Jiri Dientsbier décoré de la Légion d'honneur

Jiri Dientsbier, photo: CTK
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Grande figure de la dissidence tchécoslovaque puis premier ministre des Affaires étrangères au lendemain de la révolution de 1989, Jiri Dientsbier a été décoré de l'ordre de la Légion d'honneur, mercredi, à l'ambassade de France. Ancien correspondant de la Radio tchécoslovaque en Extrême-Orient et aux Etats-Unis jusqu'à l'invasion du pays par les troupes du Pacte de Varsovie en 1968, puis porte-parole de la Charte 77 avant d'être emprisonné avec Vaclav Havel, Jiri Dientsbier restera dans la mémoire des Tchèques et Slovaques pour avoir été celui qui, symboliquement, avec ses homologues allemand et autrichien, a coupé les barbelés du rideau de fer aux frontières communes, en décembre 1989. En lui remettant sa décoration, c'est un homme qui a consacré une grande partie de sa vie à la lutte pour la liberté que l'ambassadeur de France en République tchèque, Joël de Zorzi, a récompensé et honoré. A l'issue de la cérémonie, Jiri Dientsbier nous a fait part de son émotion:

Jiri Dientsbier,  photo: CTK
« J'apprécie beaucoup. Pour moi, cette décoration a une importance très personnelle car j'ai toujours beaucoup aimé la France, sa littérature, sa poésie, sa musique, sa cuisine, son vin... Pour moi, et comme le disait Henri IV, Paris vaut bien une messe. Je m'y sens comme chez moi. Je suis francophone depuis mon enfance. Mon seul problème est qu'aujourd'hui, tout le monde parle cet espéranto mondial qu'est devenu l'anglais. Vous n'avez plus l'opportunité de parler français. Si je suis à Paris quelques jours, cela revient, je peux parler normalement, mais j'ai toujours besoin d'un temps d'adaptation. »

-Juste après la remise de la médaille, vous avez dit que cette Légion d'honneur était pour vous un rêve d'enfant comme de devenir ministre des Affaires étrangères...

« Oui, c'était mon rêve quand j'avais dix ans, mais ce n'était pas sérieux. Les enfants de cet âge ont toujours des rêves. Mais ces rêves se sont réalisés, comme quoi... Quarante-deux ans après, j'ai été nommé ministre des Affaires étrangères et aujourd'hui, soit cinquante-huit ans plus tard, j'ai reçu la Légion d'honneur. »

-Avant d'en devenir le chef de la diplomatie juste après la révolution, vous avez été l'un des grands acteurs du formidable boulerversement qu'a connu votre pays et plus généralement l'Europe centrale et orientale. 15-16 ans après, quel regard portez-vous sur le chemin parcouru depuis par la République tchèque ?

« Désormais, nous avons la démocratie. Mais vous savez, comme le pensait Alexis de Tocqueville il y a 160 ans, la démocratie est le gouvernement de la médiocrité. Quoiqu'il en soit, c'est quand même mieux que la dictature totalitaire. »

L'acteur Pavel Landovsky et Jiri Dientsbier à l'ambassade de France,  photo: CTK
-Oui, mais êtes-vous satisfait de l'évolution suivie par votre pays ?

« Oui, d'une manière générale, je suis satisfait. Je critique beaucoup de choses ici comme partout, mais je le répète, je suis satisafit, ne serait-ce que pour la possibilité qu'ont aujourd'hui les jeunes générations de voyager librement, d'étudier dans toutes les écoles en Europe, en Amérique et dans le monde. C'est notre espoir, parce que les gens qui étaient enfermés dans les prisons à Ostrava ou à Kosice n'avaient pas la perspective nécessaire. Maintenant, les jeunes gens peuvent regarder même leur propre pays en prenant du recul, quelques distances, et avec différents niveaux d'éducation. En plus, après notre entrée dans l'Union européenne, notre développement économique est encore meilleur qu'avant et même notre taux de chômage diminue un peu. Cela veut bien dire que pour nous, l'élargissement est un grand avantage. J'espère seulement que ce sera ainsi compris aussi dans les pays de l'Europe occidentale. »

Vous pourrez entendre (ou lire) la suite de l'entretien réalisé avec Jiri Dientsbier très prochainement, toujours dans la rubrique « Faits et événements ».