En République tchèque, vers des autoroutes plus vertes... et privatisées ?
Le gouvernement tchèque va attribuer plusieurs centaines de millions de couronnes pour aider des entreprises à investir dans des machines permettant de transformer du béton usagé en un matériau recyclé qui viendra s’intégrer dans le bitume des autoroutes.
Lundi, le ministre de l’Industrie et des Transports, Karel Havlíček, a signé le contrat qui lie l’État tchèque au consortium français DIVia. Celui-ci sera en charge de la réalisation et de l’exploitation d’un tronçon de l’autoroute D4, qui doit relier Příbram (Bohême centrale) à Písek (Bohême du Sud). Le début des travaux est prévu pour ce mois de mars. Il s’agit d’une grande première en République, puisqu’aucun projet du genre n’avait encore reposé sur un partenariat public-privé (PPP).
Par ailleurs, dans une récente édition, le quotidien Mladá fronta Dnes rapportait que « le ministère de l’Industrie va aider des entreprises à investir dans des machines de recyclage du béton usagé ». Objectif : goudronner les autoroutes avec un asphalte composé en partie de matériaux recyclés issus de la démolition de bâtiments ou d’ouvrages d’art. Si le procédé est courant aux Pays-Bas ou chez les voisins allemand et autrichien, en République tchèque il fait figure de relative nouveauté qui n’est pour l’heure pas systématique.
Cité par Mladá fronta Dnes, Marian Piecha, vice-ministre de l'Industrie en charge des fonds européens, précise que tous les gravats ne font pas de bons revêtements. Selon lui, l’autoroute menant à Ostrava illustre les erreurs réalisées par le passé : « La D47 est un exemple de gravats mal utilisés. Il s'agit de déchets miniers, pas de déchets du BTP ». Ces matériaux ont donc gonflé avec la pluie et ont rendu l’autoroute dangereuse.
Les autoroutes seront-elles ainsi plus vertes grâce à ces machines ? Rien n’est moins sûr. Selon certaines analyses, l’extraction pourrait être moins gourmande en eau et en énergie que le recyclage des matériaux de construction. En revanche, recycler pourrait devenir une nécessité stratégique pour palier à l’épuisement de certaines carrières ouvertes dans les années 1980. D’autre part, si l’objectif est de lutter contre les émissions de dioxyde de carbone, selon l’Agence internationale de l’énergie, le secteur de l’industrie et de la construction correspond à 14% des émissions de CO2 dans l’Union européenne. Les transports représentent, eux, près de 30%.
Le Parlement et le ministre donnent leur feu vert pour une autoroute privée
On ne sait pas encore s’il sera réalisé à partir de matière recyclée, mais il sera bel et bien construit, et c’est déjà une avancée significative en République tchèque : le tronçon autoroutier de 32 kilomètres qui doit relier Příbram et Písek était dans les tuyaux depuis de nombreuses années. En 2016, le gouvernement social-démocrate de Bohuslav Sobotka avait relancé le projet, avec l’objectif de le mener à bien sous la forme d’un partenariat public-privé (PPP).
Plus de quatre ans plus tard, l’appel d’offres a abouti à un résultat inédit : le consortium français DIVia, formé par constructeur Vinci et le fonds d’investissement Meridiam, l’a emporté avec un projet à 16,55 milliards de couronnes (environ 630 millions d’euros) – un chiffre qui sera probablement revu à la hausse au fil des années, du fait de l’inflation et des taux d’intérêt. Il s’agit là d’une première, car si les gouvernements tchèques précédents avaient déjà tenté par le passé de construire des tronçons autoroutiers sous la forme d’un PPP, l’idée n’avait encore jamais rien donné de concret.
La semaine dernière, le Parlement et le ministère se sont penchés sur ce dossier. Les députés ont donné leur accord, et le ministre des Transports a ainsi pu signer le contrat qui liera l’État tchèque et le consortium pour les vingt-huit prochaines années. Charge désormais à partir de mars pour les entreprises françaises de construire le tronçon manquant, mais aussi, ensuite, d’entretenir et d’exploiter l’ensemble de la D4 (les 32 kilomètres à construire, ainsi que les 16 déjà réalisés) pour vingt-cinq ans. A l’issue de cette concession – un format bien connu des Français mais inédit donc en République tchèque – l’État en récupèrera la gestion.