Jiri Rajlich

Jiri Rajlich, photo: Eva Kalivodova
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A quarantaine à peine passée spécialiste de l'histoire militaire et de l'aviation, Jiri Rajlich (né en décembre 1964 à Prague), est pourtant auteur et coauteur de plus de trente monographies publiées en République tchèque et à l'étranger. Il a également publié plusieurs centaines d'articles et d'études. Ses ouvrages touchent surtout l'histoire de l'aviation tchécoslovaque et de la guerre aérienne en Europe. Ses recherches minutieuses émanent d'études comparatives détaillées d'enregistrements classés aux archives tchèques, britanniques, françaises, hollandaises, belges, russes et allemandes, ainsi que d'entretiens directs avec des centaines de témoins de l'époque, du monde entier. Jiri Rajlich est responsable du service de documentation historique à l'Institut historique militaire, président du conseil de rédaction de la revue trimestrielle Histoire et art militaire et membre du conseil de rédaction de la revue mensuelle l'Aviation et la cosmonautique. Prix Miroslav Ivanov 2003, il est décoré de la Croix du mérite du ministère de la Défense du IIe et IIIe degré et membre de l'équipe de l'Institut historique militaire décoré par le prix national, Gloria musealis 2002 et 2003. L'historien est marié et père d'Amalka, une petite fille de trois ans. J'ai demandé à Jiri Rajlich, qui vient juste de rentrer d'Angleterre où il était en mission, de nous parler de sa vie privée et professionnelle.

Je suis né à Mala Strana, un quartier que j'aime de tout mon coeur. Prague, c'est mon destin, je ne pourrais pas vivre ailleurs. J'ai essayé, mais je ne peux pas, c'est une malédiction perpétuelle ! La mère de Jiri Rajlich, une femme très aimable, travaillait dans un centre informatique. C'est elle qui portait la culotte au foyer car le père, graphiste, peintre et finalement pompier, était plutôt du genre bohème. Les parents sont décédés relativement jeunes. Jiri passait les vacances avec sa soeur cadette chez ses grands-parents, au village Nova Bohyne, près de Decin, ville de Bohême du nord. Son grand-père lui a appris à s'occuper des animaux, connaître les champignons et aussi comment faire pour attraper les vipères. Faculté qu'il maîtrise jusqu'à présent. Jeune, il était très sportif.

Oui, j'étais un grand sportif. Je faisais même de la compétition en athlétisme. A seize ans, j'étais champion de la Tchécoslovaquie aux 400 mètres. Mais, après, j'ai découvert les femmes, la bière et j'ai arrêté le sport. Par contre, je suis resté fidèle à l'histoire, domaine qui m'intéressait depuis toujours. J'ai fait mes études secondaires à l'école industrielle des arts graphiques, à Prague, pour avoir un métier pratique, comme disait ma maman. Pour être sincère, je faisais souvent l'école buissonnière pour aller aux archives, dont j'ai découvert le charme à quinze ans. Je me suis concentré surtout sur l'histoire de l'art militaire et de l'aviation. Au fil du temps, j'ai éliminé les autres marottes, comme la philatélie et la construction de modèles réduits d'avions. J'ai commencé à publier des petits articles à seize ans, mais en 1989, lorsque la situation politique changea, j'avais déjà un dossier bien épais dans mon tiroir, suffisant pour sortir plusieurs livres. J'ai commencé à travailler à l'Institut historique militaire en 1991. Mais avant, j'ai travaillé pendant quatre ans à l'Imprimerie nationale des billets de banques, près de la place Venceslas. Au cours de ces années j'ai réussit à finir deux volumes. Sinon, à l'imprimerie je faisais un peu de tout : typographe, relieur et pendant quatre ans économe, un travail très ennuyeux.

En 1984, Jiri Rajlich part au service militaire avec peu d'enthousiasme. A sa grande joie, au bout d'un certain temps, il est réformé pour raisons de santé. A l'époque, il pense qu'il n'aura plus jamais à faire à l'armée. Pourtant, depuis quinze ans déjà, il travaille à l'Institut militaire historique, et il aime beaucoup son travail qui est aussi sa marotte. L'historien n'a donc jamais été militaire de carrière, mais il y a un petit mais car presque tous les garçons rêvent d'aventures.

Mais oui, quand j'ai été très jeune je voulais devenir pilote, ce qui va de paire avec une carrière de militaire, mais quelqu'un de raisonnable m'en a dissuadé et il a bien fait. Je ne suis pas du genre à respecter la discipline militaire, pourtant ici, je dois tout de même le faire d'une certaine façon. Pour en revenir aux vols : lorsque j'avais 15, 16 ans je suivais des cours de pilotage. J'ai arrêté parce que cela me prenait trop de temps. Je préférais me consacrer à l'histoire. Me rendre aux archives pour me plonger dans les vieux dossiers était pour moi un vrai délice.

L'historien a contacté un grand nombre de pilotes tchécoslovaques de la Deuxième Guerre mondiale. Il a beaucoup parlé avec eux et les considère d'un point de vue différent.

Généralement, on s'imagine des hommes extraordinaires dans leurs engins, mais ce n'est qu'une partie de la vérité. Ils vivaient une vie de jeunes, et il existe beaucoup d'histoires comment ils couraient les filles, qu'on ne peut publier. Les garçons étaient jeunes, alors ils en profitaient. D'ailleurs ils ne savaient jamais si le lendemain ils seraient encore en vie. Après le coup d'Etat de 1948 leur destin a tourné au drame. Ceux qui n'ont pas quitté pays, ont été renvoyés de l'armée, de l'aviation et persécutés. Et même ceux qui avaient émigrés aux Etats-Unis et en Angleterre souffraient du mal du pays.

Jiri Rajlich avec le ministre de la Défense Karel Kuhnl  (au milieu)
Jiri Rajlich est jeune et il a du succès, ce qui provoque de la jalousie.

Parfois j'en ai le sentiment, mais je n'y attache pas trop d'importance. Certains disent que je publie trop. Je connais des historiens qui en savent plus long que moi et n'écrivent pas. Soit parce qu'ils ne sont pas faits pour, ils passent leur temps à boire ou devant la télé. Je me suis débarrassé de cela, il y a quelques années et j'ai bien fait. J'ai plus de temps pour écrire et faire mes recherches. Il y a des gens qui pensent qu'après avoir publié une trentaine de livres je suis millionnaire, mais ce n'est pas vrai. Avec mes cachets je n'arriverais pas à faire vivre ma famille. En Tchéquie le succès ne se pardonne pas. Cela peut donc être une raison de jalousie... si c'est le cas.

Cette année Jiri Rajlich a été très pris, suite à la commémoration du 60ème anniversaire de la Libération.

La plupart des activités se sont déroulés avec notre participation. Il en avait 118. Nous avons organisé des expositions, des conférences et des défilés militaires, écrit des discours, des articles et des livres. Le service de documentation historique, dont je suis le responsable, a édité la revue Histoire et art militaire axé sur le 60ème anniversaire. Mais, surtout, nous avons réussi à boucler le livre Les personnalités militaires de la résistance tchécoslovaque 1939-1945. Le volume contient 600 biographies et photos de soldats tchécoslovaques. C'est un grand succès car, d'habitude, le travail sur une telle encyclopédie prend dix ans, nous l'avons réussi en deux ans.

Le projet de Jiri Rajlich pour l'année prochaine est de faire du canoë, pendant une quinzaine de jours avec sa femme et sa fille Amalka.