Presse : la crise du logement annonce-t-elle une révolte en Tchéquie ?
Cette nouvelle revue de presse se penche d’abord sur les différents aspects et retombées de la crise du logement en Tchéquie. Elle porte ensuite un regard sur la Coupe du monde de football au Qatar. Elle s’intéresse également à la controverse autour du projet d’un nouveau pont à Prague et aux préférences des Pragois liées à l’architecture. Le débat sur le bien-fondé de l’élection présidentielle au suffrage universel direct est le dernier sujet traité.
L’inflation et le taux de 6% des crédits hypothécaires ont mis fin à l’idée répandue en Tchéquie selon laquelle toute personne devait posséder tôt ou tard un bien immobilier, un appartement ou une maison. Une illusion étrange nourrie par le boom hypothécaire survenu à partir de l’an 2000 et à laquelle aucune autre nation en Europe ne semble avoir à un tel point sucombée. C’est ce dont fait part un texte mis en ligne sur le site aktualne.cz qui analyse la crise du logement en Tchéquie :
« Les prix des biens immobiliers sont actuellement extrêmement élevés en Tchéquie. Il faut économiser quelque 15 salaires annuels moyens pour s’en acheter un, un record à l’échelle européenne. Evidemment, c’est la location, longtemps détestée et sous-estimée, qui va être désormais favorisée. Mais celle-ci devient également peu accessible, faute de logements disponibles et de son prix qui n’a de cesse d’augmenter. »
Ce sont les représentants politiques qui sont, selon le chroniqueur, responsables de cette situation désespérée, car pendant de longues années ils ont prétendu que le marché allait tout résoudre. Leur populisme, comme il l’indique, a un impact sur eux-mêmes ainsi que sur l’ensemble de la société :
« Si la Tchéquie veut éviter des protestations massives des jeunes familles et des personnes d’un certain âge qui font souvent face à des situations sans issue, l’Etat devra trouver promptement des solutions à un problème grave qu’il a systématiquement ignoré. L’adoption de lois relatives au logement social et accessible, l’accélération de la construction de logements neufs et un soutien public massif au locatif en étant des éléments indispensables. »
Cette hypocrisie qui accompagne la Coupe du monde de football au Qatar
En lien avec la Coupe du monde de football au Qatar, l’éditorialiste du quotidien Hospodářské noviny a mis en relief ce qu’il appelle « l’hypocritie occidentale ». Il a écrit :
« Certes, du point de vue des démocraties occidentales et des principes d’une société libérale, beaucoup de choses sont à dénoncer au Qatar. Les analyses et les commentaires critiques dans les médias ainsi que les indignations exprimées par des ONG face à la situation politique du pays hôte se multiplient. Une chose est pourtant indiscutable. C’est qu’à l’heure actuelle, il serait difficile de trouver un pays irréprochable qui soit à même d’organiser un tel événement monstre et coûteux. »
L’éditorialiste du journal économique rappelle que la Coupe du monde de football s'est déroulée, en Russie, quatre ans après l’agression russe contre le Donbass sans pour autant avoir provoqué une quelconque indignation chez les ONG occidentales. Il évoque également la tenue des Jeux olympiques d’hiver en Chine, « dans des conditions politiques à la lumière desquelles les organisateurs qataris font figure d’authentiques démocrates». Il en déduit :
« Le temps semble être venu d’admettre qu’au cœur d’événements comme les JO ou les coupes du monde de fotball qui sont suivis par le monde entier, figure avant tout le business, le rôle du sport n’étant que tout à fait secondaire. Une telle approche permettra de porter sur les matches qui sont disputés au Qatar un regard plus allégé. »
La controverse autour du projet d’un nouveau pont à Prague
« Prague va perdre sa dominante historique et son panorama ne sera plus comme avant », rapporte le chroniqueur de l’hebdomadaire Respekt avant d’expliquer :
« L’Administration des chemins de fer a rendu public le projet d’un nouveau pont ferroviaire situé sous la colline de Vyšehrad qui doit remplacer d’ici 2027 celui qui avait été bâti en 1901 et qui fait partie du patrimoine technique. Ce dernier sera déplacé à un autre emplacement non-spécifié. Se voulant être une copie de cette construction historique de 216 mètres de long, le nouveau pont sera pourtant tout à fait différent : il s’élèvera d’environ un mètre et au lieu de deux rangées de rails, il en comptera trois. Le charme de l’acier cèdera à la froideur du béton. En outre, un nouvel arrêt de tram envisagé à son pied modifiera le caractère du quai sous Vyšehrad. »
La construction, dont le coût est estimé à deux milliards de couronnes, doit débuter en 2026 pour s’étendre sur environ vingt mois. Ce long délai pourtant, comme le précise le chroniqueur de Respekt, ne constitue pas le point le plus déplorable du projet :
« Ce qui est déplorable, c’est le fait que même à notre époque de technologies ultrasophistiquées qui permettent d’adapter des édifices historiques aux défis de l’époque, nous n’arrivons pas à protéger l’héritage de nos ancêtres. D’un autre côté, 2026 est une date éloignée. On peut alors s’attendre à ce que la publication du projet sorti vainqueur d’un concours d’architecture soulève un tollé de protestations, et pas seulement de la part des habitants de Prague. »
La Maison dansante, œuvre architecturale préférée des Tchèques
Toujours à propos de l’architecture, le journal en ligne Forum24.cz a fait part des résultats préliminaires de l’enquête intitulée Les Perles de Tchéquie qu’il avait lancée pour choisir les meilleures constructions réalisées dans le pays depuis 1993. L’occasion pour lui de constater que « les Tchèques s’y reconnaissent bien et font preuve de bon goût » :
« C’est la Maison dansante (Tančící dům) situé sur les quais de la rive droite de la Vltava qui est à ce jour plébiscitée tant et si bien qu’elle ne saura être dépassée par une autre bâtiment. Elle a été réalisée dans les années 1990 par l’architecte tchèque d’origine croate Vlado Milunič et l’architecte américano-canadien Frank Gehry. Dès lors elle est devenue plus qu’un simple édifice. C’est un immeuble culte iconique qui a permis à l’architecture pragoise d’être remarquée au niveau international. »
Le journal indique que parmi beaucoup d’autres bijoux d’architecture auxquels les participants à l’enquête donnent leurs voix figurent la bibliothèque nationale de l’architecte défunt Jan Kaplický, et ce même alors qu’elle n’a pas a pas été finalement réalisée. « Elle a fortement influencé la culture tchèque, car elle a donné le coup d’envoi à un débat sur l’architecture contemporaine jamais vu auparavant en Tchéquie. On en parle et on continuera d’en parler », explique-t-il.
Dénoncer ou soutenir l’élection présidentielle au suffrage direct ?
Le chroniqueur du site Seznam Zprávy a pris la défense de l’élection présidentielle au suffrage universel direct qui fait à l’heure actuelle l’objet de nombreuses critiques voire de dénigrement. Une institution qui a été introduite en Tchéquie il y a dix ans de cela et qui a valu deux mandats au président sortant Miloš Zeman dont le départ est prévu pour le mois de janvier prochain :
« Alors que la campagne présidentielle démarre de plein fouet, nous sommes les témoins d’un phénomène étrange. Presque chaque jour nous voyons émerger des lamentations de la part d’un politicien, d’un expert en sciences sociales ou d’un autre glossateur en lien avec l’existence de ce plébiscite présidentiel en Tchéquie. Pour certains, l’introduction du suffrage direct représente même la plus grande erreur systémique commise dans le pays depuis 1989. Dans l’espace public, il n’y a pratiquement pas de voix, toutes orientations confondues, prête à s’exprimer en sa faveur. »
Le chroniqueur du site Seznam Zprávy rappelle que 21 Etats européens y compris plusieurs pays postcommunistes persévèrent dans « cette faute fatale », un constat que les critiques de cette façon d’élire un président ne prennent pas en considération. Dans son texte il refuse également l’argument qui prétend que l’élection présidentielle au suffrage direct est probablement la principale cause du clivage de la société depuis ces dix dernières années :
« Ce clivage a commencé et s’est approfondi beaucoup plus tôt. Déjà la première grande crise politique après la chute du cabinet de Václav Klaus en 1997 a creusé de profonds fossés au sein dans la société. »