Aux Pays-Bas, l’histoire de cinq pilotes tchécoslovaques abattus en mission refait surface 80 ans plus tard
80 ans après leur disparition, les dépouilles de cinq pilotes tchécoslovaques de la RAF ont été exhumées dans la commune de Nieuwe Nierdorp, dans le nord des Pays-Bas. Le 23 juin 1941, leur bombardier Vickers Wellington était abattu par un avion de chasse allemand, seul un soldat tchécoslovaque sur les six membres de l’équipage en réchappant. Aujourd’hui, leur histoire refait – littéralement – surface.
Alois Rozum, Leonard Smrček, Vilém Konštacký, Jan Hejna, Karel Valach, Vilém Bufka : tels sont les noms des six pilotes tchécoslovaques à bord du Vickers Wellington qui survole les Pays-Bas en cette fin juin. Le plus jeune a 23 ans, le plus âgé 28 ans. Tous font partie du 311e escadron de bombardiers de la Royal Air Force.
Dès l’occupation de la Tchécoslovaquie par les nazis en 1939, de nombreux soldats, pilotes et volontaires tchécoslovaques s’engagent auprès des forces alliées, d’abord en Pologne, puis en France, mais surtout dans la prestigieuse RAF, comme le relatait en 2001 le long-métrage du réalisateur Jan Svěrák, A Dark Blue World. A bord des avions britanniques, ils bombardent par exemple le port de Brest, occupé par les Allemands.
Après une mission de bombardement nocturne sur la ville allemande de Brême, le Vickers Wellington est touché par un avion de chasse allemand. Seul le pilote Vilém Bufka parvient à sauter en parachute de l’avion en feu, comme le relate Michal Plavec, conservateur de la collection aérienne du Musée national des techniques :
« Vilém Bufka, le seul survivant, a raconté son histoire dans un livre rédigé avec un journaliste et paru en 1967. Dans cet ouvrage, il ne décrit pas particulièrement le moment où l’avion a été abattu parce que c’est allé très vite. Mais il existe des photos prises depuis le cockpit de l’avion de chasse allemand qui montrent l’impact et l’incendie du bombardier britannique. Dans le livre, Vilém Bufka raconte ensuite essentiellement les péripéties qui ont suivi après avoir sauté de l’avion puisqu’il a été fait prisonnier par les Allemands. »
Pendant longtemps, aucune trace des dépouilles n’avait été retrouvée, même si le lieu de l’impact était connu. Depuis 2019, le gouvernement néerlandais finance un programme de recherche et d’exhumation d’épaves d’avions de la Seconde Guerre mondiale. Plus de 5 500 avions ont été abattus ou se sont écrasés sur le sol néerlandais pendant le conflit, plusieurs dizaines d’entre eux contenant encore les dépouilles des victimes.
En 1941, le Vickers Wellington de l’équipage tchécoslovaque est allé s’encastrer dans le sol détrempé d’un champ près de Nieuwe Nierdorp. Aujourd’hui, le site fait partie d’une exploitation agricole et comme le raconte un reportage de la Radio publique tchèque, les habitants du coin savaient tous qu’un avion était enfoui jusqu’à cinq mètres sous terre. Les différents propriétaires de la ferme ont tous entretenu le monument signalant sa présence, mais en raison du coût, aucune exhumation n’avait été entreprise jusqu’au lancement du programme gouvernemental.
Fin mai, l’armée de l’air néerlandaise a lancé ses travaux d’exhumation et se charge actuellement d’analyser ce que la terre a conservé depuis 80 ans : une paire de gants en soie, une botte d’aviateur fourrée, des pièces de monnaie, une montre britannique, mais aussi et surtout des milliers de fragments d’ossements.
S’il est d’ores et déjà confirmé qu’il s’agit bel et bien là de l’équipage tchécoslovaque, les chercheurs n’ont pour l’heure pas réussi à déterminer à combien de personnes correspondaient ces fragments ni même à qui.
Dans ses souvenirs, Vilém Bufka évoque le fait que deux autres copilotes auraient réussi à s’extirper de l’avion, mais sans qu’aucun de leur corps n’ait été par ailleurs retrouvé. Il s’agit donc désormais d’identifier ces débris, en coopération avec des institutions tchèques :
« La République tchèque participe évidemment, notamment par l’intermédiaire de l’Institut d’histoire militaire qui a fourni à la partie néerlandais toute la documentation écrite relative à cet événement et qui est archivée ici. De même, la Tchéquie a transmis les coordonnées des descendants des pilotes afin de permettre leur identification par des analyses ADN. »
Un des objectifs du programme néerlandais est également de permettre un travail de mémoire, comme le relève Geert Jonker, membre du service de secours et d’identification :
« Nous partons du principe que cet équipage mérite cette enquête. Ses membres doivent être identifiés et ils doivent être inhumés dans une tombe à leur nom dans un cimetière militaire. »
Une fois ce travail d’identification achevé, la question du lieu de leur inhumation se posera évidemment, tout comme celle des objets personnels. Michal Plavec :
« Selon moi, il serait idéal que tous les objets qui ont été retrouvés ainsi que l’épave de l’avion restent là où ils ont été trouvés, et soient conservés dans un musée local. Les Pays-Bas souhaitent, eux, remettre les objets aux familles des pilotes. En ce qui concerne leurs dépouilles, des discussions sont en cours. L’identification précise va encore prendre du temps. Mais je suppose qu’à moins d’un avis contraire des familles, tous les pilotes seront inhumés avec les honneurs dans le plus proche cimetière de soldats alliés aux Pays-Bas. »
Les autorités locales prévoient désormais de faire élever un nouveau monument rappelant la tragédie et le nom des pilotes tchécoslovaques. Celui-ci devrait être installé hors des limites de l’exploitation agricole où se trouvait l’épave du bombardier, afin de permettre de mieux faire connaître l’histoire de ces volontaires tchécoslovaques qui ont donné leur vie pour combattre le nazisme.