Ajax Amsterdam et de se qualifier pour la Ligue des champions. C'est une sacrée différence de niveau, non ?
« Il y a une chose importante : la France a énormément de joueurs de qualité et les entraîneurs ont des difficultés à faire un choix. Ils peuvent prendre le joueur A ou le joueur B, et quel que soit le choix, ça peut faire une bonne équipe. Ce qui veut dire que quand on est dans les plans du coach, on réussit dans le club, et sinon, ça ne veut pas dire qu'on est un mauvais joueur mais que le coach ne nous a pas choisi, tout simplement. La France a beaucoup de joueurs aux qualités individuelles énormes, mais tous ne peuvent pas s'exprimer. C'est pour cette raison qu'il faut leur trouver d'autres championnats. »
-Vous êtes à l'origine des venues, entre autres, de Sylvestre au Sparta et de Tavares au Slavia Prague. Cette saison, sept joueurs français figurent dans les effectifs des clubs tchèques, soit un chiffre relativement important. Quel est l'intérêt pour les clubs tchèques ?
« Je pense que l'intérêt pour les clubs tchèques est d'apporter une autre manière de jouer. A partir du moment où les Français jouent et s'intègrent, ils sont très bien vus par le reste de l'effectif et le staff. Il n'y aucun problème de ce côté-là. Au Slavia, notamment, puisque le coach (Karel Jarolim, ancien assistant d'Ivan Hasek à Strasbourg, ndlr) est francophone. L'intégration se passe donc naturellement. »
-Ne trouvez-vous pas un peu paradoxal que les clubs français et d'Europe de l'Ouest viennent faire leur marché dans des pays comme la République tchèque, et qu'inversement des joueurs français viennent en République tchèque ?
« Non, c'est simplement quelque chose qui existe. Les meilleurs Tchèques sont effectivement dans tous les grands pays européens. Mais les joueurs français viennent en République tchèque uniquement pour « faire du match ». C'est ce qui leur permet de grandir et qu'on essaie de travailler sur douze à dix-huit mois pour ensuite rebondir ailleurs. »
-Vous dîtes que vous êtes là pour conseiller les joueurs. Quelle est leur réaction lorsque vous leur parlez de la République tchèque ? On peut supposer que c'est un pays qu'ils ne connaissent pas bien, et au niveau financier, ce n'est pas non plus la destination la plus intéressante. Peut-être vaut-il mieux donc jouer en Ligue 2 ou en National (équivalent de la 3e division) en France plutôt qu'en première division tchèque ?
« Effectivement, financièrement... Mais il vaut quand même mieux jouer en première division tchèque qu'en National en France. Il y a quand même une différence de niveau. Et puis les joueurs ont aussi l'opportunité de disputer les coupes d'Europe, ce qui leur donne une expérience supplémentaire. Ils font donc un choix sportif en venant ici et non pas financier. Sinon, effectivement, on pourrait les envoyer par exemple en Ecosse pour gagner un peu d'argent, mais ce n'est pas forcément là-bas qu'ils feront une carrière. En République tchèque, je pense qu'ils construisent une carrière de manière un peu plus réfléchie en s'efforçant d'attraper le haut niveau. »