Au cœur de la région historique de Chodsko, Domažlice et sa tour penchée

Domažlice

Pourquoi se rendre à Domažlice, une commune de 11 000 habitants située dans le sud-ouest de la Tchéquie, à la frontière avec la Bavière ? Pour se promener sur la magnifique place aux maisons anciennes à arcades, admirer celle-ci depuis le sommet de la tour ronde de l’église qui s’incline de 59 cm, mais surtout pour découvrir l’histoire, le folklore et les attraits touristiques de la région de Chodsko qui cultive ses traditions depuis le XIIIe siècle. Même si elle reste très proche de l’Allemagne voisine, on y trouve aussi des traces françaises ! 

Musée de Jindřich Jindřich | Photo: Magdalena Hrozínková,  Radio Prague Int.

Avec Josef Nejdl, nous poussons la porte du musée de Domažlice, dont une partie est consacrée au compositeur, pianiste et ethnographe Jindřich Jindřich, plus précisément à son impressionnante collection de plus de 9 000 objets liés à l’histoire et la culture de la région.

« En Tchéquie, peu de gens connaissent Jindřich Jindřich. Il n’a pas vraiment percé comme compositeur, mais c’est en effet une personnalité très importante pour la région de Domažlice, dont il était originaire. Nous avons ici tout ce qu’il a rassemblé pendant sa vie : des objets anciens, des costumes traditionnels, de la céramique, des meubles peints… Mais ce n’est pas tout. Avec son ami, le prêtre et écrivain Jindřich Šimon Baar, ils ont recueilli près de 2 500 textes de chansons populaires et 1 500 mélodies. Dans le musée, on peut en écouter quelques-unes. Je pense que peut-être 80% de ces chansons vivent encore leur propre vie : elles sont interprétées par des ensembles de musique folkloriques, chantées dans les auberges, dans les bals et lors des festivités. »

Musée de Jindřich Jindřich | Photo: Magdalena Hrozínková,  Radio Prague Int.
Peinture sous verre | Photo: Magdalena Hrozínková,  Radio Prague Int.

« Grâce à Jindřich Jindřich et à son beau-frère allemand, nous avons une autre particularité : l’une des plus grandes collections de peintures sous verre en Europe. Il s’agit d’une image peinte directement sur une face de la vitre et dont le résultat se regarde sur l’autre face. C’est un art répandu ici dans les XVIIIe et XIXe siècles. Pour gagner un peu plus d’argent, les verriers locaux ramenaient chez eux des plaques de verre de mauvaise qualité qui n’étaient plus utilisé dans les verreries et y peignaient des images, souvent aux motifs religieux, mais aussi inspirés de la nature. Un artiste local utilisait la technique du verre églomisé qui consiste à fixer une mince feuille d’argent ou d’or sous le verre. Le dessin est ensuite gravé dans cette feuille. »

Le musée de Domažlice expose non seulement des œuvres d’art et des objets originaux provenant de la région, mais il se consacre aussi à l’évolution de l’art populaire, de sa « seconde vie » au XXe siècle.

Musée de Jindřich Jindřich | Photo: Magdalena Hrozínková,  Radio Prague Int.

Comme l’explique Josef Nejdl, la céramique de Chodsko, de couleurs foncées avec des motifs floraux et qui était très en vogue dans la Tchécoslovaquie communiste, n’était qu’une réplique de l’art traditionnel, fabriquée en série dans des usines. Que reste-t-il alors aujourd’hui des traditions de Chodsko, mis à part la musique ?

« Si vous voulez voir ou acheter de la céramique originale, il faut se rendre au village de Koloveč, situé à quinze kilomètres de Domažlice. Là-bas, elle est fabriquée de la même manière qu’au XVIIIe siècle. Sinon, nous parlons toujours avec un certain dialecte, nous disons par exemple ‘copa’ et ‘depa’ au lieu de copak et kdepak. Et dans notre prononciation, le ‘e’ est très ouvert.

Musée de Jindřich Jindřich | Photo: Magdalena Hrozínková,  Radio Prague Int.

« En ce qui concerne les spécialités culinaires, c’est un peu plus compliqué. Vous pouvez certes acheter à Domažlice notre gâteau traditionnel au fromage blanc, au pavot et à la confiture de prunes, le ‘chodský koláč’, mais les autres plats locaux sont préparés et consommés en famille, vous ne les trouverez pas sur les menus des restaurants. Il s’agit par exemple du ‘toč’ qui est une spécialité typique de la région préparée des deux côtés de la frontière tchéco-bavaroise. Toutefois, j’ai rassemblé une vingtaine de recettes différentes de ‘toč’ : c’est une sorte de galette ou de gâteau à base de pommes de terre. Un ‘toč’ peut être salé ou sucré et chaque famille le prépare un peu à sa manière.»

Photo: Magdalena Hrozínková,  Radio Prague Int.

Que faire à Domažlice, après avoir visité le musée ? Il faut sûrement monter à la tour ronde de l’église. Construite en style gothique au XIVe siècle, elle faisait à l’origine partie des remparts et constituait un élément défensif de la ville. La tour mesure environ 56 mètres de haut et pour accéder au sommet, il faut gravir 194 marches. Nous l’avons déjà dit : depuis sa construction, elle s’incline de 59 centimètres et fait partie des six tours penchées en Tchéquie : d’autres se trouvent à Ústí nad Labem, à Prague ou encore à Přibyslav.

Depuis la tour, nous avons une vue magnifique sur la place rectangulaire de Domažlice, avec de très belles maisons anciennes qui ont conservé des éléments d’architecture gothique, Renaissance et baroque. Domažlice est également l’une des rares villes en Tchéquie dont le centre historique dispose de galeries voûtées qui, jadis, servaient aux commerçants.

Domažlice | Photo: Magdalena Hrozínková,  Radio Prague Int.
Čerchov | Photo: Dominik Jůn,  Radio Prague Int.

Aujourd’hui, Domažlice est une ville plaisante et agréable qui invite, comme le remarque Josef Nejdl, à la découverte de toute la région de Chodsko, notamment des villages d’Újezd et de Klenčí pod Čerchovem, liés à l’histoire des Chods, sans oublier l’ascension sur Čerchov qui est, avec ses 1 042 mètres d’altitude, le plus haut sommet de la Forêt tchèque et de la région de Domažlice. Si sa tour d’observation et les magnifiques vues qu’elle offre attirent les touristes de Bohême et de Bavière depuis le début du XXe siècle, les Tchèques n’y ont pas toujours eu accès. Tout d’abord, la montagne a été occupée dès 1938 par l’armée nazie, comme l’explique Josef Nejdl :

Josef Nejdl | Photo: Magdalena Hrozínková,  Radio Prague Int.

« La spécificité de Chodsko tient au fait que même s’il s’agit d’une région frontalière, ses habitants étaient majoritairement tchèques. La population des deux côtés de la frontière tchéco-bavaroise a cohabité sans problème pendant près de 1 500 ans, ils étaient tous des paysans. Or, après les accords de Munich, la région a été coupée en deux : Domažlice appartenait au Protectorat de Bohême-Moravie, tandis que le reste de la région de Chodsko a été rattachée à l’Allemagne nazie. »

Chaque année, des grandes Festivités de Chodsko rappellent le pèlerinage qui s’était déroulé à Vavřineček, près de Domažlice, le 13 août 1939, en présence de 120 000 personnes qui ont ainsi protesté contre l’occupation du pays par les nazis.

Festivités de Chodsko | Photo: ČRo

Chodsko a été coupé du reste de la Tchéquie sous le communisme. « Quand le rideau de fer est tombé, Domažlice et le village touristique de Babylon, situé à 8 kilomètres à l’ouest de la ville, représentaient, pour les Tchèques, le bout du monde », explique Josef Nejdl. La zone frontalière, où se trouvait aussi la montagne de Čerchov, était inaccessible et hautement surveillée par l’armée et ceci jusqu’à la chute du régime communiste en 1989.

Tableau de Karel Špillar | Photo: Magdalena Hrozínková,  Radio Prague Int.

Retour, à la fin de ce reportage, sur les traces françaises et francophones à Domažlice, jumelée avec la commune de Ludres, près de Nancy : au musée de la ville se trouve non seulement une crèche de Noël en céramique qui a reçu un prix à Paris en 1925, mais également une galerie de peintures des frères Špillar originaires de Chodsko. L’un des frères, Karel Špillar, a séjourné au début du XXe siècle à Paris, en Bretagne et en Normandie et ses tableaux de cette période française y sont exposés.

Des prisonnières françaises de Holýšov | Photo: Dům dějin Holýšovska

Rappelons également la participation de soldats belges, rattachés à la Troisième armée américaine du général George Patton, à la libération de la Bohême de l’Ouest en mai 1945 et plus particulièrement de la commune de Holýšov, située entre Domažlice et Plzeň, où étaient détenus dans des camps de travail nazis, des prisonnières et prisonniers français.

Postřekov | Photo: Radio Prague Int.

Enfin, les historiens évoquent plusieurs passages des soldats français par la région de Chodsko au cours des XVIIIe et XIXe siècles. Dans le village de Postřekov notamment, des noms de familles français parfois ‘tchéquisés’ comme Fuček, Merz, Fencizin ou Durand ont même été identifiés.

Rendez-vous à Domažlice du 9 au 11 août 2024 pour la 70e édition des Festivités de Chodsko (Chodské slavnosti) !

Galerie des frères Špillar | Photo: Magdalena Hrozínková,  Radio Prague Int.
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