Le DOX inaugure l’exposition « MADe IN CHINA » malgré les menaces du gouvernement chinois
A Prague, le centre d’art contemporain DOX a inauguré le 13 mai dernier une exposition rassemblant de nombreuses œuvres de l’artiste qui se présente sous le nom de Badiucao. Cet activiste est notamment connu pour ses nombreuses revendications politiques. Sous la pression du gouvernement chinois, l’exposition aurait pu ne jamais voir le jour
L’affiche de l’exposition « MADe IN CHINA » parle d’elle-même, les revendications de son auteur y sont très précises. L’auteur y associe les dictatures chinoise et russe.
« Ce portrait associe les visages de Xi Jinping et de Poutine. Je pense qu’il s’agit là du portrait de la dictature suprême lorsque ceux-ci sont assemblés en un visage. »
L’artiste australo-chinois s’est fait connaître sur les réseaux sociaux et particulièrement via Twitter, peut-être le seul réseau social qu’il a pu continuer à utiliser malgré la censure. Né en Chine, certains le surnomment le « Banksy chinois » – et pour cause : le caricaturiste, qui ne se présentait autrefois que masqué, n’a révélé son visage qu’en 2019. A travers ses œuvres, l’artiste veut lutter contre la censure et le contrôle idéologique de sa population par le gouvernement chinois. Ainsi, la Chine n’a pas tardé à se montrer très réticente vis-à-vis de l’organisation de cette exposition à Prague. C’est ce que révèle Michaela Šilpochová, la commissaire de l’exposition :
« Nous avons été contactés par l’ambassade qui souhaitait que nous renoncions à l’organisation cette exposition parce que selon elle, cela pourrait considérablement nuire aux relations entre la République tchèque et la Chine. »
L’artiste lui-même a une nouvelle fois fait l’objet de menaces de la part du gouvernement chinois. Déjà en novembre 2018, une exposition avait été annulée à Hong Kong alors que la sécurité de Badiucao et de sa famille était mise en jeu.
« Je m’y attendais. A chaque fois que j’expose, ils sont là. Ils se plaignent, parfois ils menacent la galerie qui expose, les gouvernements locaux mais également moi, personnellement, ainsi que ma famille en Chine. »
Malgré cette pression chinoise, la galerie a maintenu cette exposition dans laquelle nous pouvons découvrir de nombreuses illustrations de Badiucao. L’auteur s’inspire de la culture pop pour retranscrire certaines violations des droits de l’homme de la part du gouvernement chinois. On retrouve par exemple la tristement célèbre scène de la place Tian’anmen en 1989. Mais l’auteur s’inspire également d’évènements plus récents comme la crise sanitaire du Covid-19 ou bien le génocide de la communauté ouïghour. De nombreuses associations et fondations internationales pour les droits de l’homme ont reconnu et relayé son travail. Par ailleurs, Badiucao a reçu l’année dernière le prix Václav Havel remis aux militants en faveur des droits de l’homme.
Récemment, une exposition à Brescia avait connu les mêmes difficultés face aux menaces du gouvernement chinois. Mais en République tchèque comme en Italie, les organisateurs ont refusé d’annuler l’évènement. La commissaire de l’exposition et le ministre des Affaires étrangères tchèque Jan Lipavský reviennent tous deux sur ce choix :
« DOX est une institution privée et indépendante : si un pays ne veut pas d’une exposition, c’est un problème pour le pays et pas pour nous. »
« L’important est qu’il y ait une exposition à Prague et que chacun puisse aller la voir pour se faire sa propre opinion, car nous vivons dans un pays libre. »
En parallèle de l’exposition « MADe IN CHINA » aura lieu, ce mercredi 18 mai, toujours au centre DOX, la projection d’un documentaire sur l’histoire de Badiucao et de son art. La séance sera suivie d’une conférence-débat avec l’artiste.