110e anniversaire de la naissance d'Hubert Ripka, homme politique tchécoslovaque
Le nom d'Hubert Ripka (1895-1958), journaliste et homme politique ayant combattu à plusieurs reprises pour l'indépendance tchécoslovaque, reste encore aujourd'hui inconnu à de nombreux Tchèques. Il fait partie de ceux dont le nom a disparu des manuels scolaires sous le régime communiste qui le qualifia d'« un des principaux initiateurs du renversement anti-populaire en février 1948. » Depuis 1989, les historiens s'attachent à lui redonner la place qu'il mérite dans l'histoire tchécoslovaque... Zuzana Kolouchova vous présente ce personnage qui est né il y a 110 ans, le 26 juillet 1895.
Ripka participa à la vie politique tchécoslovaque pendant la première moitié du XXe siècle, période pendant laquelle son pays fut bien servi en évènements tragiques. Son destin dramatique rappelle celui d'Edvard Bene, deuxième président tchécoslovaque qui assista à la fin de sa vie, en 1948, en quelque sorte, à la destruction des idéaux pour lesquels il s'était battu. De même pour Ripka. Sa confiance tourna à la déception, sentiment qu'il éprouva envers deux pays censés garantir l'indépendance tchécoslovaque : la France et l'Union soviétique.
Après le coup de Prague, en février 1948, s'ensuivit un deuxième exil organisé par la France qui lui sauva ainsi la vie. Considéré comme agent de l'impérialisme occidental dans son pays et comme serviteur communiste aux Etats-Unis, il s'engagea vers la fin de sa vie dans un nouveau combat pour l'indépendance tchécoslovaque, entreprise cette fois-ci beaucoup plus longue à l'issue incertaine.
A Paris puis à Londres, Ripka contribua à déterminer les principes de la politique étrangère tchécoslovaque. Il salua la signature du pacte tchécoslovaco-soviétique en 1943 comme un des achèvements les plus réussis garantissant l'indépendance de son pays. La France ayant manqué à sa tâche, c'est en l'Union soviétique qu'il plaça alors ses espoirs pour garantir la sécurité de son pays après la guerre.
En 1945, il poursuivit sa carrière en tant que ministre du Commerce extérieur, poste doublé d'une dimension politique. Le principe de base était pour lui une alliance avec l'Est contrebalancée par un rapprochement avec l'Ouest. Cependant, le début de la Guerre froide ne permit pas à la Tchécoslovaquie de jouer le rôle de pont entre les deux parties du continent européen. S'inspirant de l'exemple français, où les communistes avaient été écartés du pouvoir, il initia en février 1948 la démission par laquelle douze ministres démocrates entendaient empêcher les communistes de prendre le pouvoir.
Ainsi, sa francophilie suscita chez Ripka deux sentiments opposés : déception en 1938 et délivrance dix ans plus tard. Son orientation pro-soviétique connut également un retournement radical : Ripka perdit définitivement toute illusion sur la bienveillance de Moscou après le coup de Prague. Dans ses mémoires intitulées « La Tragédie de février », il affirme que « la Tchécoslovaquie succomba à l'Union soviétique malgré sa politique d'amitié. »
Quelle est la leçon à tirer de ses deux déceptions fatales ? Peut-être celle que la perspicacité d'un homme politique se mesure à ses capacités à évaluer les perspectives d'évolution internationale. Et celle aussi que l'histoire de la Tchécoslovaquie au XXe siècle exigeait une actualisation permanente de tout attachement personnel à un pays particulier en fonction de cette évolution.