Faut-il ériger un monument aux gardes-frontière ?
Avec l'entrée des pays centre-européens dans l'espace Schengen les frontières entre ces pays cesseront pratiquement d'exister. Cette nouvelle situation a inspiré au Club des régions frontalières tchèque l'idée d'ériger un monument aux gardes-frontière, profession qui sera désormais reléguée au passé. Cette initiative a déclanché, cependant, les protestations de ceux qui ne sont pas prêts d'oublier le rôle que les gardes-frontière avaient joué sous le régime totalitaire.
Selon cette initiative controversée le monument pourrait être érigé dans une commune de la région de Domazlice dans le Sud-Ouest du pays. Les communes de Susice et de Volary ont déjà rejeté ce projet et dans la commune de Pobezovice l'initiative fera l'objet d'un débat au niveau municipal. L'idée est née dans le Club des régions frontalières qui compte parmi ses membres entre autres d'anciens garde-frontières. Frantisek Polak de ce club se fait le défenseur de cette initiative :
« Je crois que les gens qui faisaient partie de ces unités ont sacrifié les meilleures années de leur vie à cette république et à ses citoyens. Ils ne méritent donc pas le mépris, parce qu'ils remplissaient les devoirs imposée par la loi. Un garde-frontière n'avait pas la possibilité de décider s'il s'agissait d'un criminel ou d'un innocent. Et la loi ne pouvait pas non plus définir ses tâches de cette façon. Et si l'Assemblée nationale a décidé que le garde-frontière devait empêcher les passages clandestins des frontières, il ne faisait donc que remplir son devoir. » Des centaines de personnes sont mortes lors des tentatives de franchir clandestinement la frontière dans les fils barbelés ou ont été fusillées par des gardes-frontière. Mais il y a eu des morts aussi parmi les gardes. La situation a été la plus dramatique à partir de 1953 lorsqu'on a commencé à installer aux frontières les barbelés électrifiés selon une méthode soviétique qui allaient tuer beaucoup de fugitifs. Selon l'historien Petr Blazek, on ne peut pas accepter l'argumentation du Club des régions frontalières, car c'est une tentative de falsifier l'histoire. La responsabilité des vies humaines retombe sur les organes du Parti communiste mais aussi, entre autres, sur les unités des gardes-frontière.« On peut dire que certaines interventions des gardes-frontière ont dépassé par leur sévérité les stipulations des lois de l'époque. Ces interventions ont ensuite fait l'objet de procédures judiciaires, mais, faute de preuves, de nombreux inculpés ont bénéficié de « non-lieux ». Souvent, on n'arrivait pas, après tant d'années, à réunir les preuves nécessaires, les projectiles etc., et les inculpés cherchaient à effacer les traces de leurs crimes, falsifiaient les procès-verbaux, etc. »On tendait aux fugitifs aussi des pièges sous la forme de frontières simulées. Les personnes qui voulaient fuir le régime totalitaire se sont parfois laissées berner par des passeurs qui travaillaient en réalité pour la StB, police politique communiste. Pour les prendre en flagrant délit on créait parfois une simulation de la zone frontalière. Les fugitifs arrivant à ce simulacre de frontière et se croyant déjà au seuil de la liberté, tombaient entre les mains des gardes-frontière qui les y attendaient. Dans de tels cas leurs perspectives étaient sinistres : des interrogatoires sévères et de longues années en prison.