La Bibliothèque municipale de Prague fête ses 130 ans
Au début du mois de juillet, le 1er très précisément, la Bibliothèque municipale de Prague a fêté ses 130 ans d’existence et propose différents événements liés à cet anniversaire tout le mois de juillet. Créée en 1891, elle propose aujourd’hui au prêt plus d’1 700 000 livres, cartes, journaux, e-books et autres, dans 44 succursales implantées dans toute la capitale tchèque.
Les débuts de la Bibliothèque municipale de Prague sont liés à un nom, celui de son premier directeur, le poète tchèque Antonín Sova, à sa tête entre 1890 et 1920. C’est grâce à sa bonne connaissance des systèmes bibliothécaires en cours aux Etats-Unis ou en Allemagne qu’il crée de toutes pièces le système de catalogage de la future Bibliothèque municipale de Prague dont Tomáš Řehák, son actuel directeur, rappelle les débuts :
« Au tout début, il y avait 3 370 ouvrages. La Bibliothèque ne se trouvait alors pas comme aujourd’hui sur la place Mariánské. Elle a commencé dans le bâtiment d’une prison située rue Na Zderaze dans la Nouvelle-Ville de Prague. On sait que le tout premier bibliothécaire s’appelait Jan Paštika. Ensuite, elle a déménagé à plusieurs reprises avant de se fixer place Mariánské dans des bâtiments qui n’existent plus aujourd’hui. C’était en 1903 et elle a occupé les lieux jusqu’à ce que soit construit le bâtiment actuel qui sert jusqu’à nos jours. »
C’est justement à Antonín Sova qu’on doit le projet de faire construire un bâtiment conçu pour accueillir la bibliothèque et toutes sortes d’activités culturelles. Ouvert en 1928, à l’occasion des dix ans de la fondation de la Tchécoslovaquie indépendante, le bâtiment était considéré comme un des plus modernes de l’époque, permettant la tenue de concerts, de séminaires et d’expositions. Les bibliophiles de tous âges pouvaient profiter d’un nombre important d’ouvrages, d’une salle d’étude, d’une salle dédiée à la presse et d’une bibliothèque destinée aux enfants et même d’ouvrages pour les personnes souffrant d’un handicap visuel.
Comme nombre d’institutions culturelles, la Bibliothèque a subi, elle aussi, de plein fouet les conséquences des soubresauts historiques du XXe siècle, comme le rappelle Tomáš Řehák :
« A l’époque de l’entre-deux-guerres, la Bibliothèque avait un réseau déjà très développé de filiales. Ella avait rattrapé son retard premier et était considérée comme une des institutions les plus modernes de ce type. Avec l’Occupation, tout a changé, et de manière dramatique. La vie culturelle s’en est trouvée impactée. Au printemps 1939, la Bibliothèque a lancé son tout premier bibliobus. Il a fonctionné un an avant d’être réquisitionné par la Wehrmacht pour des besoins militaires. Certains auteurs ont été mis à l’index, des livres ont été interdits et étaient voués à être détruits. Les bibliothécaires ont tout fait pour les cacher. Ils y sont parvenus pour un certain nombre de livres qui n’ont revu la lumière du jour qu’en 1945. Malheureusement, peu de temps après, en 1948, une situation similaire se reproduit avec de nouveau des auteurs à l’index et des listes de livres interdits… »
La chute du régime communiste en 1989 entraîne de nouveaux changements très importants, avec la reconstruction de son bâtiment principal et une restructuration de ses services, comme l’explique Tomáš Řehák :
« Paradoxalement, bon nombre de succursales ont dû fermer et ont disparu au début des années 1990, notamment en lien avec les restitutions des biens immobiliers aux personnes spoliées dans les années 1950. Heureusement, il a été possible de conserver un réseau solide à même d’offrir des services de qualité aux lecteurs. Il en existe 44 aujourd’hui. Nous avons aussi trois bibliobus et plusieurs autres lieux affiliés comme sur le quai Náplavka par exemple. 1989 a été une année de changement politique qui a entraîné des changements économiques conséquents. Cela a aussi ouvert la porte à l’informatique et au monde du numérique. Je pense que ça a été une petite révolution pour notre institution, et ce n’est de loin pas fini… »
La crise sanitaire du Covid-19 a bien entendu aussi fortement touché toutes les bibliothèques du pays contraintes de fermer leurs portes tout comme la majeure partie des institutions culturelles. Sans entamer pour autant la soif de lecture des Tchèques, réputés pour être de grands lecteurs. La popularité des bibliothèques publiques en général remonte en effet à 1919 où une loi de la nouvelle république tchécoslovaque a obligé chaque grande ville mais également chaque petit village à avoir sa propre bibliothèque, afin de promouvoir l’alphabétisation et l’éducation dans le pays.
Cette tradition bien ancrée fait que même à l’ère numérique, on compte en Tchéquie une bibliothèque pour 1 971 citoyens, soit quatre fois plus que la moyenne européenne et dix fois plus que la moyenne des Etats-Unis, selon un rapport de 2016 de la Fondation Bill et Melinda Gates. Cette exception tchèque est à nuancer par des disparités régionales en termes de modernisation et d’accessibilité à tous, mais il n’en reste pas moins que l’habitude d’emprunter des livres reste bien implantée. Tomáš Řehák en veut pour preuve le retour très rapide des lecteurs abonnés à la Bibliothèque municipale de Prague, dès sa réouverture, et pour le 130e anniversaire de l’institution, vante le principe du prêt à l’époque du développement durable.