Histoire et cinéma : à Prague, l’opération Anthropoid au cœur d’un festival de films
Acte le plus important de la résistance antinazie dans le Protectorat de Bohême-Moravie pendant la Deuxième Guerre mondiale, l’opération Anthropoid est le thème central de la troisième édition du festival « Nezlomní a obětovaní » (Irréductibles et sacrifiés) qui se tient cette semaine à Prague. Jusqu’à samedi, au moyen de documentaires et de longs-métrages, les organisateurs commémorent l’attentat réussi, il y a 80 ans, contre le dignitaire nazi Reinhard Heydrich par les parachutistes tchécoslovaques Josef Gabčík et Jan Kubiš.
La lutte finale et désespérée des parachutistes se sachant condamnés à la mort dans la crypte de l’église Saints-Cyrille-et-Méthode dans le centre de Prague contre la supériorité allemande a été reconstituée dans le film « Atentát » du réalisateur Jiří Sequens.
Daté de 1964, le long-métrage est un des premiers films que pourront voir les visiteurs du festival, qui a débuté lundi soir par un débat diffusé par la Télévision tchèque intitulé « Entre réalité et fiction : l’histoire dans les films, les documentaires et les actualités ».
Organisé par le Musée de la mémoire du XXe siècle (Muzeum paměti XX. století), le festival revient sur l’un des événements les plus marquants de l’histoire de la Tchécoslovaquie. Un acte d’héroïsme de quelques hommes dont la portée, en 1942, au plus fort de la domination allemande en Europe, a d’ailleurs largement dépassé le cadre des frontières de l’ancien Protectorat. Mais aussi un événement qui a inspiré de nombreux écrivains et cinéastes, dont certains ont logiquement parfois pris quelques libertés avec les faits historiques. Historien du musée, Petr Blážek explique pourquoi le programme du festival oscille entre réalité et donc fiction :
« Le thème principal du festival, ce sont les images cinématographiques de l’opération Anthropoid. Mais nous ne proposons pas seulement des longs-métrages et documentaires. Nous avons même des films d’animation ou, par exemple, les actualités cinématographiques de 1942, ce qui permet de voir quel traitement à l’époque avait été réservé à l’attentat et à ses conséquences. Et nous proposons aussi des séquences filmées de soldats tchécoslovaques s’entraînant en Grande-Bretagne. »
Si par exemple le film HHhH du réalisateur français Cédric Jimenez, adaptation du roman éponyme de Laurent Binet, ne figure pas au programme du festival, d’autres films étrangers sont en revanche proposés, comme ceux des cinéastes polonais qui ont travaillé sur les circonstances de l’exécution de Franz Kutschera au terme d’une opération spéciale menée par la résistance polonaise, en accord avec le gouvernement en exil. L’histoire du chef de la Gestapo de Varsovie, qui était surnommé « Le bourreau de Varsovie » pour sa cruauté, rappelle bien évidemment le destin de Reinhard Heydrich, connu, lui, sous le nom de « Boucher de Prague », comme le note Maciej Ruczaj, directeur de l’Institut polonais de Prague :
« La résistance polonaise, ou ce que l’on appelle aussi l’armée 'de conspiration', était beaucoup plus importante que la résistance tchèque. Toutefois, elle n’est jamais parvenue à mener d’action aussi marquante que l’opération qui a mené à l’assassinat de Reinhard Heydrich. Néanmoins, nous avons voulu présenter l’événement qui se rapproche le plus de cette histoire. »
Franz Kutschera a été tué par des membres d’une unité spéciale de sabotage à Varsovie le 1er février 1944. Leur acte sera rappelé dans deux films lors d’un festival par ailleurs largement destiné aux écoles : un documentaire avec des témoignages de participants à cette opération et un film d’animation produit dans le cadre d’une série appelée « Au nom de la Pologne combattante ».
D’autres invités étrangers, majoritairement d’Europe centrale et de l’Est, participent également au festival. Par exemple, la documentaliste ukrainienne Snezhana Potapchuk, qui présentera son documentaire « Enfants de la Grande famine » qui traite de l’extermination par la faim dans son pays dans les années 1930. Sa présence sera un des temps forts du festival, selon Petr Blážek :
« Parallèlement, depuis 2014, Snezhana Potapchuk filme sur le front du Donbass, de Louhansk et aussi dans les environs de la Crimée. Elle a déjà réalisé quatorze films. C’est une réalisatrice qui traite non seulement d'événements historiques, mais aussi d'événements qui sont aujourd’hui au cœur de l’actualité, et pas seulement en Europe. »
Les projections de films, ainsi que les discussions et divers ateliers, peuvent être suivis jusqu'au 12 novembre au cinéma Bio OKO, dans le 7e arrondissement de Prague, ou au Kampus Hybernská dans le centre-ville. Pour plus d’informations sur le festival et son programme, cliquez ici.