L'anniversaire du 21 août 1968 vu par la presse
Le 21 août, 39 ans se sont écoulés depuis l'écrasement du fameux Printemps de Prague par les chars soviétiques qui a marqué le début de l'occupation de la Tchécoslovaquie. Ce n'est pas un chiffre rond, mais cet anniversaire a tout de même donné lieu, comme d'ailleurs chaque année, à toute une série de rappels, de commentaires et de réflexions dans la presse tchèque, liés à cet événement qui a plongé le pays dans un marasme qui a duré plus de vingt ans. Milan Fendrych s'interroge à cette occasion, dans les pages de l'hebdomadaire Tyden, sur certains aspects du chemin que le pays a parcouru depuis.
Après cette description brève et juste du climat autour de 1968 et des années de la « normalisation » communiste ultérieure, l'auteur de l'article publié dans un récent numéro de l'hebdomadaire Tyden, signale qu'il n'est presque pas possible de comparer la situation d'alors à celle d'aujourd'hui. « Il n'y a pas de pouvoir extérieur qui nous étreigne », explique-t-il avant de continuer : « Dans cette logique, les tentatives de présenter l'Union européenne comme une sorte de nouvel « occupant » est stupide tout comme est ridicule l'avis selon lequel l'implantation d'un radar américain sur notre territoire représenterait « une nouvelle occupation ». Dorénavant, il n'y a que nous-mêmes qui décidons de nos affaires ».
Mais sommes-nous pleinement un Etat démocratique ? Et tous les citoyens ont-ils les mêmes droits ? Les administrateurs n'abusent-ils pas du pouvoir public qui leur a été confié ? Une réponse à ces questions que le journal pose par la suite, semble difficile. Sur l'exemple de quelques affaires et cas notoirement connus qui n'ont jamais été vraiment éclaircis ou ont abouti à un dénouement vague et peu convainquant, concernant des hommes politiques - dont tout dernièrement le vice-premier ministre Jiri Cunek, aussi bien que des hommes d'affaires - pour ne citer que Radovan Krejcir et Viktor Kozeny (le pirate de Prague), il illustre les manquements du système juridique et démocratique dans le pays.A propos des médias qui fonctionnent bien et qui ont trouvé une juste place dans la société, l'auteur de l'article écrit :
« Les médias se sont très vite émancipés. A l'instar d'autres pays, ils représentent chez nous une grande puissance et - point étonnant - s'en sont donnés à coeur joie, en quête du spectateur, du lecteur et de l'auditeur, pénétrant dans l'intimité des gens. D'un autre côté, ils jouent le rôle qui est le leur, suivant de près le comportement et les actes des hommes politiques, dévoilant et mettant en lumière différentes affaires, dont ils font l'objet. Parfois, ils remplacent la police, découvrent les faiblesses du système ».
Ce qui est pourtant, selon Martin Fendrych, à déplorer, c'est le fait que même si les différents manquements ou défauts sont révélés et dénoncés par les médias, il n'y a pas par la suite, souvent, de réaction ou de solution adéquates. Il cite un exemple : « Il y a des milliers de familles qui n'ont pas pu récupérer les biens ou terres qui leur avaient été confisqués par les autorités communistes. Elles se sont fait alors volées à deux reprises, d'abord sous le communisme et maintenant à nouveau... Et rien ne se passe. Il y a encore un long chemin à parcourir pour parvenir à une démocratie pleine. »
L'article se termine tout de même sur un ton optimiste :
« La démocratie ne fonctionne jamais à 100 %. Nous ne sommes pas des « machines à démocratie », mais des êtres humains. L'important, c'est que 39 ans après le début de l'occupation et 16 ans après le départ des « troupes des armées alliées », nous pouvons construire nous-mêmes, librement, la démocratie. Nous pouvons bâtir des îlots de liberté, comme le faisaient les opposants au régime sous le communisme : défendre la cause des Ukrainiens injustement emprisonnés, poursuivre les « voyous » dans la sphère politique, se battre avec le système bureaucratique. Nous sommes libres de ne pas donner de pots-de-vin, de ne pas rouler comme des fous, de ne pas avoir peur devant les agents de police, les mafiosi et les terroristes ».
A la fin, l'auteur de l'article paru dans les pages du quotidien Tyden conclut que « vivre 39 ans après l'occupation du pays dans un système non totalitaire et pré-démocratique, représente un assez bon progrès, dont il y a lieu de se féliciter.