« Les corps en lutte contre l’adversité » de Franta exposés à l’UNESCO
František Mertl, plus connu sous le nom de Franta, est un peintre français d’origine tchèque, installé en Provence depuis la fin des années 1950. Il a côtoyé les plus grands, de Picasso à Miro, en passant par son ami, l’écrivain Graham Greene. Traversée par un questionnement permanent sur la condition humaine, son œuvre est à voir à la Maison de l’UNESCO à Paris jusqu’au 5 avril.
La vie et l’œuvre du peintre Franta sont marquées depuis sa plus tendre enfance et par la guerre, et par la France. Né en 1930 à Třebíč, celui qui était encore František Mertl n’a que neuf ans lorsque son père décide de partir et de s’engager dans la division tchécoslovaque formée à Agde, dans le sud de la France.
Comme tant d’autres enfants, il devra attendre cinq ans avant le retour de son père du Royaume-Uni qui avait été l’étape suivante de ces engagés tchécoslovaques après la défaite de la France. Pendant les années d’occupation de la Tchécoslovaquie, la Gestapo interrogera régulièrement la famille au père absent.
Pour František Mertl qui choisit la voie de l’art et la peinture après la Libération, cette expérience apparaît comme déterminante pour son œuvre future, de même que celle de son émigration en France dans les années 1950, comme l’illustre aussi sa nouvelle exposition à la Maison de l’UNESCO :
« Le titre de cette exposition est : Au nom de qui, au nom de quoi ? Parce que je ne comprends toujours pas que l’Homme puisse être aussi cruel – comme il l’a été à New York, en Yougoslavie, en Tchétchénie, au Rwanda… Ce sont des questions auxquelles personne ne m’a donné de réponse, je les attends toujours. »
Corps tordus, sanglants, amas de débris et fournaise due à des destructions guerrières : certaines des peintures exposées à l’UNESCO peuvent difficilement laisser indifférent, a fortiori dans le contexte actuel du retour de la guerre en Europe. Christian Noorbergen est le commissaire de l’exposition :
« J’ai choisi une sélection d’œuvres, de manière à créer une sorte de rétrospective et de montrer toutes les facettes de l’œuvre de Franta. Il y a donc des œuvres qui datent d’une ou deux décennies, des œuvres plus récentes. Cela dit, on a choisi toutes les œuvres représentant les corps en lutte contre l’adversité : l’unité, mais dans la diversité. Les guerres, les conflits sont au cœur et il est clair que ce qui se passe en Ukraine a réactivé la création de Franta. Mais sa création va bien au-delà puisqu’elle reflète ce qui a pu se passer dans le monde entier. C’est un lutteur d’humanité. »
Franta travaille le plus souvent sur des grands, voire très grands formats. Comme il nous le confiait en 2012 : « dès que le format dépasse la largeur de mes épaules, je suis plus à l’aise ». C’est aussi un travailleur acharné, plongé dans un processus créatif constant, comme le souligne le maire de sa ville natale Třebíč, Pavel Pacal :
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« Franta travaille constamment. Il vit pour et par son œuvre. Je l’ai vu travailler le matin, le soir, même quand il a de la visite. Parfois, visite ou pas, il s’absente pour aller peindre parce qu’il a eu une idée. C’est quelqu’un d’extrêmement créatif, qui a vécu des expériences incroyables et qui porte en lui cette force qui le pousse vers l’avant. »
Exposé dans le cadre de grandes collections étrangères, comme au Guggenheim ou au Centre Pompidou, Franta n’a pas pour autant oublié d’où il venait : c’est en effet à Třebíč qu’il a choisi de faire don de peintures pour une exposition permanente, comme s’en félicite le maire de cette petite ville de la Vysočina :
« Nous sommes très fiers de Franta. Ce qu’il a accompli au cours de sa vie qui n’a pas été facile, c’est vraiment quelque chose… En 2012, Franta s’est adressé à nous : il souhaitait faire don de certaines de ses œuvres et que sa seule exposition permanente dans le monde voie le jour précisément dans sa ville natale. Nous l’avons ouverte en 2014 et nous en sommes très heureux. Il y a 38 œuvres, des œuvres graphiques, des peintures, une sculpture aussi, d’une valeur de plus de 15 millions de couronnes à l’époque. Mais ce n’est pas là l’essentiel : c’est un bonheur de savoir que l’enfant du pays se soit souvenu de sa ville. Il était donc important de venir à Paris pour son exposition, alors que Trebic fête justement cette année les vingt ans de son inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. »