« On prenait notre température chaque matin à l’arrivée à l’entraînement... »
A l’exception du tournoi de tennis féminin WTA à Ostrava cette semaine et des deux matchs de football entre le Sparta Prague et Lille et Liberec et La Gantoise en Ligue Europa jeudi soir pour lesquels le gouvernement a accordé une dérogation, toutes les compétitions sportives, y compris professionnelles, sont de nouveau à l’arrêt en République tchèque en raison de la crise du coronavirus. Elles le resteront au moins jusqu’au début du mois de novembre. Une situation pas simple à vivre tant pour les clubs, au bord du gouffre financier, que pour les sportifs eux-mêmes, comme l’a confié à Radio Prague Jordann Perret, international français qui évolue à Hradec Králové, club de l’élite du hockey sur glace tchèque.
« Le championnat a effectivement été arrêté pour les deux prochaines semaines, et c’est une situation compliquée parce que l’on ne sait pas bien ce qui s’ensuivra. Pour l’instant on évolue au jour le jour en attendant des nouvelles. Nous avons adapté notre planning et avons dû trouver des solutions pour essayer de garder la forme. L’idée est que nous n’ayons pas perdu tous les acquis que nous avions du début de saison lorsque l’on reprendra l’entraînement et les matchs. Mais ne pas perdre le rythme en ne ‘montant’ pas sur la glace pendant deux semaines, ce n’est pas simple. »
L’entraînement actuel, en dehors donc de la patinoire puisque toute pratique sportive en intérieur est interdite, se résume-t-il donc à un entretien physique ?
« Pas tout à fait quand même, nous avons des entraînements physiques. Rien ne remplace la glace, bien sûr, mais nous n’avons pas d’autre solution que de travailler en extérieur. Il faudra être prêts pour reprendre la compétition quand le moment viendra. »
Avant l’interruption, vous aviez disputé cinq matchs depuis le début de saison. Quelles étaient les mesures de précaution appliquées dans votre club de manière à ce que vous puissiez jouer ?
« Depuis le début de la préparation cet été, on nous mesurait notre température chaque matin à notre arrivée à la patinoire avant même de rentrer dans le vestiaire. Si c’est bon, tu as le droit de t’entraîner, dans le cas contraire tu rentres chez toi t’isoler. Il y avait aussi des désinfectants un peu partout : dans la salle de musculation, dans le vestiaire... On avait des gourdes personnelles, on respectait les distances de sécurité... C’est compliqué quand vingt-deux joueurs sont ensemble, mais le maximum était fait pour respecter les consignes sanitaires et éviter la transmission du virus. »
Beaucoup de rencontres ont dû être reportées en raison du nombre important de joueurs contaminés dans certains clubs. Pour certains d’entre eux, c’était d’ailleurs une volonté dans l’idée d’être épargnés pour la suite de la saison. Ce n’était donc pas le cas dans votre club à Hradec ?
« Non, la préparation et le début de saison se sont passés comme cela était prévu. Mais c’est vrai que cela n’a pas été le cas dans beaucoup d’autres clubs. Cela a pas mal chamboulé le calendrier avec tous ces matchs reportés. »
Au-delà de l’incertitude liée la suite de la compétition, que ressent-on lorsque l’on évolue dans des salles vides ou, au mieux, à moitié vides, alors que le public, en temps normal, est généralement très nombreux autour des patinoires en République tchèque et fait partie intégrante du spectacle ?
« C’est vrai. Nous joueurs sommes là à la fois grâce au public et pour lui. C’est lui qui nous pousse et nous motive. Jouer devant 8 à 10 000 personnes ou devant 1 000, ce n’est évidemment pas la même chose. Mais c’est le contexte qui veut ça. Nous n’avons pas grand-chose à dire là-dedans. Nous sommes là pour jouer. Mais bon, vous vous préparez à affronter un adversaire, et la veille on vous dit que le match est reporté parce qu’il y a des cas positifs dans le camp opposé... Parfois, on vous dit aussi que vous affronterez finalement une autre équipe, il faut s’adapter en permanence. »
Etes-vous inquiet pour la suite ? Les clubs tirent la langue...
« C’est un gros souci pour le sport en général, pas seulement pour le hockey. Même si c’est vrai que pour les clubs tchèques, les recettes de billeterie représentent une part importante dans leurs budgets. Sans public, les sponsors ont aussi moins de visibilité. Tout cela est un cercle vicieux. Que dire ? On ne peut qu’espérer que les choses reviennent en ordre le plus vite possible tout en gardant à l’esprit que nous sommes en présence d’un virus auquel il faut faire attention. La priorité est donc de suivre les directives de l’Etat. »
La saison dernière de hockey en République tchèque a été interrompue dès le début des play-offs au mois de mars. Le club vous a-t-il demandé de faire un effort financier et d’accepter une baisse de salaire ?
« Pas pour la fin de saison dernière, nous avons eu de la chance et nous sommes conscients du fait que le club s’est bien comporté avec nous. Mais là, avec toutes les pertes et le nouvel arrêt, il y a eu des baisses de salaires dans toutes les équipes. »
Au printemps dernier, étiez-vous resté en République tchèque, où la situation sanitaire était meilleure qu’en France ?
« Je suis d’abord resté une semaine en République tchèque après la fin des play-offs pour voir ce qui s’y passait. Mais quand le confinement a été décidé, j’ai pu rentrer en France. La situation était plus grave, c’est vrai, mais quitte à être confiné, autant l’être en France auprès de ma famille. »
Après deux à trois semaines sans entraînement sur la glace, quand vous sera-t-il possible de reprendre la compétition ? Le hockey est un sport physique, le risque de blessure y est important quand on n’est pas bien préparé physiquement...
« Deux semaines, ce n’est pas très long en soi, mais c’est vrai qu’on perd beaucoup très vite. C’est difficile d’avoir un effort en extérieur similaire à celui que nous avons sur la glace. La musculation ou la course à pied ne remplacent pas la pratique sur la glace. Donc, oui, il faudra un petit temps d’adaptation pour retrouver le rythme de la compétition. A mon avis, les clubs et la ligue vont se mettre d’abord pour disposer d’une à deux semaines de réadaptation et de remise à niveau. »
Depuis le début de saison, un autre international français, Valentin Claireaux, évolue dans l’Extraliga tchèque dans votre ancien club de Pardubice, ville voisine de Hradec Králové. Ces deux clubs de Bohême de l’Est entretiennent une grande rivalité. Pour vous, personnellement, on suppose que c’est plutôt une bonne chose...
« C’est très sympa puisque nous nous connaissons de l’équipe de France. Il y a vingt minutes de route entre Hradec et Pardubice. Nous sommes deux étrangers, c’est donc important de pouvoir passer du temps ensemble, même pour parler d’autres choses que du hockey. Ce n’est que du positif ! »