Une visite au Musée du communisme

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Notre ballade touristique de cette semaine entre dans le cadre des célébrations du 17e anniversaire de la Révolution de velours. Nous ferons un petit tour dans le passé, au Musée du communisme de Prague.

A deux pas de la place Wenceslas, sur Na Prikope, l'une des principales artères commercantes de Prague, s'est installé en 2001 un musée du Communisme qui, à l'époque, a fait beaucoup parlé de lui. Cinq ans plus tard, s'il ne déchaîne plus les passions, il suscite encore des avis très divergents. De prime abord, le lieu ne laisse pas de surprendre. En effet, le promeneur distrait n'imaginera jamais qu'un musée du communisme se cache dans le majestueux palais Savarin qui, non content d'etre le voisin immédiat d'une célèbre enseigne de restauration rapide, abrite un ...casino. Seul un discret panneau annonce qu'un musée du communisme s'est égaré, au premier étage du bâtiment, entre ces deux ultimes symboles du capitalisme. Le communisme semble s'inviter au paradis du dollar, et le passage à la caisse du musée, dont le prix d'entrée n'est pas à la portée de toutes les bourses, n'est pas en mesure d'atténuer cette impression. D'autant plus que la caisse est aussi une boutique qui, des affiches de propagande aux tee-shirts, hisse l'art du recyclage à son paroxysme.

Cependant, il ne s'agit pas de l'un de ces pseudo-musées attrape-touristes qui font florès dans toutes les villes touristiques, à commencer par Prague. Résultat de l'initiative privée du businessman Glenn Spicker, Américain originaire du Connecticut, diplômé de science politique, et de son amie tchèque Jana Kappelerova, le musée rassemble des objets originaux qui évoquent le communisme tchécoslovaque selon le double point de vue de la vie quotidienne et de l'histoire. La muséographie, concue par Jan Kaplan, réalisateur de documentaires, s'appuyant sur des textes rédigés par un professeur retraité de l'Université Charles, est intelligemment organisée autour du triptyque rêve, réalité et cauchemar.

Accueilli par les statues de Lénine et de Marx, le visiteur est gratifié d'un bref rappel historique, dominé par la figure tutélaire de Klement Gottwald. Puis des documents sur l'école, sur les performances sportives (en particulier les exploits d'Emile Zapotek) et scientifiques évoquent le rêve communiste de l'avènement d'un nouveau type d'homme. Ce n'est qu'ensuite que l'on plonge graduellement dans le cauchemar avec, en premier lieu, les problèmes économiques et environnementaux. On y apprend par exemple que les habitants de la Bohême du Nord - transformé en gigantesque complexe industriel par le régime communiste - ont gagné cinq ans d'espérance de vie depuis 1989, ou encore qu'un ingénieux système de monnaie parallèle permettait d'organiser quasi-officiellement le marché noir.

La statue de Staline sur la colline de Letna
La réalité du communisme est aussi inscrite dans les évolutions de la ville de Prague, de la construction des océans de panelaky au délabrement de la vieille ville. L'exposition relate en détail un épisode rocambolesque : les péripéties de la gigantesque statue de Staline (30 metres de haut avec le socle) édifiée peu après la mort du maitre du Kremlin sur la colline de Letna par le sculpteur Otakar Svec, qui se suicida 3 semaines avant l'inauguration de son oeuvre le 1er mai 1955. La statue ne survécut pas longtemps au rapport Khrouchtchev de 1956 et à la déstanilisation subséquente : elle fut dynamitée en 1962. Ironie du sort, Brejnev prenant le pouvoir l'année suivante, les autorités pragoises regrettèrent leur geste...

Staline et Klement Gottwald
Après l'évocation de la propagande anti-occidentale, si délicieusement décalée, l'exposition s'attache à décrire le caractère répressif du régime. C'est dans le cadre d'une salle d'interrogatoire spécialement reconstituée que sont évoquées les persécutions politiques, qui ont entraîné la mort de 178 personnes. Le climat de délation est particulièrement bien décrit. De plus, un film, réalisé à l'aide d'images d'archive, retrace 50 ans de résistance et de répression, jusqu'à la Révolution dite de Velours qui, au vu des images, ne fut pas totalement exempte de violence. La fin de l'exposition est consacrée à l'opposition démocratique et à la chute du régime. Elle montre en particulier le rôle de Radio Liberté, qui émettait de Munich des programmes échappant à la censure à destination des pays de l'autre côté du rideau de fer.

Le musée du communisme offre une bonne introduction, quoique peu fouillée, à cette période de l'histoire qu'on ne peut laisser tomber dans l'oubli. Il rappelle, en particulier aux jeunes générations, à quel point l'histoire peut être tragique. S'il faut saluer cet objectif, en soi salutaire, il est toutefois permis de douter que l'histoire se laisse mieux enfermé dans un musée que dans des livres. L'omiprésence de l'image, qui interdit tout recul et ne stimule guère la réflexion, ainsi que l'aspect souvent manichéen et délibérément orienté de la présentation des événements, peuvent mettre mal à l'aise. Entre travail de mémoire à caractère scientifique et caricatural « Communism's » land à visée ludique, le musée du Communisme hésite ; de fait, il est les deux à la fois.

Auteur: Adelin Royer
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