Musique : il y a 20 ans, Milan « Mejla » Hlavsa laissait la scène underground tchèque orpheline
Sa carrière l’aura mené des pubs de Prague à la Maison-Blanche. Il y a vingt ans, le 5 janvier 2001, disparaissait Milan “Mejla” Hlavsa. Il était âgé de 49 ans. Pionnier de la musique alternative tchèque, il avait fondé le groupe The Plastic People of the Universe avant de devenir, presque malgré lui, une figure de l’opposition au régime communiste.
Il n’avait que 14 ans lorsqu’il a fondé son premier groupe de rock. Né en 1951 à Prague, Milan Hlavsa dit “Mejla” avait tout pour s’inscrire dans la scène rock naissante – à commencer par ses cheveux longs qui lui ont valu des moqueries. Si la vague libérale de la fin des années 60 lui avait permis de jouer et de former des groupes, la normalisation consécutive au Printemps de Prague l’a contraint à rejoindre la discrétion. Et voilà le jeune homme inspiré par le Velvet ou Franck Zappa dans l’underground, avec son groupe devenu légendaire : les Plastic People of the Universe. A la fois bassiste et chanteur, Hlavsa a alors contribué, avec son groupe, à créer la scène alternative tchèque.
Son ami Ivo Pospíšil a vécu cette époque à ses côtés. Les deux musiciens ont ensuite joué dans Garáž, un autre groupe de rock légendaire :
« Milan a forgé le son et la musique des Plastic People. Je pense qu’il faisait 80% du travail. Leur image sur scène, c’était grâce à lui. C’était un musicien qui voulait vivre de sa musique. Or, sous le régime communiste, cela n’a naturellement pas fonctionné... »
Si, à la différence des musiques alternatives anglo-saxonnes, la scène tchécoslovaque ne se voulait pas engagée, Milan Hlavsa est devenu un symbole de la résistance à la censure du régime. En 1976, il est arrêté, placé en détention durant plusieurs semaines, puis sous la surveillance de la police. Le groupe reçoit également l’interdiction de se produire en public.
Alors, malgré sa volonté farouche de rester loin de la politique et de tout engagement, il se rapproche d’un dissident nommé … Václav Havel. De cette rencontre, naîtra le mouvement de la Charte 77.
Que l’on touche à sa musique et à sa liberté, et Hlavsa se met en colère. C’est en tout cas ce dont se souvient Ivo Pospíšil :
« C’était un rocker. Ce qu’il voulait par-dessus tout, c’était de jouer. J’étais là quand les choses ont changé, quand ils ont été interdits de se produire sur scène, et qu’ils ont décidé de suivre le chemin de la clandestinité. »
En 1988, le groupe se sépare, et Hlavsa fonde alors Půlnoc. C’est dans cette formation qu’il sortira un des titres favoris du public - « Muchomůrky bílé » ; une balade lancinante et psychédélique parsemée de champignons blancs.
Il rejoint ensuite différents groupes : DG307, Fiction et Garáž. En 1997 et 1999, il réalise deux projets en solitaire, puis publie une autobiographie.
En 1998, Hlavsa, que certains décrivent pourtant comme « l’un des artistes les moins engagés de toute la scène underground », se produit à Washington D.C., à la Maison-Blanche devant les présidents Clinton et Havel. Il partage alors la scène avec celui qui l’a inspiré à ses débuts : Lou Reed.
De l’interdiction, il est parvenu jusqu’à la consécration à la faveur de la révolution de Velours et des années 1990. Milan Hlavsa est mort le 5 janvier 2001 d’un cancer. Dans un documentaire diffusé à la Télévision tchèque, Lou Reed, lui-même, rendait alors hommage à Milan Hlavsa et aux Plastic People :
« Ils ont trouvé une maison, un public attentif. Peut-être est-ce parce qu’ils étaient si préoccupés par la liberté … Ils ont eux-mêmes été interdits, ils ont été arrêtés … Mais on n’est pas censé aller en prison pour de la musique et des paroles ! C’est incroyable. Mon admiration pour les Plastic People est sans limite. »
Ivo Pospíšil a du mal à dire ce qui lui manque le plus depuis la disparition de son ami de longue date :
« Nous étions très proches. Il a été à mes côtés pendant toute la période Garáž, de 1980 à 1994, et nous travaillions toujours ensemble sur des projets. Donc, ce qui me manque … C’est la possibilité de travailler sur de nouveaux projets avec lui. Quelque chose d’autre aurait pu se produire pendant ces vingt dernières années. Je me demande si j’ai bien utilisé ces vingt années. Il aurait pu faire tellement de choses pendant ce temps ».
Si sa disparition remonte aujourd’hui à vingt ans, Milan Hlavsa a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire de la musique de son pays. Il laisse au panthéon tchèque des sons parmi les plus connus du répertoire underground, mais également le souvenir d’un artiste intransigeant dès lors qu’il s’agissait de sa liberté, de sa musique et de son indépendance.
Mejla n’est plus, mais ses idéaux lui ont survécu. Punk is not dead.