Les ponts de Prague (2e partie)
Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague - Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha ! A l'occasion du 650e anniversaire du début des travaux de construction du Pont Charles - Karlův most, le plus ancien et le plus célèbre des ponts de Prague, nous avons entamé lors de notre dernière émission une série consacrée à la présentation des dix-sept ponts qui enjambent la Vltava. Pour cela, nous avions donc choisi de remonter le cours de la rivière qui traverse la capitale tchèque et commencé avec le pont de la Course de la Paix - Most Závodu Míru, pour en arriver au pont ferroviaire - Železniční most, aussi appelé par les Pragois pont de Vyšehrad - Vyšehradský most, selon le quartier de la ville dans lequel il est situé. Nous avions ainsi découvert quatre ponts qui nous avaient amené à proximité du centre-ville, le quartier de Vyšehrad pouvant même être considéré comme faisant partie du centre de Prague. Nous allons donc pour cette fois poursuivre notre présentation des origines de tous ces ponts qui contribuent au charme de Prague.
Après le pont de Vyšehrad, quatrième de la liste selon le cours de la Vltava, le cinquième pont de Prague est le pont Palacký - Palackého most, du nom du célèbre historien et homme politique qui a grandement oeuvré pour le renouveau national tchèque au XIXe siècle František Palacký. Celui qui est aussi parfois surnommé le « père de la nation » a notamment été l'auteur d'une oeuvre imposante et ô combien importante intitulée « Histoire de la nation tchèque en Bohême et Moravie », d'abord écrite en allemand puis traduite en tchèque. Tout en contribuant à renforcer le sentiment national de ses compatriotes alors sous la domination des Habsbourg et de Vienne au sein de l'Empire d'Autriche-Hongrie, Palacký était également partisan de l'austroslavisme, une doctrine qui affirmait la fidélité des Slaves aux Habsbourg et réclamait l'égalité complète de toutes les nationalités au sein de l'Empire. Bref, un personnage marquant de l'histoire tchèque, comme en témoigne le fait qu'un pont et une place de Prague portent son nom, mais aussi l'université d'Olomouc, en Moravie, ou encore le billet de 1000 couronnes.
Toutefois, n'oublions pas non plus qu'entre 1940 et 1945, lorsque la Tchécoslovaquie était occupée par les troupes allemandes et que le pays était devenu dès 1939 le Protectorat de Bohême-Moravie, le pont s'est aussi appelé pont Mozart - Mozartův most. A propos du pont Palacký, dont la construction a commencé en 1876, année de la mort de František Palacký, pour être achevé en 1878, notons encore qu'il s'agit du troisième pont le plus ancien conservé à Prague. Il s'agit également d'un pont en pierre long de 229 mètres, qui a été élargi après la Deuxième Guerre mondiale, et dont certains éléments, à l'origine, étaient décorés des trois couleurs panslaves rouge, bleu et blanc qui ont toutefois disparu avec le temps. Enfin, pour l'anecdote, rappelons qu'Albert Einstein, en 1911 et 1912, lorsqu'il était alors professeur à l'université allemande de Prague, a souvent emprunté le pont Palacký, celui-ci se trouvant sur le trajet entre son domicile et l'université.
Le sixième pont, le pont Jirásek - Jiráskův most, est, lui, moins riche en anecdotes. Construit entre 1929 et 1933, ce pont routier en béton armé long de 310 mètres et large de 21 mètres porte le nom de l'un des plus grands écrivains tchèques de l'histoire, Alois Jirásek, auteur, entre autres, de nombreux romans historiques et représentant du courant réaliste. Jirásek aura laissé aux Tchèques une oeuvre abondamment riche, puisque pendant environ un demi-siècle, entre les années soixante-dix du XIXe siècle et les années vingt du XXe siècle, il n'a jamais cessé d'écrire. Quant au pont, il relie le quartier de Smíchovà la Nouvelle Ville et à la place Jirásek, où se trouve la fameuse Maison dansante - Tančící dům, l'un des bâtiments les plus marquants de Prague en matière d'architecture contemporaine.
Septième pont de Prague : le pont des Légions - most Legií, ainsi baptisé d'après les légionnaires tchécoslovaques, qui, durant la Première Guerre mondiale, ont principalement combattu en France, en Italie, en Russie, mais aussi dans d'autres pays. Plus précisément, il s'agissait des unités des armées tchécoslovaques étrangères. On estime qu'en 1918, à la fin de la guerre, le nombre total des soldats tchécoslovaques s'élevait à 100 000, tous des volontaires qui ont grandement contribué à la victoire de la Triple Entente et à la création de la Première République tchécoslovaque, la Tchécoslovaquie étant alors reconnue par les pays alliés comme une des puissances ayant contribué à gagner la guerre.
Ce pont routier long de 345 mètres relie l'Avenue nationale - Národní třída, au bout de laquelle se trouve le Théátre national - Národní divadlo, à l'un des plus beaux quartiers de Prague, Malá strana, traduit comme « Petit côté » en français. Le pont actuel en pierre a été construit entre 1898 et 1901, et son ouverture s'est faite en présence de François-Joseph 1er - František Josef I., empereur d'Autriche et roi de Hongrie. A l'origine, en effet, et jusqu'en 1919, le pont a porté le nom d'un autre empereur de la lignée des Habsbourg pour s'appeler pont François 1er - most císaře Františka I.. Mais avant le pont en pierre se trouvait au même endroit un autre pont, à chaînes, lui, construit entre 1839 et 1841 et qui est resté en service jusqu'en 1898. Lui aussi s'appelait déjà pont François 1er.
Mais pour en revenir au pont des Légions, notons encore qu'il ne s'est pas toujours appelé ainsi, puisque, entre 1940 et 1945, il a porté le nom du célèbre compositeur Bedřich Smetana pour devenir Smetanův most - pont Smetana, avant d'être rebaptisé pont des Légions entre 1945 et 1960, année où les responsables communistes en ont fait jusqu'en 1990 le pont du 1er mai - most 1. máje, en référence à la fête internationale du travail. Finalement, après la révolution, le pont a retrouvé son appellation qui est toujours la sienne aujourd'hui, le pont des Légions - most Legií. Enfin, dernière anecdote, ceux qui connaissent un peu Prague auront noté que deux tours se trouvent à chaque extrémité du pont, et ce parce qu'au début de son existence, un péage était perçu à son entrée. Aujourd'hui, bien entendu, les Pragois le traversent gratuitement.
C'est donc avec le pont des Légions, le dernier avant d'arriver au Pont Charles, que se referme ce « Tchèque du bout de la langue » et pour cette fois la présentation des dix-sept ponts de Prague. Nous poursuivrons notre recherche dès la semaine prochaine, mais en attendant portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj !