Baignade hivernale : « Il ne faut pas se battre avec l’eau »
En tchèque, on les appelle « otužilci », qu’on pourrait traduire librement comme les « endurants ». Ces endurants, ce sont des gens qui n’hésitent pas à se plonger dans l’eau froide, voire glaciale, des rivières et des étangs en République tchèque. Ces baignades hivernales connaissent un engouement sans précédent dans le pays, en lien notamment avec la pandémie de coronavirus qui a fermé les salles de sport et qui les incite, disent-ils, à renforcer leur immunité. Frileux s’abstenir, ou alors justement, c’est le moment de surmonter son aversion au froid ! Petr Fuksa est un de ces « otužilci », il a confié à Radio Prague Int. comment il a commencé à s’adonner à ce passe-temps devenu une nécessité quotidienne :
« C’était un peu le hasard. Je suis entraîneur et promoteur de la pétanque en Tchéquie, et j’y joue aussi activement. En septembre, il y avait un championnat de doublettes en Bohême de l’Ouest, et il faisait tellement froid qu’à la fin de la journée j’avais du mal à lancer même une seule boule de pétanque. Je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose. Trois semaines plus tard, par le plus grand des hasards, un copain a envoyé un message à tout le monde, racontant qu’il avait fait une baignade hivernale au Danemark. Il voulait savoir si quelqu’un n’avait pas envie de s’y mettre aussi ici. Trois ou quatre personnes, dont moi, étaient partantes. On a commencé à la mi-octobre. Depuis, je fais cette baignade tous les jours. »
Comment ça se passe concrètement ? On ne peut pas s’immerger dans l’eau froide ou glaciale juste comme ça…
« On recommande de commencer à la fin de l’été, fin août ou en septembre, quand les températures sont encore agréables, dehors et dans l’eau. Parce que le corps s’habitue petit à petit. Nous avons eu de la chance car nous avons commencé le 18 octobre, mais il faisait encore relativement doux. Même s’il y avait des journées un peu extrêmes, on a vite pris des habitudes. »
Comment faut-il s’équiper pour la sortie de l’eau ?
« Déjà, il est importante de se préparer avant de rentrer dans l’eau. Il est bien de s’échauffer, de faire un peu de jogging, de faire un peu d’exercice, de bouger les bras. Il faut faire circuler le sang pour amener de la chaleur dans tout le corps. Puis, la chose essentielle, c’est la respiration. Il faut se préparer avant de rentrer dans l’eau, respirer profondément et ne pas garder la respiration en haut du corps ou se battre avec l’eau. Sinon, vous le faites une ou deux fois et vous vous dites que ce n’est pas pour vous. Avec la respiration, c’est déjà plus simple de rentrer dans l’eau.
Et pour sortir, le processus continue encore. C’est une continuation de ce qui se passe dans l’eau. Vous sortez, vous êtes tranquille, vous pouvez prendre une tasse de thé chaud, vous prenez la serviette puis vous vous habillez tranquillement. Mais ce n’est pas quelque chose qu’il faut faire vite. Si vous avez froid et vous vous habillez vite, cela veut dire que vous renfermez le froid dans votre corps. »
Y a-t-il quelques autres conseils pratiques, des choses à respecter, pour que cette baignade hivernale se passe bien ?
« La première chose, c’est de rentrer dans l’eau tranquillement, mais sans s’arrêter. Le pire, c’est de s’arrêter et d’attendre 5 ou 6 secondes en réalisant que c’est froid. La deuxième chose : prendre un bonnet, car la chaleur part surtout par la tête. Enfin, la troisième chose essentielle : sortir de l’eau avant de commencer à grelotter, sinon ça devient dangereux. »
Vous faites cela désormais tous les jours depuis le mois d’octobre. Combien de temps restez-vous dans l’eau et quel est le moment idéal ? Le matin ? En fin de journée ?
« L’idéal c’est quand il fait soleil. Si je peux, je regarde la météo. C’est toujours beaucoup plus agréable quand il y a du soleil, même s’il fait -2 ºC ou -3 ºC dehors, que s’il fait 7 ºC ou 8 ºC sans soleil. C’est individuel le temps d’immersion. Et ça doit le rester. Ce n’est pas une compétition avec des copains ou avec soi-même. Tous les jours, c’est différent. En général je reste autour de 5 minutes. Parfois, c’est 7 ou 8 minutes, d’autres 4 minutes. Le plus important, c’est de rester au moins une minute. Le pire, c’est de rentrer et les 20 première secondes : il faut donner à votre cerveau l’information que ce n’est pas aussi terrible que cela. Après une minute, le corps s’habitue et ça va tout seul. Si vous ne restez que 15 ou 20 secondes, ça ne vous donne pas grand-chose. C’est spectaculaire mais c’est à peu près tout. »
Avant ce qui semble être devenu une sorte de tendance ces derniers temps pour beaucoup de Tchèques, il y avait déjà le Mémorial Alfred Nikodem, une baignade hivernale dans la Vltava, qui se déroule tous les ans à Noël. Comment comprenez-vous cet engouement que suscitent ces baignades hivernales ?
« C’est vrai que cet événement est célèbre. Je me rappelle avoir suivi cela à la télévision depuis que j’étais jeune. Mais je n’aurais jamais imaginé faire la même chose. Vous avez raison : c’est une tendance actuellement ! On ne peut plus faire beaucoup de sport ces derniers temps depuis le début de la pandémie l’an dernier. Les gens cherchent à renforcer leur immunité. La baignade hivernale est une chose intéressante pour cela. J’ai aussi remarqué que c’était une tendance. Je me disais que c’est le même effet qu’avec le jogging : quand on commence à en faire, on a l’impression que tout le monde autour de nous en fait aussi. Mais c’est vrai qu’il y a beaucoup de gens qui postent des photos ou des vidéos sur les réseaux sociaux pour dire qu’ils ont commencé. »
Dernière question plus personnelle : quelles sont vos sensations pendant cette baignade hivernale ?
« Il ne faut pas se battre avec l’eau. Il faut se dire que c’est l’eau qui nous soigne, qui nous entoure, qui est notre amie. Quand vous rentrez dans l’eau, il faut se dire que c’est agréable, que ça fait du bien à notre corps et que ça purifie notre esprit. Vous êtes une partie de l’eau et c’est un moment magique : les idées viennent, et on se sent très bien dans l’eau, même si elle n’a que 4 ou 5 ºC. »