Siegfried Herz : exposition inédite d'un artiste mystérieux au DOX
Depuis le 12 mai et jusqu’au 19 septembre, le Centre d’Art Contemporain DOX de Prague dévoile « On Love », une exposition aussi surprenante qu’inédite, consacrée à l’artiste Siegfried Herz. Rassurez-vous si vous ne le connaissez pas, c’est la première fois qu’une exposition lui est entièrement dédiée.
Âgé de 34 ans et originaire de Plzeň, Siegfried Herz, de son nom d’emprunt, est un artiste atypique. Depuis plus de dix ans, il vit isolé du monde extérieur qui l’oppresse et le stresse. Sa perception du temps et sa manière de voir ce qui l’entoure sont bien différentes des nôtres. Cet isolement est bénéfique à sa créativité puisqu’il utilise la peinture, le dessin, la photographie et la vidéo pour s’exprimer. Otto M. Urban, commissaire en chef du DOX depuis 2020, nous explique comment il a découvert Siegfried Herz :
«J’ai découvert son travail en 2015, ici au DOX lors d’une exposition intitulée ‘Le meilleur des mondes’. L’une des parties de l’exposition présentait trois petites peintures d’un artiste dont je n’avais jamais entendu le nom avant : Siegfried Herz. Ces peintures étaient très expressives et j’ai voulu en savoir plus sur l’artiste. Par chance, j’étais accompagné d’un ami qui le connaissait donc il m’a raconté son histoire à propos de son isolement. J’ai demandé si je pouvais le rencontrer mais c’est seulement quatre ans après, en décembre 2019, que Herz a répondu à mes mails. »
Les inspirations de Siegfried Herz proviennent principalement de la philosophie et de l’art antique mais il s’identifie aussi à des figures artistiques contemporaines. Par exemple, Simone de Beauvoir incarne son modèle féminin par excellence et d’autres artistes francophones l’inspirent également comme Jean-Luc Godard ou Amanda Lear. Du côté de l’Allemagne, le compositeur Richard Wagner est sa plus grande inspiration et il est souvent représenté dans ses œuvres.
« Simone de Beauvoir est très importante pour Siegfried Herz parce qu’en tant que philosophe, elle a ouvert beaucoup de questions sur le rôle de la femme et ce sont des positions qui intéressent Herz. C’est pourquoi il a représenté Simone de Beauvoir plusieurs fois dans ses portraits. »
Peinture au café
Les œuvres présentées à l’exposition sont assez éclectiques, Siegfried Herz les décrit lui-même comme un « essai visuel ». Les visiteurs peuvent observer des portraits fictifs ou réels, des paysages, des peintures à l’encre ou encore des aquarelles. La douleur et le désir sont tour à tour évoqués comme les deux facettes d’un même amour. C’est pourquoi ce sont principalement des femmes qui sont représentées par Siegfried Herz, qu’elles soient enceintes ou peintes déjà avec leur enfant. Enfin, l’exposition réserve aussi son lot de surprises avec des expérimentations comme de la peinture au café ou du collage.
« Le fait que Herz vive dans la solitude et ne soit pas très lié à l’art contemporain fait qu’on ne peut pas placer son travail dans une catégorie historique précise. Cependant, il est peut-être proche du symbolisme de la fin du XIXe et du début du XXe siècles, avec des artistes comme Edvard Munch. Mais on peut aussi le rapprocher de l’expressionnisme parce qu’il s’intéresse beaucoup à la musique, à la littérature et aux films. C’est un grand expert des compositeurs allemands comme Wagner par exemple donc c’est compliqué de le mettre dans une seule catégorie. »
Le message principal que Siegfried Herz veut faire passer à travers ses œuvres est assez compliqué à discerner mais Otto M. Urban nous l’explique :
« Siegfried Herz évoque beaucoup le sentiment que ressentent les personnes qui sont ou ont été oppressées, manipulées, abusées. L’abus est l’un des thèmes clés du travail de Herz, il ne se base pas seulement sur sa propre expérience mais aussi sur celles du peu de personnes qu’il connaît et il se concentre surtout sur les abus subis par les femmes dans notre société. Mais Herz parle aussi d’amour, que ce soit entre une mère et son enfant, un amour intellectuel ou encore un amour érotique : il y a de multiples façons de penser l’amour dans les vies humaines. »
Une forme d’art qui nous rappelle l’expression de Jean Dubuffet « art brut ». Ce serait une forme d’art créée par des personnes étrangères au monde artistique, à l’abri de toute influence. Cela concerne donc des artistes autodidactes mais aussi des prisonniers, des personnes hospitalisées ou vivant en marge de la société, à l’instar de Siegfried Herz.
« Mais Siegfried Herz a étudié dans une école d’art et il a eu des cours particuliers donc son éducation artistique est quand même solide, le terme d’art brut ne correspond donc pas totalement à Herz. »
Une exposition à ne pas manquer donc si vous aimez l’art contemporain et les artistes qui sortent de l’ordinaire, au DOX jusqu’au 19 septembre.