Pro-occidental, le prochain président ? Pas forcément une priorité pour les Tchèques
Les qualités qui devraient être celles du futur président tchèque, la visite de Volodymyr Zelensky aux États-Unis, le regard que posent nouvellement les Tchèques sur la défense et la sécurité, le bilan de la première année du gouvernement de Petr Fiala ou encore les causes de la hausse du nombre de meurtres cette année sont les sujets abordés dans cette nouvelle revue de la presse tchèque de la semaine écoulée.
Le prochain président de la République devrait être cultivé, avoir de la prestance et savoir rassembler au lieu de provoquer avec des idées et positions trop marquées. Telles sont les qualités que les Tchèques attendent du successeur de Miloš Zeman au Château de Prague, selon un récent sondage de la plateforme Výzkumník Seznam. Un sondage dont il ressort également que l’orientation pro-occidentale, ou non, du futur chef de l’État ne constitue pas une priorité aux yeux des Tchèques :
« Pour quelque 40 % des personnes interrogées, le président de la République devrait être neutre. Encore moins nombreux sont ceux qui estiment qu’il devrait être le partisan d’une ligne pro-occidentale. Pour les auteurs de l’enquête, c’est là un constat surprenant, car l’agression russe contre l’Ukraine a raffermi le sentiment d’appartenance des Tchèques à l’Union européenne et à l’OTAN. Ce même constat serait moins surprenant s’il s’agissait, par exemple, de la Slovaquie, car les Slovaques sont moins enthousiastes que les Tchèques vis-à-vis de l’Occident. Néanmoins, cette nouvelle vision des choses est une conséquence de la guerre qui se prolonge et qui est source d’une certaine lassitude au sein de la population. »
Par ailleurs, Seznam Zprávy cite une autre étude relative à la prochaine élection présidentielle selon laquelle Andrej Babiš est actuellement, parmi les trois grands favoris du scrutin, celui qui est le plus présent dans les médias. Toutefois, la moitié des articles concernent l’ex-Premier ministre sont de nature négative. Qu’importe, observe le site : « En politique, mieux vaut une publicité critique que pas de publicité. »
Volodymyr Zelensky aux États-Unis
Lidové noviny est un des périodiques tchèques qui a abondamment commenté la visite de Volodymyr Zelensky aux Etats-Unis. Dans l’édito, on peut ainsi lire :
« Depuis dix mois déjà, cet homme devait vivre en exil, avoir été capturé ou tué. Au lieu de cela, il s’est rendu aux Etats-Unis. Rares étaient ceux, au début de l’invasion russe, qui auraient oser prédire un tel aboutissement. Et c’est à Zelensky lui-même qu’en revient le mérite. S’il avait quitté le pays, il aurait pu vivre quelque part à l’abri tout en épargnant des dizaines de milliers de vies. Mais l’Ukraine aurait alors fini comme la Tchécoslovaquie après août 1968. En refusant ce scénario, Zelensky est devenu la personnalité de l’année 2022 aux yeux des médias et un partenaire pour Washington. »
Dans le monde, la lassitude et le désir de parvenir à un accord de paix quel qu’en soit le prix grandissent. C’est pour cette raison, comme l’observe encore Lidové noviny, et pour obtenir le système de défense antiaérienne Patriot, que Zelensky devait aller aux États Unis, histoire de répéter sa phrase devenue légéndaire : « J’ai besoin de munitions, pas d’un chauffeur. »
Les Tchèques repensent la sécurité et la défense
« En dressant, mardi 20 décembre, le bilan de l’année qui s’achève, la ministre de la Défense, Jana Černochová, a recouru à des arguments techniques. Elle a pourtant ommis l’essentiel, à savoir la nouvelle façon de la société tchèque de penser la sécurité et la défense, qui a été imposée par l’agression russe en Ukraine ». C’est ce que l’on peut lire dans le quotidien Hospodářské noviny, qui précise :
« Marginal, voire méprisé, le domaine de la défense est désormais au centre de l’attention des Tchèques. La collecte lancée par l’ambassade d’Ukraine pour l’achat d’armes, à laquelle les Tchèques ont contribué à hauteur de près de 500 millions de couronnes, est la preuve de ce nouvel intérêt. Beaucoup ont par la même occasion brisé un tabou en mettant de côté leurs positions antimilitaristes. Certes, les nouvelles concernant l’Ukraine génèrent de la lassitude et la volonté d’aider les régufiés ukrainiens faiblit. Mais les Tchèques n’en restent pas moins conscients que la sécurité et l’indépendance ont un coût et qu’il faut aider les amis pour qu’ils puissent se défendre. Cet état d’esprit n’a jamais été si fort durant les trente dernières années. »
Mais une partie-clé de la défense reste sous-estimée, comme le souligne encore le quotidien économique :
« Il s’agit de la résistance des Tchèques face aux fausses informations et à la volonté d’agents étrangers d’influencer la politique nationale. Dans ce domaine, le cabinet de Petr Fiala possède un grand retard. On peut souhaiter à nos soldats de nouveaux chars et avions. Mais aussi excellente soit-elle, une armée ne peut assurer seule la défense. Elle a besoin pour cela du soutien d’une majorité de la population. Cette année, heureusement, beaucoup de Tchèques ont pris conscience de cette réalité. »
Le gouvernement de Petr Fiala est au pouvoir depuis un an
Une année s’est écoulée depuis le jour où le cabinet de Petr Fiala a remplacé celui d’Andrej Babiš. L’hebdomadaire Reflex a profité de l’occasion pour faire un premier bilan :
« Pour la première fois dans l’histoire, nous avons à la tête de l’État une coalition composée de cinq partis. En dépit de son caractère bariolé, aucun différend grave ou confllit n’y est survenu. S’il y a bien un domaine dans lequel le gouvernement peut se targuer de son travail, c’est certainement l’agenda international. La Tchéquie compte parmi les pays dont le soutien à l’Ukraine est particulièrement marquant. Le gouverenement a aussi su faire face à l’arrivée dans le pays de 400 000 réfugiés ukrainiens. »
A noter également, selon Reflex, que contrairement à certaines prévisions, la collaboration du parti conservateur ODS, longtemps considéré comme eurosceptique, avec des partis libéraux qui, eux, sont pro-européens, ne s’est pas traduit par une cacophonie des voix en matière de politique européenne. Quant à la politique intérieure, le magazine écrit :
« Actuellement, le gouvernement tchèque ne jouit pas d’une confiance particulièrement élevée. Cela dit, il a plutôt bien passé le test de popularité lors des élections municipales et sénatoriales à l’automne. Le tsunami anti-gouvernemental annoncé par l’opposition n’a pas eu lieu. »
Les cas de meurtres en hausse en Tchéquie
Le quotidien indépendant Deník N a pour sa part dressé un autre bilan de l’année 2022. « Il est d’ores et déjà acquis que cette année s’inscrira négativement dans l’histoire de la criminologie », note-t-il. Il explique pourquoi :
« Les 150 meurtres qui ont été perpétrés entre janvier et novembre représentent le total le plus élevé depuis 2013. Avant même la fin de l’année, on peut donc constater que par rapport à 2021, le nombre de ces crimes commis en 2022 est environ 50 % plus élevé. Le nombre de mineurs impliqués a lui aussi augmenté, avec sept meurtres, dont trois commis par des enfants de moins de quinze ans. »
Le coût de la vie, la guerre, les disputes et les clivages politiques, la peur de l’avenir... Autant d’éléments, parmi beaucoup d’autres, qui engendrent tension, frustrations et inquiétudes au sein de la société. Les experts auxquels le journal se réfère estiment cependant que même si la situation actuelle est particulière, elle ne saurait expliquer à elle seule les causes de l’évolution dont nous sommes les témoins. Le texte ajoute que la majorité des meurtres en Tchéquie sont motivés par des conflits d’ordre relationnel.