Îles anglo-normandes : un Tchèque à la rescousse d’une langue en danger de mort
Il a été beaucoup question des îles anglo-normandes dans l’actualité récente, à cause des litiges entre pêcheurs français et britanniques dans la Manche. A côté de Jersey et Guernesey se trouve une petite île, moins connue, l’île de Sercq, peuplée par quelques centaines d’habitants, un Seigneur, pas de voitures et beaucoup de tracteurs. La langue parlée depuis des siècles par ses habitants, le sercquiais, est une variété de langue normande en train de disparaître avec ses derniers locuteurs. Mais un jeune linguiste tchèque, Martin Neudörfl, a pour ambition de sauver le sercquiais, qu’il a appris et enseigne désormais aux jeunes insulaires. Au micro de Radio Prague International, il a d’abord décrit en trois mots l’île de Sercq qu’il a découverte pour la première fois en 2016 :
« Magnifique, jolie et sauvage ! »
L’île se trouve donc dans la Manche au large des côtes normandes. Comment accède-t-on à Sercq ?
« Le seul lien est par bateau, depuis Guernesey seulement. »
Quand était la première fois que vous avez entendu parler le sercquiais (en sercquiais : le Sarkyee)?
« Le jour de ma première arrivée en 2016. Quand je suis arrivé il restait sept locuteurs natifs, mais aujourd’hui nous n’avons plus que quatre derniers locuteurs. »
Enseignez-vous en ce moment malgré la pandémie ?
« Oui, une fois par semaine par Skype. J’ai sept enfants en cours, âgés entre 9 et 13 ans. J’espère pouvoir y retourner cette année. »
Comment vous y prenez-vous pour sauver cette langue, vous enregistrez les derniers locuteurs sur place ?
« Effectivement, j’enregistre tout ce que mes locuteurs me disent. C’est vraiment fatigant pour eux, on enregistre vraiment tout et une consultation peut prendre plusieurs heures. Ils sont âgés, entre 80 et 90 ans. »
Dans quelle mesure le sercquiais est-il différent des autres langues parlées dans la région, comme le jersiais sur l’île de Jersey ?
« C’est assez différent, le sercquiais est vraiment spécifique, étant une langue trop archaïque pour un locuteur normanophone qui ne peut tout comprendre. En revanche si on parle le sercquiais on peut comprendre ce que dit une personne de Guernesey en normand de cette île. »
La première phrase que vous avez apprise était en lien avec une mauvaise expérience sur l’île et un chien qui a mordu votre postérieur, c’est exact ?
« [la phrase en sercquiais] »
C’est peut-être un réflexe peu pertinent, mais la prononciation pourrait faire penser à du québécois ?
« Oui, il y a aussi beaucoup de diphtongues en québécois. Le québécois est un mélange de plusieurs dialectes dans lequel on peut retrouver du normand. Cependant, le sercquiais est vraiment quelque chose d’unique. »
Avec Martin Neudörfl nous parlerons dans une prochaine émission de ses efforts pour sauver la langue de lîle de Sercq mais aussi de ses initiatives dans sa région natale pour reconstituer la Garde des grenadiers de Schwarzenberg à Český Krumlov et contre la disparition du dialecte bavarois longtemps parlé dans la région tchèque de la Šumava.