Des Tchèques au Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire
Depuis mai, le Festival international des jardins a de nouveau ouvert ses portes au château de Chaumont-sur-Loire. Cette année, une équipe tchèque concourait pour tenter de répondre à la problématique : qu’est-ce que le jardin idéal ?
Depuis mai, 20 jardins différents sont exposés au château de Chaumont-sur-Loire, dont un jardin tchèque. Chantal Colleu-Dumond, directrice du domaine et du festival, présente l’événement plus en détail :
« Le Festival international des jardins existe depuis 1992 ; et le concours international – qui favorise la participation de paysagistes, architectes et designers du monde entier – est lancé en général au mois de juillet. Il y a un jury qui examine les nombreux dossiers qui nous parviennent de toute l’Europe, des Etats-Unis ou d’Amérique latine, et nous gardons les meilleurs pour les jardins, qui sont réalisés entre le 15 février et le 15 avril. La réputation du festival s’est installée fortement durant des années, et plus de la moitié des équipes sont des équipes étrangères. »
Créée il y a 30 ans cette année, l’initiative de cette compétition unique dans le monde revient à un journaliste français amoureux de l’art contemporain, comme nous l’explique Chantal Colleu-Dumond :
« Ce festival a été créé par un journaliste à la personnalité très inventive, Jean-Paul Pigeat, qui voulait montrer un panorama de la création contemporaine dans l’univers des jardins et du paysage. Très vite, l’idée s’est révélée excellente avec un public de plus en plus important. Chaumont est aujourd’hui une forme d’observatoire des tendances du jardin ; on voit chaque année apparaître de nouveaux matériaux, végétaux et scénarios de jardin. C’est un lieu où l’on vient s’inspirer, souvent on dit en français ‘piquer des idées’ alors qu’on entend régulièrement les concepteurs des jardins dire ‘on a beaucoup d'idées donc vous pouvez les prendre car il y en aura toujours des nouvelles’. »
Chaque année, les équipes doivent respecter un thème pour la réalisation de leur jardin. Cette fois, le thème était « le jardin idéal », un thème large qui laisse la place à beaucoup d’interprétation. Chantal Colleu-Dumond :
« Lorsqu’on a 30 ans, on fête un anniversaire important et c’est le moment de faire le bilan, de se poser les bonnes questions : aujourd’hui, un jardin, est-ce un lieu de culture biologique ? une œuvre d’art ? un jardin de création ? Est-ce est un potager nourricier, avec les questions alimentaires qui sont très importantes de nos jours ? Est-ce un lieu thérapeutique, car nous savons que le jardin soigne ? C’était en tout cas les questions que nous voulions nous poser et poser aux concepteurs venus du monde entier. Est-ce que le jardin doit être beau, bio, réparateur, novateur ? Ou alors est-ce qu’il doit respecter les problématiques de l’eau et de l’énergie ? En tout cas, c’est la question qu’on a posée, et les interprétations qui ont été faites par les concepteurs de ces jardins ont été extrêmement intéressantes. »
A Chaumont-sur-Loire, seuls 20 jardins sont réalisés chaque année, mais des centaines de candidatures sont envoyées tous les ans. Etre présent au festival est donc déjà une grande victoire, car seuls les plus beaux projets sont retenus. Chantal Colleu Dumond nous décrit les critères d’un beau jardin :
« Parmi les critères pour avoir un beau jardin à Chaumont, on trouve l’adéquation avec la thématique, les concepteurs doivent être fidèles à la thématique. Mais un bon jardin est aussi un jardin qui a pensé à la succession des végétaux tout au long de la saison, puisque les jardins sont inaugurés en mai et restent jusqu’au mois de novembre, donc le feu d’artifice végétal est l’une des clés pour avoir un beau jardin. Et puis il y a aussi l’entretien, et les équipes de jardiniers du château font évidemment extrêmement attention : elles effleurent et effeuillent les jardins tous les jours. Un beau jardin doit être très tenu, entretenu et soigné. On doit avoir une relation avec son jardin comme avec un être vivant, ce qu’il est d’ailleurs, et donc être très soucieux de son apparence et de son bien-être. »
Pour cette édition 2022, une équipe de cinq étudiants en architecture paysagère de l’université polytechnique de Prague ont pu voir leur jardin « Acrobate » réalisé lors de la compétition. Kateřina Shrbená, membres de l’équipe, nous parle de leur réflexion autour du thème :
« En réfléchissant sur le terme ‘idéal’, on s’est mis d’accord avec l’équipe que l’idéal, en fait, au vrai sens du mot, n’existe pas. C’est plutôt une balance qui peut nous apporter du contentement, et nous avons composé notre jardin comme un chemin de recherche d’équilibre. Nous avons appelé notre jardin ‘Acrobate’ comme une référence à la vie. Nous sommes tous des acrobates balançant entre des côtés différents. Notre jardin est donc aussi composé en deux côtés, avec une opposition entre ceux-ci. »
Pour eux, l’idéal est donc une balance. Cette idée d’opposition est retranscrite dans leur création, comme l’expliquent Václav Suchan, autre membre de l’équipe, et Kateřina Shrbená, qui décrivent leur jardin :
« Le jardin est divisé en deux parties. La première, dans l’entrée du jardin, est un désert avec beaucoup de pierres. Il y a aussi un chemin qui traverse des cyprès penchés pour donner une perspective différente, un peu déséquilibrée. Ce n’est pas un environnement très joli, ni très sympa ou accueillant. Après, les visiteurs entrent dans le jardin idéal, comme l’Eden, et c’est une partie avec une place, une fontaine et beaucoup de fleurs blanches symboliques. On retrouve aussi des chaises, donc le visiteur peut rester un peu et observer les petits cadres. »
« Les petits cadres ont des vitres colorées et les visiteurs peuvent regarder à travers les vitres qui ont des couleurs différentes. Dans cette partie, il y a aussi une fontaine et donc les visiteurs peuvent écouter cette eau ruisselante et cette eau est un symbole de la recherche perpétuelle de l’équilibre. »
Les deux élèves ressortent heureux de leur expérience unique au Festival international des jardins, car pour la première fois, ils ont pu passer de la théorie à la pratique avec la réalisation concrète de leur projet. Václav Suchan et Kateřina Shrbená :
« C’est une expérience géniale. Le plus utile pour nous était d’avoir la possibilité de réaliser le jardin. A l’école, on apprend plutôt comment faire les choses théoriquement mais nous n’avons pas de cours pratiques. Ici, au festival, nous avons appris comment planter des arbres, des vivaces, comment construire un chemin... Nous avons pris la pelle dans nos mains pour la première fois depuis que nous sommes à l’école. Nous avons vraiment fait quelque chose physiquement, c’était très sympa, et pour moi c’était très relaxant d’être dans cet espace et planter les plantes. C’est thérapeutique, en quelque sorte. »
Les jardins sont exposés jusqu’au mois de novembre, ce qui laisse encore le temps de se rendre au domaine de Chaumont-sur-Loire et de choisir la création représentant le mieux, selon vous, le « Jardin Idéal ».